par Laure Equy publié le 7 mars 2021
Quatre propositions de loi traitant de la question de la fin de vie sont sur la table. Celle pour «le droit à mourir dans la dignité», portée par une sénatrice socialiste, sera débattue jeudi.
Est-ce la fin de mandat qui pousse les parlementaires à tenter de faire aboutir de longs combats mis en sommeil ? Quatre propositions de loi sont dans les tuyaux pour relancer le débat sur la fin de vie. Celle pour «le droit à mourir dans la dignité», portée par la socialiste Marie-Pierre de La Gontrie, doit être débattue jeudi en séance publique au Sénat. En quelques semaines, deux textes ont été déposés à l’Assemblée nationale : l’un, du marcheur Jean-Louis Touraine (Rhône), mobilisé depuis longtemps dans cette bataille, est signé par 164 membres de la majorité – dont 151 LREM, soit plus de la moitié du groupe. Il propose d’autoriser «une assistance médicalisée active à mourir» à «toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, provoquant une douleur physique ou une souffrance psychique insupportable». L’autre associe 25 députés de divers bords derrière l’élue Les Républicains Marine Brenier (Alpes-Maritimes). Enfin, un quatrième texte, une proposition de loi d’Olivier Falorni (Charente-Maritime), qui milite aussi depuis des années pour «le droit à une fin de vie libre et choisie», doit être discutée le 8 avril à l’initiative du groupe Libertés et Territoir
«Mouvement majeur»
Le contexte sanitaire a pourtant tendance à évacuer tout autre débat que ceux directement liés à l’épidémie. Mais il a aussi confirmé un diagnostic ancien, rappelé par Jean-Louis Touraine :«On meurt mal en France. La crise du Covid a montré le manque d’écoute des malades en fin de vie à qui on n’a rien à proposer. Certains décèdent seuls, parfois dans des asphyxies insupportables.» Olivier Falorni convient que «la réflexion sur la vie et la mort se pose peut-être encore plus dans une période où l’on voit s’égrener des décès» mais selon le député radical de gauche, «il y a surtout un mouvement majeur pour ce dernier grand droit à conquérir dans notre pays». Les partisans de l’euthanasie assurent qu’au fil des ans et des douloureux faits divers, le sujet n’aurait plus rien de clivant et s’appuient sur un sondage Ipsos de mars 2019 : 96 % des personnes interrogées se disaient favorables à la reconnaissance de ce droit. Hors des frontières, le sujet avance. Le Parlement portugais a voté fin janvier une loi autorisant «la mort médicalement assistée». Si le Président la ratifie, le Portugal deviendra le quatrième pays de l’Union européenne, après ceux du Benelux, à légaliser l’euthanasie. La Suisse autorise depuis longtemps le suicide assisté : Paulette Guinchard, ancienne secrétaire d’Etat aux Personnes âgées au sein du gouvernement Jospin, a ainsi passé la frontière pour y avoir recours. Elle y est décédée à 71 ans, a-t-on appris jeudi. L’Espagne, où les députés ont voté en décembre un texte reconnaissant le droit à l’euthanasie sous de strictes conditions, pourrait suivre.
En France, ces derniers temps, les parlementaires cherchent des interstices dans un calendrier législatif pourtant chargé, pour mettre en débat un certain nombre de sujets de société. «Sur les violences faites aux femmes, les crimes sexuels sur les mineurs, l’accès à l’IVG, depuis quelques mois, c’est au Parlement que ça bouge, note Marie-Pierre de La Gontrie. L’ordre du jour est si cadenassé par le gouvernement que les sénateurs et les députés trouvent des moyens inventifs.» Et se font écho d’une Chambre à l’autre. Les auteurs de ces propositions de loi réfléchissent à une initiative transpartisane, après le débat sénatorial de jeudi.
«L’heure est venue»
Ces fronts communs peuvent-ils pour autant aboutir à l’adoption d’un texte sur la fin de vie d’ici le terme du quinquennat ? Rien n’est moins sûr. La droite sénatoriale devrait rejeter la proposition de loi Gontrie, comme elle l’a fait en commission mercredi. A l’Assemblée, Touraine et Falorni croient davantage à la possibilité d’une «majorité de conscience». Lors de l’examen du 8 avril, le premier compte, avec des collègues LREM, se saisir de la proposition de loi Falorni «pour introduire des amendements. Et on la votera». Le chef de file des députés LREM, Christophe Castaner, a demandé une réunion à Matignon avec les patrons des groupes Modem et Agir pour connaître la position du gouvernement. S’il est, à titre personnel, favorable à l’idée d’avancer sur la fin de vie, «cela n’implique pas pour autant de passer un texte à l’Assemblée»,précise l’entourage de Castaner, l’idée étant d’abord d’évaluer la loi Claeys-Leonetti de 2016 et d’ouvrir le débat à tâtons. Dans une boucle Telegram où échangent les cosignataires LREM de la proposition de loi Touraine, certains jugent qu’il n’y a pas lieu de temporiser et d’autres suggèrent d’y travailler en vue de la présidentielle. Comme Roland Lescure qui a lancé l’idée d’une convention citoyenne «de manière à bâtir le consensus social». Les engagés de longue date, eux, sont lassés d’attendre. «Le débat a eu lieu à de multiples reprises, sous toutes ses formes, l’heure est venue. On ne va pas encore se perdre en conventions, en conjectures, et finalement en renoncements», s’agace Falorni.
L’instauration d’une «assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité» figurait dans le programme de François Hollande en 2012. Emmanuel Macron n’avait pas pris d’engagement en 2017, estimant qu’une campagne «n’est pas faite pour purger ces débats philosophiques très profonds». Mais le candidat avait alors affirmé «souhaité choisir sa fin de vie».
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