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jeudi 2 avril 2020

« Pour les plus démunis, le système tient mais avec de graves insuffisances »

En pleine crise sanitaire causée par le coronavirus, le président de la Fédération des acteurs de la solidarité, Louis Gallois, alerte sur la situation des sans-domicile et des migrants.
Propos recueillis par  et  Publié le 2 avril 2020
Des lits de camp pour les sans-abri installés à l’intérieur du Palais des Festivals de Cannes, le 24 mars.
Des lits de camp pour les sans-abri installés à l’intérieur du Palais des Festivals de Cannes, le 24 mars. ERIC GAILLARD / REUTERS
Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), réclame la mise à disposition de nouveaux lieux pour mettre à l’abri les sans-domicile et juge catastrophique la fin de l’enregistrement des demandes d’asile. Il plaide pour que les plus démunis ne soient pas les grands oubliés une fois la crise liée à l’épidémie de Covid-19 passée.

Que pensez-vous des réponses apportées aux plus démunis dans cette crise du coronavirus ?

Je constate que le système tient, mais il y a de graves insuffisances. Les associations, qui œuvrent en général avec des bénévoles âgés, ont considérablement réduit leurs distributions alimentaires, leurs maraudes et leurs accueils de jour.
Des gens appellent le 115 parce qu’ils ont faim et n’ont pas mangé depuis deux ou trois jours. Ils ne peuvent même plus faire la manche. Mais les associations font preuve de réactivité et d’innovation pour pallier ces manques.
Sur le plan de l’hébergement, qui accueille 110 000 sans-abri dans des structures dédiées, 50 000 dans des chambres d’hôtels et 100 000 dans les circuits réservés aux demandeurs d’asile, le système tient grâce à l’engagement des salariés : entre 60 % et 70 % d’entre eux sont au travail, alors qu’ils ne sont pas correctement protégés car nous manquons cruellement de masques et de gel hydroalcoolique. Chaque jour, je constate leur engagement et leur créativité. C’est une fierté. Un grand merci à eux.

Le gouvernement a mobilisé des places d’hébergement et des gymnases : est-ce satisfaisant ? Faut-il aller plus loin en réquisitionnant des logements ?

L’Etat a décidé de ne pas refermer les places hivernales, ce qui a évité de remettre plusieurs milliers de personnes à la rue. Il a ouvert 5 000 places d’hôtel et mobilisé des gymnases, mais, dans une situation d’épidémie, ils ne peuvent accueillir que pendant un temps très court.
Il faut des solutions plus adaptées, pas forcément des logements mais dans les lycées et les internats, comme le suggère Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France, et aussi dans les résidences pour étudiants ou auberges de jeunesse. Il faut, bien sûr, avoir les effectifs nécessaires.
Il y a encore des personnes qui vivent dans des campements, comme à Calais (Pas-de-Calais) et Grande-Synthe (Nord), mais aussi dans des grandes villes comme Toulouse, Lyon, Marseille… Or, l’hygiène y est catastrophique et les mesures barrières ne peuvent pas y être respectées. Dans les bidonvilles roms, les gens manquent d’eau.

Constatez-vous la propagation du virus dans les centres d’hébergement et que pensez-vous des « centres de desserrement » – quarante sont déjà ouverts, pour un total de 1 300 places – pour accueillir les personnes contaminées ?

La vitesse est essentielle car le virus se propage rapidement. Il y avait une trentaine de cas vers le 20 mars et nous les évaluons à 900 aujourd’hui, avérés ou suspectés, sur les 260 000 personnes hébergées en structures collectives et en hôtels. Le Samusocial de Paris déplore deux morts, Emmaüs Solidarité un mort…
On cloisonne des salles communes pour un confinement minimal, mais il faut trouver des places et surtout des salariés, et permettre à ceux-là de travailler dans des conditions de sécurité. Les centres de desserrement pour les personnes malades sont urgents mais, pour les utiliser, les centres d’hébergement ont besoin d’un appui sanitaire car ils n’ont pas de personnel médical.
Un agent de sécurité se tient près des lits installés à l’intérieur du Palais des Festivals de Cannes, le 24 mars.
Un agent de sécurité se tient près des lits installés à l’intérieur du Palais des Festivals de Cannes, le 24 mars. ERIC GAILLARD / REUTERS

Le ministère de l’intérieur Christophe Castaner a suspendu l’enregistrement de la demande d’asile. Qu’en pensez-vous ?

Avec Julien Denormandie [ministre chargé du logement], nous avons des téléconférences tous les deux jours, son cabinet est disponible. Nous souhaiterions avoir la même chose avec le ministère de l’intérieur pour gérer les problèmes et que les deux ministères se parlent.
Le 115 est saturé par des personnes qui ne peuvent pas déposer une demande d’asile et donc accéder à des hébergements et à l’allocation pour demandeur d’asile. C’est une réalité qui concerne M. Denormandie comme M. Castaner.
La fermeture des guichets d’enregistrement de la demande d’asile pose un véritable problème. Le droit d’asile est un droit constitutionnel inscrit dans les textes les plus officiels de la République. Je ne vois pas pourquoi ce service régalien s’arrête. On laisse les personnes dans une situation catastrophique et le 115 ne peut pas se substituer à l’enregistrement des demandeurs d’asile.

Après la crise sanitaire, viendra la crise économique. A quoi faut-il s’attendre ?

On aura à faire face à une crise économique profonde. Nous allons perdre 5 à 6 points de produit intérieur brut. Cela signifie une perte de pouvoir d’achat, du chômage, l’accroissement des inégalités.
L’Etat dépense aujourd’hui largement pour éviter les faillites et les licenciements, mais ses moyens ne sont pas sans limite alors que la phase la plus critique sera la sortie de crise. Il faudra en même temps soutenir les entreprises et accélérer la reprise de la consommation.
Je ne voudrais pas que les plus démunis soient les oubliés dans cette affaire. Or, c’est la seule catégorie dont le pouvoir d’achat n’a pas crû en 2019. Il est essentiel qu’à la sortie de la crise sanitaire, ils puissent bénéficier de ce qui pourra être fait pour relancer la consommation.
Je pense à la hausse du revenu de solidarité active (RSA) et d’un certain nombre de minima sociaux comme les aides personnalisées au logement (APL), dont ils ont un besoin essentiel. Comme ils consomment 100 % de ce qu’ils reçoivent, ils ont un impact direct et rapide sur l’activité économique.

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