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lundi 19 mars 2018

Consentement à 15 ans : le risque d’une sexualité des jeunes « encore plus taboue et cachée »

Pour le Planning familial, le renforcement de l’âge du consentement témoigne d’une « méconnaissance » des pratiques des jeunes.

LE MONDE  | Par 

La prise de position détonne. Alors que le gouvernement s’apprête à renforcer l’interdit qui pèse sur les relations sexuelles entre majeurs et mineurs de moins de 15 ans, dans l’objectif de mieux protéger les victimes, le Planning familial interroge : serait-ce une « fausse bonne idée » ? « Il faut trouver un équilibre entre la nécessité de protéger les mineurs et leur liberté d’avoir des rapports sexuels », affirme Véronique Séhier, coprésidente du Planning.
L’inquiétude remonte du terrain. L’association, qui se bat pour que les jeunes de tous âges aient accès à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse, même sans l’aval de leurs parents, est en contact avec de nombreux adolescents dans ses centres et anime des séances d’éducation à la sexualité. Or, le renforcement de l’âge du consentement à 15 ans, voulu le président de République Emmanuel Macron et la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, « témoigne d’une méconnaissance de la sexualité des jeunes », affirme Marion Athiel, militante au Planning de Lyon.


Si le fait que des enfants âgés de 12 ans et moins sont trop jeunes pour consentir à un acte sexuel semble faire l’unanimité, ce n’est pas le cas pour les adolescents âgés de 13 et 14 ans. Certes, les relations sexuelles précoces sont peu nombreuses : l’âge moyen lors du premier rapport est de 17 ans. « Ce n’est pas la majorité, précise Mme Athiel. Mais ça arrive ! » La bénévole cite le cas d’une jeune fille de 13 ans venue chercher un contraceptif dans un centre du Planning. « Nous avons fait un deuxième entretien avec elle, pour vérifier que c’était consenti, poursuit Mme Athiel. Elle avait choisi d’avoir ce rapport et ça s’est très bien passé ! »

Dans le cas cité, le petit ami avait 15 ans. Or, entre mineurs, rien n’est proscrit si les deux protagonistes sont d’accord. Mais il arrive que le partenaire ait 17 ou 18 ans. S’il a dépassé la majorité, les parents pourraient, avec la nouvelle loi, être incités à engager des poursuites pour viol. « Nous voyons des parents opposés à ce que leurs enfants aient des relations sexuelles, relève Véronique Séhier. La sexualité est taboue dans certaines familles. »

« Ordre moral »


Le nouveau texte pourrait également remettre en question certaines pratiques des accueillants du Planning. « Si nous nous trouvons face à une situation comme celle-là, allons devoir prévenir les parents ? Faire un signalement au procureur ? », interroge Marion Athiel.

Aujourd’hui, la loi punit déjà de cinq ans de prison l’atteinte sexuelle, c’est-à-dire toute relation sexuelle, y compris consentie, entre un majeur et un mineur de moins de 15 ans – une peine que le projet de loi du gouvernement entend faire passer à dix ans en cas de pénétration. Mais le Planning effectue des signalements à la justice seulement quand une situation de violence est détectée. « Quand une très jeune arrive chez nous, nous avons toujours cela en tête, explique Danielle Gaudry, gynécologue au Planning de Maisons-Alfort (Val-de-Marne). Qui est le partenaire ? La relation est-elle consentie ? Y a-t-il violence, pression, emprise ? »

Le couperet des 15 ans est jugé en outre inadéquat. « Pourquoi protéger davantage à 14 ans et 8 mois qu’à 15 ans et 3 mois ?, interroge Véronique Séhier. Au même âge, il peut y avoir des niveaux de développement psychologique, affectif et physique très variables ! » « L’interdit, c’est d’avoir des rapports sexuels non consentis, quel que soit l’âge », renchérit Danielle Gaudry. Or, la notion de consentement est mal connue par certains jeunes. Près de la moitié des auteurs de viols sur mineurs de moins de 15 ans condamnés en 2016 étaient eux-mêmes mineurs.

Le projet de loi témoigne-t-il d’une volonté de revenir à un « ordre moral », comme le redoute Véronique Séhier ? « Même si c’est compliqué à accepter pour certains parents et la société, les jeunes ont une sexualité, affirme Marion Athiel. Le risque, c’est qu’elle soit encore plus taboue et cachée. »


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