PAR
DAMIEN COULOMB -
PUBLIÉ LE 31/03/2020
L'un des espoirs qui justifie les mesures mises en place contre l'épidémie de Covid-19 par les différents pays est de voir se développer au sein des populations une immunité de groupe. Au cœur de cette stratégie, réside toutefois une incertitude majeure : combien de temps dure l'immunité induite par une infection par le SARS-CoV-2 ?
Compte tenu du manque de recul sur ce virus particulier, les meilleures sources d'information restent les données accumulées sur d'autres coronavirus, comme le souligne le Dr Seth Berkley, président-directeur général de l'alliance GAVI pour l'immunisation et les vaccins : « C'est le troisième coronavirus à aller dans la population humaine en 20 ans, et il ne semble pas avoir provoqué d'immunité à vie chaque fois, ni même d'immunité à long terme », explique-t-il.
La comparaison avec d'autres coronavirus plus communs plaide également en faveur d'une immunogénicité de courte durée. « On se réinfecte régulièrement avec les autres coronavirus bénins comme ceux du rhume, rappelle Frédéric Tanguy, spécialiste des virus à ARN du département de virologie de l'Institut Pasteur de Paris. L’immunité n'est probablement pas de long terme. » Dans ce contexte, les stratégies basées sur l'immunité de groupe « peuvent fonctionner pour atténuer l'épidémie en cours, espère Frédéric Tanguy. Il est probable que chez tous les gens qui ont été infectés, l'immunité dure 3 à 6 mois. Si elle durait moins, ce serait exceptionnel pour un virus de ce genre. »
À partir des données du SRAS
D'autres équipes ont ressorti les données de suivi de l'épidémie de SARS de 2003. Ainsi, selon une étude chinoise parue récemment sur le site de prépublication medRixv, les concentrations d'immunoglobulines dirigées contre le premier SARS-CoV atteignent un pic un an après l'infection, avant une baisse rapide. Les auteurs ont travaillé à partir des données d'une cohorte de 34 soignants infectés par le SARS il y a 17 ans. Leurs données se veulent plus rassurantes.
Entre 2003 et 2015, ils ont régulièrement analysé le sérum de 20 membres de cette cohorte et de 40 contrôles. Des immunoglobulines IgG étaient détectables jusqu'à 12 ans après la fin de l'infection. Néanmoins, ils ont observé un pic de concentration en 2004, suivi d'une diminution rapide entre 2004 et 2006, suivi d'un déclin moins marqué. Les patients traités par corticoïdes étaient ceux qui avant les titrations d'anticorps les moins importantes. Les auteurs ne se prononcent pas sur la capacité réelle à prévenir une infection pour des concentrations observées.
Seul un vaccin pour une protection à vie
Dans un autre travail publié dans « Cellular & Molecular Immunology », des médecins chinois ont constaté, chez 68 patients atteints de Covid-19 (dont 13 cas graves et 55 moins sévères), un épuisement fonctionnel, dès les premiers stades de la maladie, de cellules NK et des lymphocytes T CD8+, et donc des capacités à mettre en place une immunité virale. Les auteurs se sont appuyés sur les niveaux d'expression du récepteur NKG2A, connu pour être à l'origine de l'épuisement de ces types cellulaires lors des infections virales chroniques. Ils suggèrent d'ailleurs que ce récepteur pourrait être une cible thérapeutique.
« Ces résultats, produits dans l'urgence, sont à considérer avec prudence et à confirmer, précise Fréderic Tanguy. Le seul moyen d'avoir une immunité à vie serait l'administration d'un vaccin vivant », insiste-t-il. Tous les experts s'accordent sur le fait que seul un vaccin pourrait être en mesure de procurer une protection à vie. Une dizaine de candidats sont actuellement en développement. Selon Frédéric Tanguy et Seth Berkley, la mise à disposition d'un vaccin contre le SARS-CoV-2 devrait intervenir dans environ 18 mois.
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