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samedi 4 avril 2020

Handicaps psychiques : des mesures pour aider les familles à gérer le confinement

Avec la fermeture des établissements médico-sociaux en externat, 65 000 enfants et 30 000 adultes sont rentrés à domicile. Leurs conditions de sortie ont été assouplies et des solutions de répit sont mises en place. 
Par  et   Publié le 5 avril 2020
A Givors, près de Lyon, le 31 mars.
A Givors, près de Lyon, le 31 mars. JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP
Le confinement se conjugue mal avec la prise en charge à domicile des handicaps psychiques. Le 2 avril, journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, Emmanuel Macron a fait un premier geste vers les dizaines de milliers de familles confrontées à cette épreuve, en annonçant un assouplissement des conditions de sortie « pour les personnes en situation de handicap et leur accompagnant ».
Troubles autistiques, trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), déficience intellectuelle, atteinte psychiatrique : pour tous ceux qui rencontrent « une aggravation de leurs troubles du fait du confinement », les sorties ne sont plus limitées à une heure, ni contraintes au périmètre d’un kilomètre, ni régulées dans leur fréquence et leur objet. L’attestation habituelle de déplacement reste de mise, mais consigne est donnée aux préfets et aux forces de l’ordre d’une prise en compte spécifique.
Samedi 4 avril, lors d’un point presse avec le ministre de la santé, la secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, Sophie Cluzel, a fait un pas de plus en annonçant l’organisation de solutions « de répit » pour les familles : gardes prévues au domicile, ainsi, le cas échéant, qu’un accueil temporaire des personnes handicapées, pour des périodes de 7 à 14 jours renouvelables. Mais ces mesures ne résoudront pas tous les problèmes auxquels doivent faire face ces foyers, confrontés depuis la mi-mars à la fermeture des instituts médico-éducatifs (IME) et autres structures d’accueil de jour.

Confinement classique inenvisageable

Julien, autiste non verbal, passe habituellement les trois-quarts de ses journées en centre éducatif. Celui-ci ayant fermé pour cause de Covid-19, ses parents ont dû s’adapter. Pour l’adolescent de 14 ans, qui ne tient pas en place et ne sait pas s’occuper seul, un confinement classique était inenvisageable. « Le sport à haute dose, c’est son médicament, souligne sa mère, Magali. Mais dans la rue, il ne peut pas s’empêcher de toucher, voire de lécher tout ce qui passe à sa portée… Alors je prends la voiture et je l’emmène en forêt, c’est moins risqué. » Avant même l’assouplissement des conditions de confinement, Magali avait demandé un certificat médical pour que son fils puisse sortir plusieurs fois par jour, au-delà du périmètre réglementaire.
Selon les estimations du secrétariat d’Etat aux personnes handicapées, 65 000 enfants et 30 000 adultes habituellement accueillis en externat dans des établissements médico-sociaux sont retournés à domicile. S’y ajoutent environ 51 000 enfants bénéficiant d’ordinaire d’un dispositif mobile de type Sessad (service d’éducation spéciale et de soins à domicile) pour leur scolarité et leur rééducation. Une partie des soins reste parfois assurée à la maison ou à distance. Mais il devient chaque jour un peu plus difficile, pour nombre de ces familles aidantes, de gérer l’isolement sans la prise en charge habituelle des centres médico éducatifs et des éducateurs spécialisés.
« On s’est dit que ça allait être l’enfer, puis on a réagi », raconte Marjorie Ployé. Quand l’IME, qui prend d’ordinaire leur fille en charge tous les jours et deux nuits par semaine, l’a prévenu le 12 mars que l’établissement fermait ses portes pour cause de Covid-19, le couple a tout de suite compris qu’il lui faudrait de l’aide. Valentine, 8 ans, présente de graves troubles du comportement avec agressivité, et une déficience intellectuelle sévère. Une zone sécurisée a été aménagée dans le jardin, une garde extérieure a été mise en place trois heures par jour. Depuis peu, une psychomotricienne de l’IME assure deux séances hebdomadaires à domicile. « Pour l’instant, Valentine est assez cool, pour elle, c’est presque des vacances. Mais pour des familles comme la nôtre, l’équilibre est précaire, tout dépend de l’état de l’enfant, et il peut être fluctuant », dit sa mère, qui doit aussi s’occuper de ses deux autres enfants en âge scolaire.
Dans un communiqué publié le 2 avril, l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam) souligne quant à elle le « déficit abyssal de l’offre dans le social et le médico-social », qui risque d’entraîner de graves ruptures dans l’accompagnement de personnes déjà mentalement fragiles.

Sans accompagnement, une « situation explosive »

Sa présidente, Marie-Jeanne Richard, s’inquiète notamment des sorties « sèches » des établissements psychiatriques. « Pas plus tard que cet après-midi, on m’a relaté le cas de parents ayant reçu une injonction à récupérer leur fille, raconte-t-elle le lendemain. Or, ils habitent dans un autre département que celui où elle était soignée. Si une solution d’hébergement n’est pas préparée, s’il n’y a pas de service d’accompagnement pour ces familles, c’est une situation explosive. »
Autre sujet de préoccupation pour l’Unafam : comment assurer la continuité des soins malgré le confinement ? Afin de pallier les prises en charge ambulatoires habituelles, les centres médico-psychologiques (CMP), les hôpitaux de jour et les centres d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) mettent en place, tant bien que mal, un suivi par téléphone ou par téléconsultation. Mais avec deux risques d’inégalité. « La première est due à la fracture numérique, souligne Marie-Jeanne Richard. Comme pour la scolarité à domicile, ceux qui n’ont pas d’ordinateur ou qui ne le maîtrise pas correctement seront les premiers lésés. La deuxième provient des ressources humaines des hôpitaux chargés de gérer ce suivi, avec un manque criant dans certains d’entre eux. »
La présidence de l’Unafam n’en salue pas moins la « réelle mobilisation » des personnels soignants depuis le début du confinement, ainsi que « leur volonté de faire lien avec l’entourage familial ». Au point d’espérer l’émergence de meilleures pratiques au sortir de cette crise. Tel un usage plus souple de la consultation téléphonique, outil précieux pour des personnes dont les troubles mentaux compliquent bien souvent le respect de leur rendez-vous en ambulatoire.
Les inquiétudes portent aussi sur le risque de contamination des personnes handicapées qui vivent en internat, à temps complet, dans les établissements médico-sociaux. Restées ouvertes, ces structures accueillent actuellement 40 000 enfants et 270 000 adultes. Dans ces lieux communautaires comme dans les Ehpad,la prévention de cas groupés de Covid-19 est un défi, les gestes barrière et l’isolement étant souvent très difficiles à faire respecter. Certains résidents sont de plus exposés à des formes graves de l’infection, du fait de leur polyhandicap ou d’atteintes neuromusculaires, a souligné Sophie Cluzel.
Un recensement des foyers de contamination dans ces établissements avec internat est en cours. Lors de son point presse du 4 avril, le ministre de la santé Olivier Véran a de son côté souligné la nécessité de « garantir la continuité des soins » à toutes les personnes avec handicap. Qu’il s’agisse d’une hospitalisation ou d’une réanimation, elles doivent, a-t-il insisté, bénéficier des mêmes soins que tout le monde.

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