par Elsa Maudet. publié le 8 mars 2021
Les professionnelles de la maïeutique se mobilisent pour la quatrième fois depuis le début de l’année, leurs revendications n’ayant toujours pas été entendues.
Les sages-femmes remettent ça. Déjà appelées à la grève les 26 janvier, 10 et 24 février, elles se mobilisent de nouveau en ce 8 mars, journée internationale des droits des femmes, car leurs revendications n’ont toujours pas obtenu satisfaction. Parmi elles : l’augmentation des effectifs (les décrets de périnatalité, qui fixent le nombre de sages-femmes dans les établissements de santé, datent de 1998), la reconnaissance de leur statut de profession médicale à l’hôpital et un alignement des salaires sur les autres professionnels de santé.
Camille Dumortier, présidente de l’Organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF, majoritaire), déplore le manque d’écoute des pouvoirs publics et appelle l’ensemble de la société à prendre conscience de l’importance de sa profession.
C’est le quatrième appel à la grève des sages-femmes depuis le début de l’année. Pourquoi vous mobilisez-vous encore aujourd’hui ?
On n’a absolument rien obtenu de concret donc c’est la poursuite de notre mobilisation. Après, le 8 mars nous tient à cœur parce qu’on est garantes de la santé des femmes. Et le dépistage des violences intrafamiliales fait partie de notre métier. [Avec le Covid], on a eu une recrudescence des demandes d’IVG [interruptions volontaires de grossesse, ndlr], les violences je ne vous en parle même pas, surtout qu’elles augmentent pendant la grossesse, donc il faut avoir suffisamment de professionnels auprès des femmes pour les aider à surmonter tout ça. Ça passe par une meilleure visibilité, une meilleure reconnaissance. On a d’énormes problèmes de recrutement. Des sages-femmes libérales continuent à bosser parce qu’elles n’arrivent pas à trouver de remplaçantes, alors qu’elles sont exténuées.
Les sages-femmes sont restées à 90 % sur le terrain pendant la crise du Covid et, à 41 ans de moyenne d’âge, il y a beaucoup de mamans de jeunes enfants [la profession compte 2,8 % d’hommes]. Néanmoins, elles ont continué à bosser au même titre que les généralistes et les infirmiers sauf qu’au début, on n’avait pas de masques. Et malheureusement c’est comme ça tout le temps. Les sages-femmes vont pouvoir vacciner les femmes [contre le Covid], c’est formidable. Mais on nous paye ? On est la profession la moins payée parmi les professions libérales de santé.
Le 24 février, jour de la dernière grève des sages-femmes, vous avez eu une réunion avec des conseillers du ministère de la Santé. Qu’a-t-elle donné ?
On nous a annoncé qu’il y aurait une mission de l’Igas [Inspection générale des affaires sociales] sur les compétences, le statut, le salaire des sages-femmes. Tant mieux, parce qu’il est grand temps de mettre les choses sur la table et les points sur les i. Des résultats ont été demandés pour le début du printemps. Il y a urgence parce que des enfants qui naissent, il y en aura toujours, il n’y aura pas de déprogrammation des soins.
Pourquoi les choses ne bougent-elles pas ?
On est 23 000, donc une toute petite population. On est assez peu connues, assez peu représentées. Et quand on voit le tollé provoqué à l’Assemblée nationale et au Sénat quand on demande que la sage-femme soit référente de la grossesse et puisse coordonner les soins… Ce sont des lieux où il y a beaucoup de médecins, on n’est pas dupes. Mais on ne veut rien leur prendre. Les patientes qui ont des pathologies et ont besoin d’avis de spécialistes, ce n’est pas normal qu’elles attendent six mois, il faut réorganiser les soins. Il n’y a pas besoin d’avoir fait douze ans d’études pour prescrire une pilule à une femme de 22 ans qui n’a pas de soucis de santé [ce que peuvent faire les sages-femmes].
On milite pour que toutes les femmes puissent avoir un meilleur accès aux soins. On se retrouve dans des situations de défaut de soin qui ne sont pas acceptables. Quand je suis en salle d’accouchement et que je m’occupe de trois femmes en travail simultanément, c’est comme si un chirurgien opérait trois patients simultanément. On inflige des violences à nos patientes malgré notre volonté. On n’a pas le temps de gérer. On a des responsabilités énormes, c’est la vie de la mère et de l’enfant. Devant un magistrat, on est considérées comme une profession médicale, on ne peut pas dire «le médecin m’a dit de». Malgré tout, on a toujours un statut hybride [à l’hôpital, les sages-femmes sont fonctionnaires, donc profession non médicale, alors que le code de la santé publique qualifie la profession de médicale]. C’est incroyable qu’on puisse être oubliées comme ça des politiques de santé publique.
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