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vendredi 12 mars 2021

Ces universitaires qui tentent d’égayer leurs cours à distance

Par   Publié le 11 mars 2021

Des professeurs rivalisent d’imagination pour détendre l’atmosphère pendant les enseignements en ligne et remettre un peu de convivialité dans la vie des étudiants, nombreux à décrocher.

Le cours de droit des sociétés du professeur Bruno Dondero dure trois heures, de 17 heures à 20 heures. Pour plusieurs centaines d’étudiants à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, il vient conclure une journée souvent démarrée dès 8 heures qui, invariablement et quasiment sans pause, aura vu défiler une demi-douzaine d’enseignants derrière leurs écrans. Avoir cours à distance reste le quotidien de la majorité d’entre eux en cette période de crise sanitaire, même si les facultés organisent progressivement leur retour, dans la limite de 20 % d’occupation des locaux.

« Au début du premier semestre, lorsque les étudiants venaient encore en amphithéâtre, ils me voyaient sur un écran géant pendant que j’étais en train de tourner dans un studio, à 300 mètres de là », se rappelle l’enseignant. Désormais, c’est sur YouTube que tout le monde se retrouve. Car Bruno Dondero se filme, et met en scène de façon plutôt originale le contenu d’un enseignement plutôt ardu.

« Se décarcasser pour eux »

RoboCop (Paul Verhoeven, 1987), The Social Network (David Fincher, 2010), Game of Thrones ou encore Minecraft l’univers de la chaîne créée par le professeur de droit déroute. « Je charge toute une série de contenus qui vont du texte de loi aux extraits de films et de chansons, comme celle d’Eddy Mitchell sur la société anonyme,énumère-t-il. Depuis des années, quand je regarde un film ou une série, je m’intéresse aux extraits exploitables pour mes cours, puis je les sous-titre. » Ici, ce sont Les Sept Mercenaires qui expliquent comment constituer une société, et la bande de Friends comment tenir une assemblée générale. « Ces points techniques, les étudiants s’en rappelleront plus facilement que s’ils étaient restés juste dans un coin du cours. Chandler [un des personnages de Friends] qui détaille l’article 4 de l’ordonnance sur l’assemblée à huis clos pourrait les marquer davantage que si c’est moi qui l’énonce », veut croire M. Dondero.

Autre chaîne, autre ambiance. Jean-Michel Courty, professeur de physique à Sorbonne Université, est en pleine expérience de démonstration, sur la table de son salon. Il s’agit de tirer une nappe sans faire tomber la vaisselle. Au début du confinement, en mars 2020, il s’est lui aussi lancé sur YouTube et depuis, il n’a plus cessé d’alimenter « Merci la physique ! », parfois en compagnie de son épouse, qui pratique le théâtre d’improvisation.

Pour ses cours avec les étudiants de première année, il capte l’attention dès le début de la séance grâce à de petites expériences de physique qui introduisent le concept du jour. Par exemple, faire tenir en équilibre, sur sa tranche, une canette de soda. « Si elle est pleine ou vide, elle ne tient pas en équilibre. C’est quand on met juste ce qu’il faut de liquide à l’intérieur qu’on y parvient », décrypte le physicien, qui illustre ainsi son cours de mécanique consacré aux équilibres et centres de gravité. Certains moments sont de vraies exclusivités scientifiques, comme « le verre qui chante en trempant dans un seau », séquence qui, une fois diffusée sur YouTube, a valu au professeur des commentaires d’amis spécialistes du domaine qui n’avaient jamais vu cette expérience.

« C’est le ton de l’humour qui prime, pour établir des relations avec les étudiants, commente modestement Jean-Michel Courty. Quand vous faites ces expériences, ils voient que vous vous décarcassez pour eux, que ça vaut le coup de venir sur Zoom. L’idée principale, c’est que les étudiants se disent qu’il va se passer des choses. » Mais le professeur n’est pas dupe : les dégâts causés par l’enseignement à distance depuis un an sont énormes. « Le bilan est dramatique. Sur 150 étudiants, j’en ai 70 seulement qui suivent et j’en ai encore perdu la moitié ensuite après avoir donné un devoir maison un peu difficile. Tout cela ne se serait jamais produit en présentiel. »

Un « générateur de moments de convivialité »

Ce constat d’échec et de mal-être a conduit Suzanne Vergnolle à lancer le « Madeleine Café » en début d’année. « Le café, c’est l’ingrédient des étudiants et la madeleine, le temps perdu qu’ils vont recréer », sourit la docteure en droit. Objectif : reconstruire des moments de convivialité pour des étudiants de la même promotion. « Cette fois, on ne leur dit pas de couper leur micro mais au contraire, qu’on veut les entendre. Certains enseignants organisent déjà des discussions en petits groupes mais je souhaitais que ces rencontres soient plus largement accessibles. »

Spécialiste du numérique, l’enseignante a conçu un « générateur de moments de convivialité ». Sur la base du volontariat, les étudiants s’inscrivent avec leur adresse mail universitaire et sont ensuite appairés par groupes de deux en fonction de leurs filière, niveau d’études et de leurs centres d’intérêt, s’ils en ont indiqué. Tous les quinze jours, un mail les invite à se mettre d’accord sur la date et l’heure de leur « Madeleine Café », chaque réunion permettant de rencontrer une nouvelle personne de sa promotion.

« Derrière leurs écrans ou à la bibliothèque universitaire, c’est à eux de voir où ils se retrouvent. Nous les laissons libres de s’organiser parce que ce sont des adultes et que l’on souhaite collecter le strict minimum de données personnelles », explique Mme Vergnolle. Pour l’heure, 120 étudiants se sont inscrits, à Paris, Nantes, Brest et Amiens. « La difficulté, c’est qu’il faut avoir une base suffisante d’utilisateurs dans chaque promotion pour que ça fonctionne »,relativise celle qui compte désormais sur le relais des autres enseignants pour lancer le concept et pour qu’essaiment les nouvelles « madeleines ».


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