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jeudi 11 mars 2021

Reportage Dans un Ehpad charentais, «le cheval est un partenaire de thérapie génial»

par Aurore Savarit-Lebrère et photos Thibaud Moritz  publié le 10 mars 2021

Une fois par mois, Marie Pesi se rend avec sa ponette dans une maison de retraite de Gond-Pontouvre. Encadrée par des professionnels de santé, leur visite, en plus d’être «une bouffée d’air», aide les résidents tant sur le plan moteur que cognitif.

Les sabots de Sioux claquent sur les marches. Les portes s’ouvrent, le calme règne. Sereine, la ponette de 16 ans guidée par sa propriétaire, Marie, commence à se faufiler entre les fauteuils sur lesquels sont bien installés les pensionnaires de l’Ehpad la Providence, rattaché au Centre hospitalier d’Angoulême. Après avoir franchi couloirs et escaliers, Sioux arrive au deuxième étage. Viennent alors les murmures puis les applaudissements. «Il me semblait bien que je l’avais entendue», s’écrie une personne âgée. La ponette s’installe au milieu d’une cinquantaine de résidents, qui viennent la caresser. Les compliments fusent, les questions aussi : «Qu’il est joli ! Mais il n’a pas pris un peu de poids ?» «Merci d’être là, c’est formidable 

Marie, les mains sur les hanches, écoute les pensionnaires un à un, tout en leur présentant Sioux. Les souvenirs affluent, le dialogue se noue. «Cela me rappelle ma jeunesse, j’en avais chez moi», affirme une résidente. Irène se souvient de ses enfants qui faisaient du poney. «Moi je m’y connais, mes enfants sont vétérinaires», renchérit une autre. «Ça nous rajeunit pour quelques minutes», résume Andréa, 94 ans. L’objectif de la séance est déjà atteint.

«Chacun y retrouve une partie de son histoire»

Chantal, la kinésithérapeute de la structure, explique que l’atelier existe depuis quelques mois et a pour but de «stimuler les résidents sur le plan moteur mais aussi cognitif». Ces derniers souffrent globalement de troubles locomoteurs entraînant des impotences fonctionnelles ou de troubles de l’équilibre qui accentuent leurs difficultés pour marcher, mais sont aussi majoritairement atteints de pathologies neuropsychiatriques telles qu’Alzheimer ou Parkinson. «L’animal fait remonter beaucoup de souvenirs. En Charente, il y a beaucoup de gens qui étaient agriculteurs, alors chacun y retrouve une partie de son histoire», ajoute-t-elle. «En cette période de crise sanitaire, où ils sont limités dans les mouvements et dans les visites, ça leur donne une bouffée d’air, abonde Laurence, cadre de santé de l’établissement. Ça apporte un message positif aux équipes car, contrairement aux images véhiculées, cela montre qu’en Ehpad, il y a aussi des activités.»

Derrière cette initiative, il y a Marie Pesi, 21 ans, qui monte à cheval depuis ses 3 ans, et Cécile Guillout, l’animatrice de l’Ehpad. «Une collègue m’a donné le contact de Marie et j’ai trouvé ça très intéressant. C’est très dur de trouver des intervenants autour de la médiation animale», explique Cécile. Les motivations de Marie sont plus personnelles : venir dans un Ehpad lui permet d’honorer la mémoire de sa grand-mère, décédée l’année dernière sans qu’elle ne puisse lui dire au revoir. «Quand je fais cette activité, je pense aussi à elle car j’aurais aimé qu’on fasse ça pour elle», confie la jeune cavalière.

Marie trouve à la Providence du plaisir et de la sérénité : «Je reste moi-même et je fais comme si je parlais à des gens de mon âge. Ça me fait du bien d’être avec eux, ça me permet aussi de grandir et je me suis toujours dit “Si tu donnes du bonheur aux autres, tu t’en donnes aussi à toi”, et c’est vrai !» Les effets de l’atelier sont patents sur les pensionnaires. «Ils se souviennent des visites, deux trois jours après ils nous en parlent encore», insiste Isabelle, agent de service hospitalier.

«Merci mademoiselle, c’est magnifique»

Au contact du cheval, les personnalités changent. «Pour les personnes âgées, le cheval est un partenaire de thérapie génial. Il permet de travailler sur la relation parce qu’il n’a pas d’avis, pas d’arrière-pensées et que, quoiqu’il arrive, il reste très présent», explique Elsa, psychomotricienne, formée à la Fédération nationale de la thérapie avec le cheval (Fentac). Selon elle, l’animal représente même une surface de projection «car c’est parfois très difficile pour une personne de parler de soi, mais très facile de parler du cheval et ça, on ne l’a avec aucun autre outil thérapeutique». «On voit un véritable changement entre le moment où le cheval est là et lorsqu’il n’est plus là», garantit Sara, enseignante d’activités physiques adaptées. «Ma ponette arrive à absorber les mauvaises ondes pour les transformer en bonne énergie et ça apporte beaucoup de positif» dans l’Ehpad, assure Marie.

«Ce qui est bien avec le cheval, c’est que c’est un animal sensible, qui ne juge pas, et est révélateur des difficultés et ressources de chacun»,explique Malory Beauda, psychologue et thérapeute issue de la Fentac. Jean-François Havreng, psychiatre et également membre de la Fédération, abonde : «Ce partenaire, qui accompagne la vie des humains depuis la nuit des temps, perçoit très bien nos sensations de base et nos vulnérabilités. Nous avons en commun une partie de notre système nerveux, à la fois centrale et périphérique, qui fait que nous partageons certains sentiments fondamentaux comme l’anxiété, la tristesse ou l’énergie.»

Jacqueline, qui d’habitude ne cesse de chanter dans les couloirs de la Providence, s’interrompt au passage de Sioux. Au moment de la visite dans les chambres, Marie-Hortense, connue pour être réfractaire aux activités collectives, est au garde-à-vous, sur le pas de sa porte, dans son fauteuil roulant. «Merci mademoiselle, c’est magnifique», glisse-t-elle après avoir pu caresser Sioux. L’atelier se termine, Isabelle qui a loupé une partie de la visite à cause de sa sieste, regrette d’avoir dormi. Raymond, n’était pas convaincu par l’idée. Mais à l’heure du départ de la ponette, il abandonne son déambulateur, et se précipite vers l’animal pour lui dire au revoir.


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