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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

lundi 22 novembre 2010

Ma Santé va craquer

Et l'on se mit à lutter pour des petites cuillères
Grève à Marchant : exemplaire de la grogne montante à l'hôpital public
Fabien Maguin
22 novembre 2010

Samedi 6 novembre, les grévistes de l’hôpital Marchant ont quitté leur campement de la route d’Espagne pour s’installer place du Capitole. Proposant une prise de tension contre une petite cuillère, symbole d’une misère hospitalière, l’opération aura fait monter celle de la direction de l’Agence Régionale de la Santé au point de proposer une réunion avec les grévistes à Marchant mercredi 24 novembre prochain. Un rassemblement de soutien aura lieu à partir de huit heures devant l’établissement.



Plus d’un mois de grève, un mois de campement sous la tente devant l’hôpital, les salarié-e-s continuent de lutter pour des conditions de soins des patient-e-s dignes. La direction lâche des cacahouètes, petit à petit. Mais lâchera-t-elle des petites cuillères ? Le conflit, très observé partout en France, commence à faire tâche d’huile. Aujourd’hui, les salarié-e-s des Hôpitaux de Paris ont occupé le siège de leur Direction.


" Le service public psychiatrique manque de tout. Nous proposons aux Toulousain-e-s de leur prendre la tension contre une petite cuillère. Car nous manquons de petites cuillères à Marchant ! Nous manquons aussi de pyjamas et d’infirmier-e-s... Si vous en avez chez vous, n’hésitez pas à nous en amener ! ", au micro, Isabelle, gréviste de l’hôpital Marchant syndiquée à la CGT, rameute les passant-e-s de la place du Capitole. " Et ne vous trompez pas ! La misère de l’hôpital public est la même promise à l’école, la justice... dans tous les services publics. "

La grève a démarré le 18 octobre dernier à Marchant, cet hôpital psychiatrique du sud de Toulouse, séparé du site chimique par la route d’Espagne. Et depuis ce jour-là, la vie de l’établissement en grève s’est organisée autour du campement installé à l’entrée du site. Lieu de lutte et de convergence, où viennent régulièrement d’autres secteurs en lutte, d’autres pans du mouvement social enclenché depuis la fin de l’été.

" Le Directeur Adjoint est venu nous voir hier avec un petit sourire en coin. Il nous a dit : « FO a signé ! » Mais nous, on s’en fout, on continue. Les syndicats, c’est nous. " tonne Isabelle qui ajoute " Franchement, ils croient que ça va nous arrêter ? " Même son de cloche chez Claire, la représentante de Sud : " L’hôpital fonctionne avec des dotations. Quand trop de petites cuillères sont tordues, ou disparaissent, il n’y en a plus. Pour les infirmier-e-s, c’est presque pareil. "

La pénurie de personnel qui pèse tant sur les soignant-e-s, tient donc à une nuance dont les gestionnaires ont le secret : les postes manquants ne sont pas "vacants", ils sont "non pourvus". Donc on ne peut donc pas procéder à des recrutements. D’ailleurs quand on le peut, on ne trouve pas d’infirmier-e-s et on explique ainsi la transformation de postes d’infirmier-e-s en postes d’aide-soignant-e-s... Et pendant ce temps-là, les soins tiennent sur le système de ponction dans lequel des personnels viennent en renfort et font des heures supplémentaires.

Au cœur des revendications des salarié-e-s se trouve le fonctionnement du "long séjour". Une unité qui est en fait un EPHAD pour des personnes âgées très fragilisées, financé sur la base d’une convention tripartite impliquant l’Hôpital public, le Conseil Général et les parents des patient-e-s. Raphaëlle, éducatrice dans le service de pédopsychiatrie et militante CGT explique la situation à "Riser", le service du long séjour : "La pénurie d’infirmier-e-s y est criante. On fonctionne avec trois ou quatre agent-e-s sur neuf depuis un bon moment. Et le problème d’effectif n’en est qu’un parmi d’autres. Il y a tout à revoir dans cette unité ! "
Pire, le long séjour est un peu l’arbre qui cache la forêt. " Riser est l’épicentre des problèmes que la grève a mis en avant. Mais on vit une sorte de gangrène qui gagne tous les services " explique Claire. " Et tout tient à l’approche comptable et économique qu’on impose à l’Hôpital public. Il faut des évènements comme ceux de Pau en 2003 pour que des budgets soient débloqués. Mais ils ne sont jamais pérennes. Et la plupart du temps, il ne sont qu’à dimension sécuritaire. A Marchant on a remplacé les bips que chaque soignant-e porte et qui se déclenche dès qu’on est en position horizontale. Ça coûte 900 euros pièce. Il en faut 10 pour chacun des quinze services. L’achat plus l’installation du système correspond à trente postes infirmiers sur l’année... "

La grève entamée à Marchant a aussi ce mérite. Inverser les logiques et replacer les questions de soins, de conditions dans lesquelles ils peuvent être réalisés, au cœur des orientations de la politique psychiatrique. " Les choix ne peuvent plus être faits sur un mode sécuritaire. La population psychotique dangereuse est estimée à 1% dans le pays. Mais on l’utilise pour orienter les maigres budgets. Pendant ce temps-là, le territoire des unités psychiatriques est passé de 80.000 habitant-e-s à 250.000. Alors on se démerde toujours pour foutre quelqu’un dehors et libérer un des 350 lits de l’hôpital, occupés en permanence. "

Le conflit dure mais la grève commencent à payer, et un premier protocole a inscrit le paiement des heures supplémentaires de l’ensemble personnels, et non plus seulement pour les infirmier-e-s, ainsi que l’engagement de la Direction d’élaborer un autre mode de fonctionnement que celui de la ponction. Un audit externe est attendu pour début 2011, et pour la première fois, le CHSCT y sera associé.

Un début pour les grévistes, mais certainement pas la réponse attendue. Même FO ne s’en était pas satisfait lors de la communication du protocole d’accord. Les choses ont changé depuis semble-t-il, mais pas pour la majorité des grévistes. " Personne n’est satisfait du protocole d’accord proposé par la Direction. D’abord une partie des engagements en matière d’organisation du travail n’a pas été tenu depuis " détaille Claire. " Quant au paiement des heures supplémentaires, il a été réglé a minima. La Direction a proposé de payer 14 heures et seulement sur trois mois, correspondant à l’été, la période où il y en a le moins. "

La Direction de l’ARS est attendue de pieds fermes par les grévistes mercredi 24 novembre prochain. Étant donné l’intensité du conflit à Marchant et les soubresauts qui commencent à agiter le monde de l’Hôpital public, bien au-delà de la psychiatrie et bien au-delà de la réalité toulousaine, ce qui sera dit mercredi matin pèsera beaucoup dans les semaines à venir.

dimanche 21 novembre 2010

Les salariés depuis un mois sous la tente
hôpital marchant



Toulouse
Les salariés de l'hôpital psychiatrique Marchant se relaient jour et nuit depuis un mois sous une tente et dans une caravane pour faire avancer leurs revendications auprès de la direction du CHU et de l'ARS (agence régionale de santé). Le point avec Isabelle Morère, déléguée CGT.

Que s'est-il passé depuis un mois ?


On avait planté cette tente à l'origine contre la réforme de la retraite et, finalement, un événement a mis le feu aux poudres en interne, car on s'est retrouvé dans de telles difficultés du fait du manque d'effectifs au service longs séjours que les problèmes internes ont pris le dessus sur le débat national. Une plateforme de revendications a vu le jour. On y a soulevé des problèmes de fonctionnement généraux, nos inquiétudes par rapport aux embauches et sur la réforme des hospitalisations d'office qu'on voit arriver d'un très mauvais œil.

Où en êtes-vous actuellement ?

Au bout d'un mois, nous avons obtenu satisfaction sur des revendications très locales. Il y a encore des choses à gagner sur l'hôpital. Enfin nous avons obtenu un rendez-vous avec le directeur de l'ARS mercredi prochain.

Comment les patients et les visiteurs réagissent-ils ?

Nous avons eu beaucoup de marques de soutien. Pas mal de personnes s'arrêtent et mettent un mot sur un cahier. Nous avons eu la visite de collègues, de salariés des entreprises alentour. La tente est le point de ralliement.
En interne quel a été l'impact de ce campement ?
Nous nous sommes relayés nuit et jour. On commence à fatiguer et maintenant il fait froid. Mais l'expérience a été d'une grande richesse. Cette tente a fédéré et permis aux salariés de s'exprimer plus librement et plus spontanément. Il y a eu des moments de revendication très forts et des moments plus festifs. Nous avons été très soutenus. Il s'est passé de belles choses sous la tente.

Et maintenant ?

Nous allons décider si nous levons le camp ou si nous continuons. Le plus important est que nous ayons pu exprimer notre colère par rapport à ce qu'on fait au service public hospitalier et plus particulièrement à la psychiatrie, en consacrant par exemple le plus gros des budgets pour le sécuritaire. Nous voulons avoir les moyens de travailler avec les malades qui sont loin d'être indifférents à ce qui se passe.
LE CNASM EN DANGER

Suite aux diminutions successives des subventions allouées, le Centre National Audiovisuel en Santé Mentale se trouve obligé de déposer le bilan d’ici à la fin septembre 2010, si nous ne trouvons pas de soutiens public ou privé. Pour rappel, celui-ci a été créé, il y a 15 ans, sur l’initiative de Mme le Ministre Simone VEIL dans un souci de communication en santé mentale, devant le succès annuel du Festival International Ciné-Vidéo-Psy de Lorquin, connu et apprécié chaque année depuis 1977, par tous les professionnels concernés (des milieux médicaux, sociaux, de l’Education Nationale...)

Géré par l’Association Festival Psy, le CNASM assume toute l’année des missions de distribution, de production et de prestations validées par notre conseil scientifique. C’est plus de 400 films en distribution dont 80 primés, une moyenne de 6 films réalisés par an sur les préoccupations actuelles, des partenariats pour l’organisation de colloques et de congrès, l’association organise également chaque année le Festival International Ciné-Vidéo-Psy de Lorquin, lieu unique de rencontre sur l’actualité de la vidéo en santé mentale et publique.

Notre association vous propose de vous associer à notre démarche pour protester contre cet abandon par les pouvoirs publics et les autorités de tutelle de ce dispositif qui a fait ses preuves dans un souci d’information, de formation et de communication en santé mentale auprès d’un large public.

Pour concrétiser votre soutien, sauvegarder notre mission d’intérêt public et préserver trois emplois, vous pouvez signer notre pétition ici.

Notre demande de soutien accompagnée de vos signatures sera transmise au Ministère de la Santé.
École de la Cause freudienne

Sur « Mallarmé le livre »
de Joseph Attié, de Anne-Marie Le Mercier


La jouissance n’est pas libre, n’est pas libertine. Au contraire, elle est appareillée à la répétition, et le discours rationnel achoppe sur une limite quasi mystique dit Lacan, et qu’il définit comme « le lieu où le symbole se substitue à la mort pour s’emparer de la première boursouflure de la vie ». Jacques-Alain Miller. Un effort de poésie. Cours du 20.11.2002. (Inédit)


Mallarmé le livre - Étude psychanalytique
, Joseph ATTIÉ
Préface de François RegnaultEditions du Losange


Ce livre n’est pas une exégèse de plus sur Mallarmé. C’est un travail clinique, rare, patiemment ciselé par un analyste, lettré, poète de surcroît. La rigueur épistémique et le souci de la méthode laissent intacte l’élégance du texte de Joseph Attié. Le rythme de l’ouvrage est celui d’une ascension en montagne, son parcours est homologue à celui d’une cure et de ses temps logiques. La démarche patiente, obstinée, dont la tranquillité s’assure d’une solide armature structurale, ne néglige aucun obstacle et ménage au lecteur quelques paliers permettant de préciser les concepts utilisés, avant d’en démontrer la valeur opératoire auprès du Prince des poètes. Chaque question est envisagée sur ses diverses facettes. Joseph Attié ne se presse pas de comprendre, il se laisse saisir par les opacités et les contradictions qui traversent l’œuvre de Mallarmé. Au fil de sa minutieuse enquête sur la logique en jeu chez le poète, il s’aide du précieux apport des précédents exégètes, ne se privant pas cependant de les contredire avec finesse lorsque la logique l’impose.
LES LIVRES DE PSYCHANALYSE

La force du nom - Leur nom, ils l'ont changé

Sous la direction de Céline Masson et Michel Gad Wolkowicz


Parution : octobre 2010
Éditeur : Dèsclée de Brower


Leur nom, ils l’ont changé... Les noms comme les visages nous identifient, ils portent l’histoire des ancêtres et se (trans)portent de génération en génération : transmission du patronyme, du nom dit de famille. Comme nous dit la petite histoire (juive), les noms nous collent à la peau et à vouloir s’en séparer, ils vous reviennent comme des signifiants porteurs de l’origine. Dans la tradition juive, le nom apparaît comme porteur de sens. Dans la Bible, le premier acte d’Adam fut de nommer tous les animaux et tous les oiseaux que dieu avait créés (Genèse 2, 19-20). Puis Adam nomme sa femme Ève. À faire la route (de l’exil), nombreux sont les juifs qui ont changé d’un « nom à coucher dehors » car ce nom, parfois difficilement prononçable, les identifiait comme venant d’ailleurs, risquant de freiner leur intégration et leur promotion sociale. Comment les noms nous identifient-ils ? De quels lieux sont-ils porteurs ? Comment nous approprions-nous nos noms ? Comment habitons-nous nos noms ? Et quel regard les autres portent-ils sur notre patronyme ? Avec notamment les contributions de Cyril Aslanov , Raphaël Drai, Alain Didier-Weill, Bruno Huisman, Nicole Lapierre, Meir Waintrater, Eric Ghozlan, Francine Kaufmann...
Université du temps libre : alcoolisme et suicide en Bretagne
lundi 15 novembre 2010

« L'alcoolisme et le suicide en Bretagne, conséquences des traumatismes de guerre ? » Tel était le thème de la dernière conférence proposée par l'université du temps libre (UTL) des 3 rivières. Une approche pluridisciplinaire originale : sociologie histoire psychanalyse. Devant plus de cent adhérents, le conférencier du jour, Jean-Yves Broudic, psychanalyste à Lorient, a tout d'abord montré, chiffres et cartes à l'appui, la situation particulière de la Bretagne par rapport aux autres régions vis-à-vis de deux phénomènes : des taux plus élevés de suicides et d'alcoolisme après la guerre de 1914-1918 (contrairement à la période antérieure).

À travers l'approche psychanalytique, M. Broudic analyse ces faits comme la conséquence du très grand traumatisme collectif de la guerre 14-18 produit par l'énormité des pertes bretonnes : environ 150 000 hommes morts ou disparus, soit environ 30 % des classes d'âge entre 18 et 50 ans sans oublier le nombre élevé de blessés et de handicapés.

Il s'en est suivi un nombre important de veuves et d'orphelins ce qui a contribué à la transmission de ce traumatisme à la génération suivante : on note ainsi un pic de suicides et d'alcoolisme entre 1945 et 1950 après la Seconde guerre mondiale. Ce type de réactions se retrouve dans des pays comme la Russie, la Pologne ou encore les Pays baltes, 25 ans après la Seconde guerre mondiale.

Après avoir examiné différentes autres causes possibles mais insuffisantes pour expliquer la particularité de la Bretagne ; Jean-Yves Broudic a animé un très vif débat avec ses auditeurs.
Dépistage du VIH « hors les murs » : l’arrêté publié

Voilà plus de quatre ans que les associations le réclamaient : l’arrêté autorisant l’utilisation des tests rapides hors des lieux habituels de dépistage est enfin paru, dans le « Journal officiel » du 17 novembre. Selon le texte, qui en fixe les conditions de réalisation, les tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) de l’infection à VIH (1 et 2) peuvent être effectués, en dehors des situations d’urgence, « chez toute personne, dans son intérêt et pour son seul bénéfice, après l’avoir informée et avoir recueilli son consentement libre et éclairé ».

Parmi les personnes pouvant les réaliser, le texte inclut des non-professionnels de santé, salariés ou bénévoles intervenant dans une structure de prévention ou une structure associative impliquée en matière de prévention sanitaire, à condition qu’ils aient préalablement suivi une formation à l’utilisation des tests. Les professionnels de santé habilités sont : un médecin exerçant en cabinet libéral ; un médecin, un biologiste médical, une sage-femme exerçant dans un établissement ou dans un service de santé ; un infirmier ou un technicien de laboratoire exerçant dans un établissement ou dans un service de santé, sous la responsabilité d’un médecin ou d’un biologiste médical ; un médecin, un biologiste médical, une sage-femme ou un infirmier intervenant dans une structure de prévention ou une structure associative impliquée en matière de prévention sanitaire, à la condition que cette structure dispose de l’habilitation nécessaire. La convention d’habilitation permettant à une structure de prévention ou associative de pratiquer ces tests doit être conclue avec le directeur de l’ARS (agence régionale de santé) pour une durée de trois ans.
Ce texte vient compléter l’arrêté du 28 mai, qui avait déjà permis l’utilisation des TROD en situation d’urgence : en cas d’accident d’exposition au sang, en cas d’exposition sexuelle récente, au cours d’un accouchement et en cas d’urgence diagnostique.

Dr L. A.

Quotimed.com, le 17/11/2010


Eliminer la pauvreté
Julien Damon
Martin Hirsch
(Préfacier)

Résumé

En 2000, l'ONU a établi des Objectifs du millénaire pour le développement, visant notamment à réduire de moitié l'extrême pauvreté d'ici 2015.
En 2000, l'Union européenne a lancé sa stratégie dite de Lisbonne, contenant une invitation à " donner un élan décisif à l'élimination de la pauvreté " à l'horizon 2010. Depuis 2007, la France s'est fixé un objectif de réduction d'un tiers de la pauvreté, sur cinq ans. Ces objectifs quantifiés de réduction et d'élimination de la pauvreté transforment l'action publique aux trois échelles internationale, européenne et française.
Quelles sont les définitions, les indicateurs et les mesures de la pauvreté sur ces trois plans ? Quels sont les traductions concrètes et les débats liés à ces démarches ? Quels sont les points de concordance et de cohérence entre les ambitions internationales, la construction européenne et les politiques sociales françaises ? Nourrie par le droit et la statistique, cette analyse propose un panorama, à trois niveaux, des politiques de lutte contre la pauvreté.

L'auteur en quelques mots...
Julien Damon, professeur associé à Sciences Po (master d'Urbanisme), est ancien président de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (ONPES).
Il a publié aux PUF, notamment, Questions sociales et question,, urbains (2010), Questions sociales, analyse, anglo-saxonnes (2009), L'exclusion (" Que sais-je ? ", 2008), et La Question SDF. Critique d'une action publique (2002).
Comment nous sommes devenus moraux - Une histoire naturelle du bien et du mal
Nicolas Baumard

RésuméQu'est-ce que la morale ? Pourquoi agissons-nous de manière morale ? D'où viennent nos idées sur le bien et le mal ? Face à ces questions, les philosophes ont longtemps développé deux stratégies.
Certains ont cherché à ramener nos jugements moraux à quelques principes : l'équité, le bien-être, la vertu, etc. Nous agirions ainsi de manière équitable, comme si nous avions passé un contrat avec autrui. D'autres se sont penchés sur les origines de nos jugements moraux. Constatant que la morale ne résulte pas d'un calcul égoïste, ils ont postulé l'existence d'un sens moral inné. Pour eux, nous serions moraux de la même façon que nous avons deux bras et deux jambes.
Ces deux stratégies demeurent insatisfaisantes : d'où vient ce contrat imaginaire que nous semblons respecter ? Pourquoi sommes-nous équipés d'un sens moral ? Jusqu'à présent, la controverse était restée théorique. Mais voilà que de nombreuses recherches ont démontré l'existence d'une disposition naturelle à se comporter moralement. Encore faut-il expliquer pourquoi la morale adopte la " logique de l'équité " qui semble être la sienne.
C'est ce que propose ce livre.

Jouer à Tetris diminue la fréquence des souvenirs associés au syndrome post-traumatique
11 novembre 2010
          
Le jeu Tetris diminuerait la récurrence et l'intensité des souvenirs traumatisants chez les patients souffrant du syndrome post-traumatique, annoncent des chercheurs en psychiatrie dans une étude récemment publiée.

Les propriétés «anti traumatisantes» du jeu vidéo de casse-tête russe, datant du milieu des années 1980, ont été remarquées par l'équipe de l'université d'Oxford. Les souvenirs négatifs, pouvant survenir chez une personne après qu'elle eut vécu un événement traumatisant, utilisent le même type de mémoire visuelle requis pour jouer à Tetris. Ce dernier consiste à agencer des formes géométriques entre elles pour former des lignes pleines.

Ainsi, lorsqu'une personne atteinte du syndrome post-traumatique joue à ce jeu vidéo de puzzle, les ressources cérébrales générant des souvenirs traumatisants se retrouvent en compétition avec celles requises pour jouer et bien performer à Tetris.

De ce fait, une personne traumatisée aura donc une récurrence moindre de ses souvenirs négatifs si elle joue fréquemment à Tetris. En monopolisant une partie de la mémoire et de l'attention visuelles pour jouer, un moins grand nombre de ressources est donc disponible pour générer des souvenirs traumatisants.

L'étude scientifique, publiée cette semaine dans le journal PLoS ONE, consistait à faire écouter une vidéo violente à une soixantaine de sujets sains répartis en trois groupes. Pendant les 10 premières minutes faisant suite au visionnement de la vidéo, les sujets du premier groupe devaient jouer à Tetris, le second au jeu de vocabulaire Pub Quiz Machine 2008 et le troisième a été laissé sans activité.

Par ailleurs, les chercheurs ont constaté que le jeu de vocabulaire exacerbait la fréquence et l'intensité des souvenirs traumatisants. En accaparant les ressources cérébrales servant à remettre le traumatisme dans son contexte, les sujets seraient moins en mesure de donner un sens à leur choc psychologique.

Ceci fait en sorte que les individus «digèrent» moins bien l'événement traumatisant, ce qui augmente la fréquence des souvenirs négatifstout en les accentuant.
http://www.journalmetro.com/mavie/article/689147--jouer-a-tetris-diminue-la-frequence-des-souvenirs-associes-au-syndrome-post-traumatique

mercredi 17 novembre 2010

«Fix Me», ça va pas la tête…
Par PHILIPPE AZOURY

Docu. Le Palestinien Raed Andoni intercale séances de psy et vie à Ramallah pour apaiser son mal de crâne identitaire.

Critique
17 novembre 2010

Il est désormais chaque jour plus délicat de comparer un film palestinien avec un film israélien. C’est prendre le risque d’être compris de traviole, de parler en terrain miné. Toutefois, on espère qu’en rapprochant Fix Me de Valse avec BachirValse avec Bachir, personne ne nous fera de mauvais procès : l’idée étant qu’à peu près en même temps deux cinéastes issus d’un même point du monde demandent à la psychanalyse de les réparer («to fix», en anglais). Deux cinéastes faisant de leur propre séance d’analyse la trame de leur film. Deux cinéastes propres à tromper les apparences : Valse avec Bachir d’Ari Folman, était un film d’animation mais qui allait plus loin encore. Quant à Fix Me (produit par l’actrice Julie Gayet), qui bat le pavillon du documentaire, il a très souvent l’allure d’une fiction burlesque. L’un comme l’autre, ces deux films avancent avec leur psy en terra incognita : Ari Folman espérait accéder au non-dit israélien sur les massacres de Sabra et Chatila de 1982. A Ramallah, Raed Andoni fait un rêve plus fou encore : que la psychanalyse lui ôte ce putain de mal de tête qui le paralyse. On ne sait jamais, une fois cette douleur enlevée, on pourrait apercevoir quelque chose de la Palestine aujourd’hui : ses questions, son absence de réponses.

Goguenard. Car quiconque s’intéressant de pas trop loin à la psychanalyse sait d’avance qu’une chose nommée en cache forcément une autre. Ce mal de tête qui frappe Raed Andoni pourrait bien être celui de tous les Palestiniens cantonnés dans un espace fermé, se cognant la tête contre les murs dressés par les Israéliens qui les parquent et les encerclent. Mais dans cette céphalée aiguë se révèle aussi sans doute le bourdonnement d’un homme qui n’en peut plus des cases dans lesquelles tout le monde le range : les Israéliens, certes, mais aussi sa propre famille (naturelle et politique) qui attend de sa position d’homme palestinien des réponses toutes faites («On m’a conditionné pour être un héros, mais que se passe-t-il si je n’ai plus la force d’en être un ?» - voilà une question légitime, mais que l’on entend jamais).

Le cinéaste Andoni, lui-même, n’en peut plus : il sait d’avance que le petit monde du cinéma concerné attend de lui rien d’autre qu’un message lénifiant sur les «ponts entre les peuples». A cela, Andoni, qui a la quarantaine bien entamée, affiche un air goguenard de type mal à sa place, involontairement comique (on a pu parler, de façon quand même exagérée, de Woody Allen palestinien), oppose sa fière impossibilité à formuler un début de réponse. Ce mal de tête qui barre tout discours. En cela, ce type est le parfait poil à gratter. L’emmerdeur providentiel dont la situation a régulièrement besoin. On peut toutefois regretter que la structure du film, qui intercale séances psy filmées pour de vrai (derrière une vitre sans tain) et discussions de tous les jours, plus souvent déceptives qu’autre chose, telles qu’on peut les entendre à Ramallah, dans les rues, les bagnoles, les salons, fasse un peu du surplace. Qu’elle ne libère pas à son maximum sa fantaisie sous-jacente (telle qu’on peut la voir à l’œuvre chez Elia Suleiman, par exemple).

Tremblée. Quant à la question de savoir quel documentariste peut bien être celui qui n’a trouvé que ses séances à faire entendre, on répondra que c’est un type assez malin qui sait qu’il y a comme ça des régions du monde où chaque individu est tellement otage des questions géopolitiques qui l’encerclent qu’il ne saurait s’agir d’individualisme mais bien de la photo tremblée d’une génération. Ce film-là a au moins trouvé le dispositif pour le dire.

Fix Me documentaire de et avec Raed Andoni, Nasri Qumsia, Fathi Flefel… 1 h 38.
Philo au berceau

Expérience. Mort, vie et liberté en débat à la maternelle.

«Aujourd’hui on va parler de la mort» : Pascaline, l’institutrice, allume la bougie. C’est le début de l’atelier philo. Ses élèves, qui ont 4-5 ans, ne sont pas du tout impressionnés. Ils ont déjà débattu de la liberté, de la peur, de l’amour, etc. Sur la mort, ils ont bien sûr des choses à dire - angoisse de perdre ses parents, incompréhension devant l’absence… «Je veux pas être seule, sinon je vais me perdre», dit une élève. Pour Ce n’est qu’un début, Jean-Pierre Pozzi et Pierre Barougier ont filmé durant deux ans les ateliers de philo animés par une enseignante de la maternelle Jacques-Prévert de Mée-sur-Seine (Seine-et-Marne), une école d’application ouverte à la recherche pédagogique. Une fois tous les quinze jours, Pascaline réunit ses 25 élèves - la première année, ils ne sont qu’en petite-moyenne section - pour les faire réfléchir à des sujets de «grandes personnes». Une expérience unique que les deux cinéastes ont suivie avec beaucoup d’empathie, signant un film sensible et chaleureux mais un peu trop lisse. La productrice explique que l’idée du film lui est venue en entendant le philosophe Michel Onfray dire à la radio : «Les enfants sont tous philosophes, seuls certains le demeurent

Le film entend montrer qu’il est possible d’implanter l’esprit philosophique dès le plus jeune âge. Il en résulte des scènes souvent attendrissantes, des visages d’adorables bambins, le regard perdu devant la profondeur du sujet, et une alternance de bons mots d’enfants et d’échanges, voire de joutes verbales surprenantes. Le débat se déroule entre enfants. «Je suis désolé, mais je ne suis pas d’accord», insiste l’un, sans agressivité. Chacun alors confronte ce qu’il pense, à partir de ce qu’il a entendu chez lui. «J’aime pas le noir», assène un élève lors du débat sur la différence. «Moi j’aime mon frère comme il est, et il est noir», répond une autre. «Deux filles amoureuses, c’est pas possible», décrète un garçon. Là, tout le monde a l’air d’accord. «C’est le code, comme le code de la route mais le code de l’amour», assure un autre. Sur ce qu’il y a après la mort, il y a débat. Un enfant ébauche ce qui pourrait faire consensus : «On va au paradis de son Dieu.» Le film renvoie aussi l’image d’une société miniature. Il y a les «forts» qui osent parler et interviennent sur presque tous les sujets, et les timides qui se taisent ou qui, lorsqu’ils se lancent, n’arrivent pas à articuler un mot. Abderahmène, Shana, Azouaou, Yanis, Kyria, Ismaël, etc. La maternelle Jacques-Prévert est située en zone d’éducation prioritaire (ZEP), et les élèves reflètent la France de la diversité. Alors, que l’on soit ou non convaincu de leurs débats, on s’incline devant la tolérance et le civisme qu’ils apprennent à la lueur de la bougie.

Ce n’est qu’un début documentaire de Jean-pierre Pozzi et Pierre Barougier. 1 h 35.
Par VÉRONIQUE SOULÉ
 
Critique -
L'Étranger en moi d'Emily Atef

 La cinéaste allemande Emily Atef dresse, avec L'Etranger en moi, un portrait de femme entre force et fragilité, confrontée à la pression du bonheur d'être mère et au regard moralisateur d'autrui. Abordant le thème tabou de la dépression postnatale, la réalisatrice parle avant tout d'une renaissance dans ce film à la photographie remarquable.

Lire la suite ici
De la maltraitance à la psychopathologie
25/10/2010   

Le lien entre des antécédents de maltraitance dans l’enfance et une problématique psychiatrique ultérieure ne semble plus à démontrer, mais une étude néo-zélandaise revient toutefois sur ce thème, avec une enquête portant sur 2 144 sujets âgés de 16 à 27 ans dont 221 (soit 10,31 %) ont relevé d’un service de protection de l’enfance. Cette recherche s’efforce en particulier d’arbitrer un débat classique : le déterminisme psychopathologique réside-t-il surtout dans la maltraitance en elle-même ou plutôt, comme on le pense parfois, dans le souvenir pénible de cette situation de maltraitance ? Notons que celle-ci se réfère ici à un vécu assez large, puisqu’il peut concerner aussi bien une agression (physique, sexuelle…) contre le sujet lui-même, quand il était jeune, ou contre l’un de ses proches, s’il en a été le témoin direct, par exemple une violence conjugale exercée en présence des enfants.

Les données recueillies incitent les auteurs à conclure que l’association entre un contexte de maltraitance et des troubles psychopathologiques ultérieurs réside essentiellement dans les séquelles des mauvais traitements eux-mêmes, et non dans leur simple impact mnésique. Survenant en moyenne une dizaine d’années après les mauvais traitements subis dans l’enfance, ces pathologies consistent notamment, par ordre de fréquence, en des phobies sociales ou autres (30 % des cas), des troubles de l’humeur (24 %, avec surtout des troubles dépressifs majeurs : 14 %), une dépendance à l’égard de l’alcool (12 %), un syndrome de stress post-traumatique (11%), une addiction à une drogue (9 %), des troubles paniques (4%), des troubles obsessionnels compulsifs (3 %), des troubles anxieux généralisés (2 %).

Pour cette psychopathologie s’enracinant en grande partie dans une maltraitance antérieure, l’aphorisme paradoxal du poète anglais William Wordsworth, « L’enfant est le père de l’homme » (dans son poème de 1802, The Rainbow, L’arc-en-ciel) semble donc se vérifier à nouveau.
Dr Alain Cohen

Scott KM et coll. : Prospectively ascertained child maltreatment and its association with DSM-IV mental disorders in young adults. Arch Gen Psychiatry ; 2010; 67: 712-719.
Dans la peau de Tintin
Jean-Marie Apostolidès

Éditeur : Les Impressions Nouvelles


Résumé : Usant de la psychanalyse, l’auteur nous entraîne dans l’intimité du créateur du petit reporter. Son objectif n’est pas la lune mais la compréhension du mythe de Tintin.

Après Les Métamorphoses de Tintin (1984) et Tintin et le mythe du surenfant
(2003), Jean-Marie Apostolidès, herméneute consacré, couche à nouveau Tintin sur le divan, et décrypte le mythe, de Georges Remi à Hergé. Étoffé, abondant et dépassant le cadre de la biographie, cet essai propose des mises en perspective audacieuses.
Le Père

L’enfant de la petite bourgeoisie bruxelloise découvre l’illustration avec le scoutisme et libère les frustrations inhérentes à l’enfance dans la pratique du dessin. En 1925, Boy-Scout, le mensuel de la troupe présente les Aventures de Totor, C.P. des Hannetons, le précurseur de Tintin.

Dans la monarchie belge d’Albert 1er, le jeune Remi rencontre l’abbé Wallez. Du haut de son mètre quatre vingt dix, Wallez le hisse vers de nouveaux horizons. En tant que directeur du quotidien catholique d’inspiration maurrassienne Le Vingtième Siècle, le religieux lui confie la direction du supplément jeunesse en novembre 1928.

Le 10 janvier 1929 débute les aventures du premier super héraut, Tintin chez les Soviets. Tout droit sorti de l’esprit de ce père de substitution, le prêtre conçoit ce nouveau personnage comme le Christ jeune. Un catéchisme en image adapté à la jeunesse belge. Blanc, la peau lisse de l’adolescence, immortel, l’androgynie proposée par Apostolidès relève également du noviciat graphique de Remi.

D’ailleurs, l’auteur rappelle la fragilité du dessinateur entre 1929 et 1932, période pendant laquelle il envisage Tintin comme un CDD et produit à côté pour gagner sa vie. En effet, son appartenance à la petite bourgeoisie lui barre les noces avec Milou Van Cutsem. De Milou, l’amour contrarié à Milou le cabot, dont le lien avec Tintin constitue le socle des premières aventures, on passe de Remi à Hergé.

La Femme

Durant quelques années, Georges Remi courtise Germaine Kieckens, la secrétaire de l’abbé. Dans les faits, celui qui signe dorénavant Hergé aime une femme qui idolâtre son patron. Apostolidès travaille ici sur le carnet privé de l’illustrateur et déroule le fil de la relation entre les deux employés de l’abbé Wallez. Par le biais du dessin des aventures de Tintin, Hergé s’impose sentimentalement auprès de Germaine, mariée en 1932.

L’union maritale, abordée sous la forme de la gémellité, trouve quelques résonances dans la création des ouvrages. Signant parfois Hergée, Germaine propose des noms pittoresques travaillés à partir du marollien, un dialecte bruxellois. Gémellité évidemment représentée par les Dupond(t), le père et l’oncle de Hergé, que l’auteur transforme en surmoi de Tintin. Ce rapport fraternel, jumeau ou non, passe judicieusement par l’analyse d’une série annexe à Tintin, les aventures de Jo et Zette, qui permettent la compréhension du processus créatif de Hergé. Bien que pertinente, la fin de cette séquence affaiblit
l’ensemble devant la trop grande suite de questions.

À partir de L’Ile noire (1938), Hergé renégocie ses droits d’auteur afin de se défaire de l’emprise de Wallez. D’après Apostolidès, il utilise ce moyen pour s’investir directement dans son personnage afin d’en développer la psychologie.

Hergé


Tintin est le seul, le héros, qui sont les autres ? Intervient d’abord Rastapopoulos, caricature capitaliste et du franc-maçon, vilipendé par la clique à Wallez après la crise de 1929. Comme le remarque l’auteur, Rastapopoulos et Wallez sont les deux figures de l’autorité dans l’entourage du dessinateur. En fait, Hergé se sent de plus en plus fort, il n’est plus le petit Remi, ni même Hergé, il se prend maintenant pour Tintin lui-même.

LES LIVRES DE PSYCHANALYSE

La question féminine, de Freud à Lacan
de Markos Zafiropoulos

Si le rejet haineux de la mère est la condition d’entrée des filles dans le registre œdipien, comment cette même fille pourrait-elle donc sortir de l’œdipe par la voie de l’idéalisation de la mère ? Ici réside l’aporie rendant fort difficile de faire de la mère l’avenir idéal de la femme, comme le voulait Freud exprimant enfin sa perplexité par cette question, qui hante depuis le monde psychanalytique : Que veut la femme ? Cette question a d’importantes incidences sociales puisque tous s’aperçoivent aujourd’hui de la place du désir des femmes dans les réorganisations de la modernité. Il était donc urgent de reprendre ce dossier pour sortir de l’impasse freudienne et, avec les autres sciences sociales, désenclaver sur ce point la psychanalyse.

Après avoir examiné de manière critique les textes de l’anthropologie freudienne et situé ce qui, dans la réponse de Freud, apparaît peu convaincant (y compris pour Freud lui-même), l’auteur montre l’intérêt qu’il y a à emprunter la solution de Lacan disjoignant radicalement le désir de la femme des satisfactions maternelles. En écartant la solution par la mère, on peut alors s’engager dans la relecture des perplexités de Dora, cette jeune hystérique conduite à repenser l’énigme de son devenir femme sans la mère, mais avec les figures idéales de la Vierge et de la maîtresse du père. Loin de faire apparaître seulement la solution à l’énigme de la féminité par la voie de l’Autre femme idéalisée (Vierge ou maîtresse), cet ouvrage montre que la disjonction opérée par Lacan entre la mère et la femme permet aussi de rendre intelligible la multiplicité des avatars morbides opposant la fille à sa mère inconsciente.

Pour cette nouvelle enquête sur l’anthropologie psychanalytique de Freud et de Lacan, M. Zafiropoulos relance donc aussi la clinique du cas et rend visite à la jeune femme anorexique, à sa sœur boulimique, à la jeune homosexuelle analysée par Freud, à la femme hétérosexuelle et enfin à Médée : la vraie femme, selon Lacan.
La santé perd son ministère à part entière







De gauche à droite : Nora Berra,
Roselyne Bachelot-Narquin et Xavier Bertrand,

15 novembre à Paris.AFP/MIGUEL MEDINA

Fini le ministère de la santé, avec son secrétariat d’Etat à la jeunesse et aux sports. Place au ministère du travail, de l’emploi et de la santé. Signe d’un gouvernement resserré, la santé perd son autonomie. Il ne s’agit cependant pas d’une première.

Déjà, ces dernières décennies, le dossier avait plusieurs fois été rattaché à de grands ministères des affaires sociales ou de l’emploi et de la solidarité, à droite sous Edouard Balladur par exemple, ou à gauche, sous Lionel Jospin. La santé était alors à la charge d’un secrétaire d’Etat ou d’un ministre délégué. Depuis 2002, cependant, le ministère avait toujours conservé son autonomie.

Les médecins ne prendront pas forcément ombrage pour autant d’une telle redistribution car ils récupèrent, en contrepartie, un ministre bon connaisseur du dossier : Xavier Bertrand a été successivement secrétaire d’Etat à l’assurance-maladie (2004-2005), puis ministre de la santé et de la solidarité (2005-2007).

Le premier syndicat de médecins, la CSMF (confédération des syndicats médicaux français), très critique envers Roselyne Bachelot ces derniers mois, n’avait d’ailleurs pas hésité à faire ouvertement campagne pour que M. Bertrand récupère son ancien portefeuille. Et la mission de ce dernier sera notamment de poursuivre la tentative de reconquête d’un électorat jusque-là plutôt acquis à la droite, qui avait indiqué son mécontentement face à l’UMP lors des élections régionales du printemps.
 
ATTRIBUTIONS IMMENSES DE M. BERTRAND

Depuis, les médecins ont déjà obtenu de Nicolas Sarkozy la promesse d’une augmentation de la consultation de 1 euro. Elle devrait ainsi passer à 23 euros au 1er janvier 2011. Et dès lundi 15 novembre, lors de la passation de pouvoir avec Roselyne Bachelot, M. Bertrand a indiqué qu’il porterait grande attention à la médecine de proximité.

Quant à la CSMF, elle a salué le changement et a appelé à "une reprise du dialogue pour rendre la confiance, aujourd’hui perdue, aux médecins libéraux". Le Syndicat des médecins libéraux (SML) a lui cependant regretté le changement de périmètre, tout comme l’association Act-up.

Le risque, en effet, ce sera le manque de temps : avec le travail et l’emploi, les attributions de M. Bertrand sont immenses, comme l’a relevé Mme Bachelot elle-même, assurant à Nora Berra, la nouvelle secrétaire d’Etat à la santé, par ailleurs médecin de formation, qu’elle aura sans aucun doute de quoi faire.

Concrètement, cependant, le gros dossier du quinquennat sur la santé, la loi Hôpital, patients, santé et territoires, a été votée en 2009. Ne reste plus désormais qu’à assurer l’ancrage dans le paysage sanitaire des nouvelles Agences régionales de santé, alors créées.

S’il demeure des dossiers non bouclés, et qui touchent particulièrement médecins comme patients, tels les dépassements d’honoraires, les déserts médicaux et les fermetures de petits blocs opératoires, rien ne dit qu’il soit politiquement judicieux de s’attaquer réellement à des sujets aussi sensibles, juste avant l’élection présidentielle.

Il reste un autre sujet majeur, dont l’urgence a été maintes fois soulevée par économistes et parlementaires, la réforme du financement de l’assurance-maladie, dont le déficit a plongé, crise économique oblige. Mais vu la complexité du dossier, voir la majorité s’y atteler avant 2012 semble, là aussi, peu probable.

Laetitia Clavreul
 
Les associations interpellent l’Etat sur l’hébergement d’urgence
 
Un collectif estime que le gouvernement se désintéresse de la cause des sans-abri et des mal logés

La température chute et l’urgence monte. À quelques jours de la trêve hivernale sur les expulsions locatives, qui débute le 1er novembre, le « collectif des associations unies », qui regroupe 31 organisations, a lancé jeudi 21 actobre une alerte sur la situation des personnes sans-abri ou mal logées, tout en renvoyant le gouvernement à ses responsabilités.

Le premier ministre, en janvier 2008, avait en effet promis un grand chantier prioritaire pour la période 2008-2012, considérant que « plus personne ne doit être contraint de vivre dans la rue ». À l’époque, l’ensemble des associations avaient collaboré avec les autorités publiques pour aboutir à une « refondation » du dispositif d’hébergement et d’accès au logement.

Le collectif déplore un décalage entre les ambitions initiales et la réalité. Aujourd’hui, l’application du droit au logement opposable (Dalo) reste impossible faute de logements en Île-de-France, en Rhône-Alpes, en Provence-Alpes-Côte d’Azur et dans le Nord-Pas-de-Calais.

« Nous nous sommes fait rouler dans la farine, s’emporte Christophe Robert, directeur des études à la fondation Abbé-Pierre. Une longue liste de remontées de terrain nous laisse penser que nous allons dans le mur. Cinq accueils de jour ont été supprimés en Auvergne faute de moyens. Les Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) du Var et plus généralement le 115 (numéro d’appel pour l’hébergement d’urgence) prennent de plein fouet les coupes budgétaires. »

Un état des lieux inquiétant


Matthieu Angotti, directeur général adjoint de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), se scandalise particulièrement de la fragilité financière des « équipes mobiles » au contact des sans domicile fixe. « C’est grâce à elles que nous pouvons repérer les pires situations pour ceux qui sont à la rue, souligne-t-il. En les affaiblissant, le gouvernement semble se mettre un bandeau sur les yeux pour ne plus voir ce qui se passe réellement. »

Cet état des lieux inquiétant ne devrait pas s’améliorer dans les mois à venir. Le projet de loi de finances pour 2011 présente un recul de 2 % du budget de l’hébergement d’urgence par rapport à 2010, une chute de 47 % des moyens alloués à la veille sociale des équipes mobiles, et une diminution de 34 % des crédits de soutien aux fédérations engagées sur le logement.


Le collectif des associations unies s’alarme également d’assister à ce qu’il considère comme le démantèlement des politiques de l’État en faveur du logement social : 340 millions d’euros seront ponctionnés sur le secteur HLM, soit l’équivalent de 20 000 logements sociaux financés par an.

Un contexte législatif « moralement inacceptable »

En outre, la rétroactivité des Aides personnalisées au logement (APL), qui permettait aux bénéficiaires de toucher après coup les versements à compter de leur changement d’adresse, sera supprimée en 2011, pour une économie de 240 millions. « Il faut s’attendre à une précarisation importante des foyers les plus démunis, pour qui le loyer représente déjà 50 à 60 % de leurs revenus », explique Christophe Robert.

Enfin, les militants du logement pour tous englobent dans leur colère un contexte législatif qu’ils estiment « moralement inacceptable ». En ligne de mire, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2).

Un amendement du gouvernement pourrait permettre d’expulser, sous 48 heures, et sans passer par le juge, toutes les personnes en situation de détresse dans les bidonvilles ou les habitations de fortune. Engagées avec l’État à repenser la politique d’hébergement en France, les associations qui travaillent sur le logement se désolidarisent maintenant de sa mise en œuvre, qu’elles considèrent vouée à l’échec.
Jean-Baptiste FRANÇOIS
Un hôpital condamné à indemniser la famille d'une handicapée
LEMONDE.FR Avec AFP
15.11.10

Un hôpital est condamné, vingt-huit ans après avoir sauvé la vie d'un nourrisson. Le 11 août 1982, Annie Amouriq se présente à l'hôpital de de Châteauroux, plusieurs jours après le terme de sa grossesse. Elle accouche d'Elodie, qui naît en arrêt cardiaque. Contre l'avis du père, le nourisson est envoyé en réanimation. Aujourd'hui Elodie, handicapée moteur et cérébrale ne peut vivre sans une aide et une attention constantes, explique Me Meilhac, avocat de la famille Amouriq sur RTL. Annie Amouriq, veuve depuis une dizaine d'années, se consacre à plein temps à sa fille.

La cour administrative d'appel de Bordeaux a condamné l'hôpital de Châteauroux à verser 1,3 million d'euros d'indemnités à la famille. La somme sera partagée avec la CPAM (caisse primaire d'assurance-maladie) de l'Indre. En mai 2008, le tribunal administratif de Limoges avait rejeté en première instance la demande d'indemnisation. Une décision annulée par la juridiction bordelaise.

"LE RISQUE NE POUVAIT ÊTRE IGNORÉ"


Dans son arrêt, daté du 16 septembre, la cour administrative d'appel a retenu la faute de l'établissement hospitalier considérant que "les lésions cérébrales subies par Élodie Amouriq [étaient] la conséquence d'une souffrance fœtale aiguë liée à la post-maturité (naissance après terme, NDLR) de l'enfant, dont le risque ne pouvait être ignoré des praticiens du centre hospitalier de Châteauroux". La cour reproche aussi à l'hôpital de ne pas avoir utilisé de monitoring pour surveiller l'état du bébé lors de l'accouchement, a expliqué Me Meilhac.

Le 5 novembre, le centre hospitalier de Châteauroux a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État contestant "la faute à l'origine des lésions cérébrales au regard des moyens de la médecine à cette époque", a indiqué l'avocat de l'établissement, Me Didier Le Prado.

UNE DÉCISION RARE

Cette décision de justice, rare, n'est pourtant pas une première. Le 2 juin 2009, le tribunal administratif de Nîmes condamnait l'hôpital public d'Orange pour acharnement thérapeutique. Le personnel médical avait réanimé un nouveau-né en état de mort apparente en décembre 2002. Ramené à la vie, l'enfant a présenté par la suite de lourds handicaps physiques et mentaux. "En pratiquant ainsi sans prendre en compte les conséquences néfastes hautement prévisibles pour l'enfant, les médecins ont montré une obstination déraisonnable (...) constitutive d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Orange", avait conclu le jugement.

Il s'appuie sur l'article 37 du décret 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale qui stipule qu'"en toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances de son malade, l'assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique".

Un hôpital condamné pour acharnement thérapeutique après avoir réanimé un nouveau-né
LEMONDE.FR
12.11.09


Au départ, c'est une triste histoire, celle d'une vie qui n'a pas la force de débuter, pas seule en tout cas. En décembre 2002, dans la maternité de l'hôpital public d'Orange, un accouchement s'annonce mal : rythme cardiaque fœtal trop lent et risque corollaire de manque d'oxygénation du cerveau.

Quand l'enfant naît, il est en état d'anoxie périnatale extrême ("mort apparente"), un état réversible de ralentissement extrême des fonctions vitales qui peut conduire à penser qu'un individu est mort. L'équipe médicale applique immédiatement la procédure habituelle de réanimation. Après 25 minutes de réanimation, le gynécologue annonce le décès aux parents, tandis que ses collègues poursuivent la réanimation et font réapparaître finalement une activité cardiaque. Le cerveau du bébé n'a pas été irrigué pendant une demi-heure et il n'y a pas eu d'oxygénation pendant la réanimation. De lourds handicaps physiques et mentaux sont apparus par la suite.

Le 2 juin, le tribunal administratif de Nîmes condamnait l'hôpital pour "obstination déraisonnable", autrement dit acharnement thérapeutique. Une décision passée inaperçue à l'époque et révélée, mardi 10 novembre par Le Figaro. "En pratiquant ainsi sans prendre en compte les conséquences néfastes hautement prévisibles pour l'enfant, les médecins ont montré une obstination déraisonnable (...) constitutive d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Orange", conclut le jugement. Il s'appuie sur l'article 37 du décret 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale qui stipule qu'"en toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances de son malade, l'assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique".

LA PART DE RESPONSABILITÉ DE L'HÔPITAL ENCORE SOUMISE À EXPERTISE

Le fait de dépasser vingt minutes de réanimation est effectivement déconseillé par la Société française d'anesthésie et de réanimation. Sur son site, on peut lire, dans le compte rendu d'une conférence de 1996 sur "la réanimation du nouveau-né en salle de travail" que "certaines situations imposent à l'évidence l'arrêt des manœuvres de réanimation", notamment "la persistance d'un 'état de mort apparente' (Apgar inférieur à 3) au-delà de la vingtième minute de réanimation précoce et bien conduite".

L'enfant présente aujourd'hui les symptômes d'une forme sévère d'infirmité motrice cérébrale tétraplégique, avec troubles de déglutition et épilepsie, ainsi qu'un syndrome dysmorphique évoquant une pathologie rare, non certifiable sur le plan chromosomique, pouvant correspondre à un syndrome de Dubowitz. La part de la faute commise par l'hôpital dans les handicaps développés par l'enfant est encore soumise à expertise, précise le jugement. Cette expertise, en cours, déterminera le montant des réparations financières que l'hôpital (qui n'a pas fait appel) devra verser. Les parents réclament un minimum de 500 000 euros, parce que, selon leur avocat, "la juste décision était de permettre à la mort naturelle de prendre ses droits".


Surpoids, stress, problèmes scolaires: un rapport s'inquiète pour les enfants des familles pauvres
LEMONDE.FR avec AFP
15.11.10

Ballottés d'hôtels en foyers, plus souvent en difficulté scolaire, moins bien soignés, les enfants issus de familles pauvres subissent directement la pauvreté de leurs parents, s'alarme la défenseure des enfants Dominique Versini dans un rapport rendu public lundi 15 novembre sur les conséquences de la précarité sur les droits de l'enfant.

"La pauvreté a des conséquences au long cours sur la construction des enfants et peut avoir un impact très lourd sur leur capacité à se construire pour l'avenir un capital culturel et social indispensable pour évoluer dans une société aussi exigeante que la nôtre", indique-t-elle dans son rapport, rappelant qu'en France, "la précarité touche près de 2 millions d'enfants, dont les familles vivent (...) sous le seuil de pauvreté qui est défini par l'Insee à 950 euros par mois".

"L'EXPULSION COMPARABLE AUX EFFETS DE LA GUERRE"

Son rapport s'attarde notamment sur les conséquences du mal-logement sur les enfants : quand les familles "sont hébergées chez des gens ou des centres d'hébergement d'urgence, ou dans des hôtels avec des enfants qui toutes les semaines ou tous les quinze jours changent d'hôtels, [cela] a des conséquences sur l'équilibre des enfants", indique-t-elle, avant de poursuivre : "Certains experts comparent l'impact d'une expulsion sur les enfants aux effets de la guerre."

Cette situation "a une incidence indiscutable sur le parcours scolaire des enfants", qui ont du mal à se concentrer tant ils sont préoccupés par les soucis de leurs parents, explique le rapport. "La précarité mobilise beaucoup les enfants, qui sont toujours solidaires avec leurs parents", et "ils n'arrivent pas à se concentrer" à l'école, où les enseignants ne sont pas formés pour cette population, relève-t-elle. Du coup, "l'école n'est pas un lieu d'espoir pour eux".

Mme Versini souligne ainsi le manque de logements sociaux en France, déplorant une "absence de volonté politique" de faire appliquer la loi SRU, qui oblige les communes de plus de 5 000 habitants à disposer de 20 % de logements sociaux.

MÉDECINE À DEUX VITESSES


Le rapport constate par ailleurs que "les enfants pauvres subissent des inégalités croissantes dans l'accès aux soins, ce qui tend à créer une médecine à deux vitesses". "Comme beaucoup de médecins ne prennent pas les gens qui ont la CMU [couverture-maladie universelle], les gens n'y vont pas. Donc quand l'enfant est malade (...), on va aux urgences. Il est soigné sur un épisode aigu, il y a des ruptures de soins permanentes", déplore-t-elle. Or, "quand on est mal pris en charge dans son enfance, on est pénalisé pour la vie", fait-elle valoir.

Le rapport relève également que "le risque de surpoids chez les enfants et les adolescents en situation de précarité est multiplié par trois".

Forte de ces constats, Mme Versini estime que l'objectif de Nicolas Sarkozy de réduire d'un tiers la pauvreté en 2012 "paraît difficile à tenir s'il n'y a pas des priorités fermes qui sont établies". Elle propose donc notamment un "plan santé enfant et adolescent", une meilleure application de la loi SRU, la création de modes de garde "adaptés" à tous les horaires et revenus, et prône la réduction du nombre de placements d'enfants en institution pour cause de précarité.

Ce rapport pourrait bien être le dernier publié par Mme Versini, sa fonction devant disparaître l'an prochain, absorbée par le futur défenseur des droits.
Radio-canada.ca

Des traitements en français pour soigner les dépendances

12 novembre 2010

Les francophones ont accès à une nouvelle phase du programme de traitement des traumatismes et de la dépendance aux drogues et à l'alcool, offert à l'hôpital Montfort d'Ottawa.

Le programme, mis sur pied en 2009, compte différentes méthodes de traitements interreliées, qui permettent aux clients de bénéficier de services en psychiatrie, en psychologie, en travail social, en ergothérapie et en soins infirmiers.

Selon Benoit Bruyère, ergothérapeute à l'hôpital Montfort, les résultats ont été concluants pour ceux qui ont complété la première clinique externe du programme : « Les clients arrivent à trouver des stratégies qui sont fonctionnelles. C'est certain que c'est une première étape au niveau du rétablissement du stress post-traumatique et d'abus de substances, mais en même temps, en trois mois, ils arrivent à consolider des techniques qui leur permettent d'avancer. »

Nicole, dont les problèmes remontent à l'enfance, dit que ce programme a sauvé sa vie : « J'étais très malade, très découragée, très déprimée. Je pensais au suicide tous les jours, c'était pas un mode de vie. »


Un programme pour les militaires ?


Les techniques qui ont permis à Nicole de s'y retrouver dans ses émotions et d'apprendre à les gérer, pourraient également aider les militaires qui souffrent de blessures liées au stress opérationnel.
Selon le Dr Jean-Philippe Daoust, directeur de recherche du programme « Contact pour troubles concomitants », l'approche de traitements regroupés de l'hôpital Montfort est également utilisée pour soigner les militaires de Val Cartier, au Québec.

L'hôpital Montfort aimerait conclure un partenariat avec les Forces canadiennes, afin d'offrir aux soldats cette méthode qui fait le lien entre les traumatismes, la santé mentale et les problèmes de dépendances.

dimanche 14 novembre 2010

Bien accueillir les fous, tout un art
Par ERIC FAVEREAU
 09/11/2010

On aurait presque envie de dire que Paul Machto est un psychiatre gentil, mais comme on sait que le qualificatif peut paraître déplacé, on en cherche un autre, mais lequel ? Avec sa barbe, ses cheveux un peu longs, son chapeau, sa façon discrète de boiter, on pourrait le cataloguer «baba cool». Mais pour l’avoir suivi tout au long des réunions du Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, et l’avoir vu travailler dans les locaux du centre de jour Victor-Hugo à Montfermeil en Seine-Saint-Denis, on se dit que Paul Machto est surtout un psychiatre… attentionné.

Et ce n’est pas rien. Dans le secteur de psychiatrie baptisé 93 G 15 - c’est-à-dire qu’il est censé s’occuper des villes de Clichy, Montfermeil et du Raincy -, bonne surprise, on fait du bon travail. Et la psychiatrie publique renvoie un autre visage que celui d’un monde effondré, fatigué, à bout. Non, là, des choses sont possibles : être «hospitalier», par exemple. A l’image de cet établissement qui vient d’ouvrir en face de l’hôpital de Montfermeil. Voilà un nouveau bâtiment, joliment moderne pour accueillir le Centre médico-psychologique et l’unité de jour de ce secteur de psychiatrie. L’endroit est coloré et lumineux. «On a demandé le maximum de place, et on l’a eu», s’amuse à noter Paul Machto. Ils sont une bonne vingtaine de patients à venir tous les jours suivre des ateliers. Paul Machto porte le lieu, à sa façon, sans à coup mais avec bienveillance. Il écoute, rassure. Et raconte l’histoire du centre dont il a la charge depuis plus de dix ans.

Paul Machto a un dada : l’art. «L’option choisie fut de travailler avec des artistes, d’abord avec une plasticienne puis avec un musicien.» Il aime l’art comme ouverture vers les autres. Et il prend l’exemple du théâtre, car depuis quelques années le centre de jour travaille avec le Githec, un groupe d’intervention théâtrale et cinématographique. Ainsi, ils montent des pièces, se lancent dans des improvisations. Paul Machto évoque un atelier théâtral où des malades ont travaillé avec des demandeurs d’asile.

«Cette rencontre entre des demandeurs d’asile et d’autres qui ont connu l’asile, psychiatrique celui-là, a été particulièrement émouvante. Des traces, des liens se sont tissés.» Puis il ajoute : «Que dire de ce type d’aventure ? Est-ce du soin ? Est-ce que ça guérit ? J’ai été époustouflé par les capacités de ces patients, étonné devant tant d’efforts déployés. Ils ont eu un plaisir à jouer, à être attentif à l’autre, à partager ce travail.»
Toulouse: le personnel d'un hôpital psychiatrique en grève depuis un mois
13.11.2010

Des employés de l'hôpital psychiatrique Gérard Marchant à Toulouse, en grève depuis près d'un mois, réclament des embauches en urgence dans l'établissement et dénoncent le manque de moyens en faveur de la psychiatrie en France, a-t-on appris samedi auprès des grévistes.
Pour sensibiliser les Toulousains, des infirmières vêtues de blouses blanches proposaient samedi sur la place du Capitole de prendre la tension aux promeneurs en échange d'une cuillère à café, "pour montrer que nous sommes dans le plus grand dénuement", selon l'une d'entre elles.

A l'entrée de l'hôpital, plusieurs tentes ont été dressées pour abriter les grévistes et des banderoles "pénurie d'infirmiers" ou des drapeaux de l'intersyndicale (FO, CGT, Sud, CFDT) flottent au vent.
"Nous demandons une cinquantaine d'embauches, et que tous les contractuels ayant travaillé au centre hospitalier psychiatrique depuis 3 à 4 ans soient titularisés", a déclaré à l'AFP un délégué de Sud, Jean-Paul Fauré.

Les grévistes soulignent qu'outre le personnel débordé, les patients souffrent aussi du sous-effectif.
La direction de l'hôpital indique que le sous-effectif actuel porte sur 2 postes et demi dans le service de gériatrie, qu'une solution provisoire a été présentée au Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et que des embauches sont en cours.

Le fonctionnement du centre hospitalier, qui compte environ 600 salariés, n'est pas affecté par la mobilisation en vertu de la règle de réquisition du personnel propre au secteur hospitalier.

L'hôpital Tenon craque face au manque d'effectifs
12.11.10

Tenon craque. Dans cet hôpital public du 20e arrondissement de Paris, sous-doté en personnel mais où la débrouille permettait jusque-là de faire face, rien ne va plus. A cause du manque de bras, des lits ont été provisoirement fermés, des patients envoyés dans le privé, des infirmières sont en grève depuis plus de six semaines. Les urgences sont restées porte close un week-end. Sur 600 postes d'infirmières, près de 60 sont vacants. L'équipe de suppléants n'existe quasiment plus.

C'est en cancérologie que les premiers signes de la crise sont apparus. En septembre, le service a appris qu'il allait passer un temps de 20 à 12 lits - en raison du manque de personnel, la direction ferme régulièrement des lits. Le chef de service, le professeur Jean-Pierre Lotz, dit avoir tiré la sonnette d'alarme il y a plus de deux ans : "Une nuit, je suis passé dans le service. Il n'y avait que des infirmières que je n'avais jamais vues et qui ne savaient pas qui j'étais." Des soignantes qui ne connaissaient donc pas les patients, tous des cas complexes.

Béatrice Lazard, cadre infirmière, n'est pas gréviste cette semaine. A quoi bon, puisqu'elle n'a jamais cessé de travailler quand elle l'était - elle était assignée, comme ses collègues, par la direction. Elle raconte la difficulté de devoir dire aux patients que leur chimiothérapie sera reportée de deux ou trois jours. Soudain, des larmes lui montent aux yeux. Elle s'excuse, évoque sa fatigue, et ajoute : "Avant les fermetures de lits, toutes les infirmières étaient dans mon état." Dans le service, on se plaint de plannings modifiés, de rappels durant les congés, de nouvelles recrues qu'on ne peut aider et qui partent vite, et de formations qu'on ne peut plus suivre, faute de temps.

Le paradoxe est frappant. Dans cet hôpital dont certains services ont une renommée internationale et où un énorme bâtiment est en construction, c'est davantage le désespoir que l'espoir qui domine. Le récent rapprochement de Tenon avec les hôpitaux Rothschild, Saint-Antoine et Trousseau dans un groupe hospitalier, ajoute au désarroi, certains n'hésitant pas à voir dans la non-résolution des problèmes d'effectifs le signe d'une future disparition.

En néphrologie, le moral est en berne. Il est 16 heures, mercredi 10 novembre, et un étage est vide. La prise en charge des insuffisants rénaux dans le centre de dialyse n'est plus assurée qu'au tiers depuis une semaine. Seule la séance du matin est ouverte. Une partie des malades a été adressée dans des centres privés. Jusqu'à quand ?

L'après-midi, une réunion avec la direction sur les problèmes du centre de dialyse n'a pas convaincu. Les infirmières réclament des assurances écrites de recrutements, une prime, et menacent de démissionner collectivement. Elles s'énervent de voir les choses traîner, d'autant qu'elles ont eu affaire à de nouveaux visages : c'est le DRH du nouveau groupe hospitalier, qui vient de l'hôpital Saint-Antoine et non de Tenon, qui était leur interlocuteur.

"Si on manque de monde, c'est qu'on ne veut pas en mettre. C'est dramatique d'en arriver là, lâche Lamia Touzani, une jeune infirmière. Cela devient un choix politique de travailler à l'hôpital public. Dans le privé, je pourrais gagner 1 000 euros de plus, pour des malades moins lourds à suivre." Les médecins aussi sont abasourdis. "C'est un crève-cœur de rompre le projet de soins des malades", avoue le docteur Jean-Jacques Boffa, qui se demande, comme les syndicats, ce qu'a fait la direction ces dernières années.

Aux urgences, les jeunes infirmières se montrent particulièrement à bout. Il manque six infirmières sur 37 et plusieurs départs de l'hôpital sont annoncés. Un classique aux urgences, mais un casse-tête. L'une d'entre elles s'apprête à rejoindre un autre hôpital. Toujours aux urgences, mais plus à Tenon. "Les conditions de travail sont clairement meilleures ailleurs", dit-elle, montrant les patients installés dans le couloir en attente d'une place et les brancards branlants.

La direction s'échine à chercher des candidates. Une tâche bien difficile. Avec leur salaire, les infirmières habitent souvent loin de Paris, et Tenon n'est pas situé près d'une gare, et ne dispose pas de parking attenant. Résultat : les autres hôpitaux lui sont préférés. Des contacts ont été pris lors d'un salon infirmier, assure la direction, mais qui aura envie de venir à Tenon ? Le turnover y est élevé : "Tous les ans, c'est 120 recrutements qu'il faut effectuer", explique Renaud Pellé, le DRH du groupe.

Difficile de prendre de l'avance sur les départs. Chaque automne, l'hôpital est confronté à un problème de plus : il n'y a plus personne sur le marché et il faut attendre la sortie des écoles d'infirmières, en décembre, pour recruter. Faute d'intéressées, Tenon a fait de plus en plus appel à l'intérim, pour un coût de 3 millions d'euros par an. Ce qui se dit dans l'hôpital, c'est que la crise a éclaté suite à la demande de la direction d'en réduire le recours.

Pour sortir du marasme, la direction a annoncé un audit mené avec l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail. Un regard extérieur jugé salutaire, mais tardif. En attendant, il faudra réorganiser le travail. "Il faut gérer l'immédiat, mais aussi réussir à recruter, et à long terme, tout faire pour garder le personnel en rendant Tenon plus attractif", juge le président du comité consultatif médical, le professeur Eric Rondeau, estimant que les infirmières n'ont probablement pas été assez entendues.

La situation ne devrait pas s'améliorer avant janvier. Contrairement à la CGT et à SUD, le médecin du travail, le docteur Maryse Salou, ne parle pas d'épuisement professionnel profond du personnel. Mais elle voit bien que certains présentent des signes d'alerte. En comité d'hygiène et de sécurité, elle a rappelé que les infirmières sont soumises "à de multiples risques graves, autant physiques que psychosociaux", en référence aux horaires décalés et à la confrontation à la maladie grave et à la mort. Elle constate que depuis la rentrée, beaucoup de salariés, spontanément, ont poussé sa porte.
Laetitia Clavreul


Emploi et restructuration : l'hôpital public sous pression

12.11.10

La crise que traverse l'hôpital parisien Tenon est inédite et propre à l'établissement, mais ses médecins et infirmières n'hésitent pas à prévenir : équipes incomplètes, fermetures provisoires de lits pour compenser, manque de moyens, d'autres hôpitaux sont confrontés à ces problèmes, même si c'est dans une moindre mesure. Ils pourraient, à l'avenir, se retrouver dans la même situation.

Comme Tenon, bon nombre d'hôpitaux sont touchés par un problème de recrutement d'infirmières, surtout dans la capitale. A Paris, où les loyers sont très élevés, les soignantes qui débutent avec moins de 1 500 euros par mois peuvent difficilement se loger. Si de petites surfaces à faibles loyers peuvent être proposées par les hôpitaux aux jeunes soignants, après quelques années, les infirmières, bien que formées à Paris, partent souvent en banlieue ou en province. Les départs dans le privé, où le salaire peut être plus élevé, les horaires moins difficiles et les cas à suivre moins graves, sont aussi chose courante.

Le casse-tête des plannings

La gestion des emplois est un autre problème classique pour les hôpitaux. Les 35 heures ont fait des plannings un casse-tête, à quoi s'est ajoutée une politique globale de réduction de postes. Certes, la fonction publique hospitalière n'est pas concernée par la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, mais l'heure est à la limitation des recrutements - l'emploi représente 70 % du budget des hôpitaux.

A l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), 700 emplois ont été supprimés en 2009, et 900 en 2010, surtout administratifs et techniques. Et d'ici à 2014, de 3 000 à 4 000 postes, sur plus de 90 000, seraient concernés. Il ne s'agit certes pas de licenciements, mais les postes non remplacés pèsent sur le travail et le moral des équipes, d'autant que les suppressions ne sont pas toujours fonction des besoins.

Au niveau national, les effectifs dans les hôpitaux publics ont diminué pour la première fois en 2008, selon la Fédération hospitalière de France. Tout un symbole, même si la baisse était mineure : 1 800 sur plus de 1 million d'emplois. Depuis, la tendance se serait accélérée.

Plus généralement, c'est la restructuration des hôpitaux qui inquiète. Un mouvement déjà engagé en province, et qui atteint désormais Paris, où il fait davantage de bruit. Si tout le monde juge la modernisation des hôpitaux nécessaire, de nombreux observateurs dénoncent des décisions uniquement dictées par une logique comptable.

Depuis que Nicolas Sarkozy a fixé pour objectif aux hôpitaux un retour à l'équilibre pour 2012, le ministère de la santé est très focalisé sur les déficits, et s'enorgueillit de les voir baisser. Ainsi, en 2009, le déficit hospitalier s'établissait à 497 millions d'euros, contre 571 millions en 2008, et 686 millions en 2007. Au risque de provoquer des dysfonctionnements et une explosion dans des hôpitaux soumis à haute pression.
Laetitia Clavreul


L'utilisation du droit de retrait fait déba
t

12.11.10

D'accord, L'événement restera gravé dans les esprits. Vendredi 5 novembre après-midi, le service des urgences de l'hôpital Tenon, à Paris, s'est retrouvé sans infirmières. Estimant les effectifs insuffisants, l'équipe qui devait prendre son service a exercé collectivement son droit de retrait. En catastrophe, médecins cadres et aides-soignantes ont pallié leur absence.

Le droit de retrait peut être invoqué par des fonctionnaires quand ils sont confrontés personnellement à un péril imminent et grave. A Tenon, il avait déjà été activé, individuellement, par des infirmières, au motif que leur propre santé était en danger. Mais jamais une action groupée n'avait eu lieu.

"Je peux comprendre qu'elles soient à bout, que l'une ou l'autre s'arrête, mais pas que l'on fasse courir un risque aux malades présents", juge le chef de service, Etienne Hinglais, qui avait alerté la direction sur les difficultés de son service - sur 37 postes, six ne sont pas pourvus. Il estime cependant que ces infirmières ont eu un comportement "non excusable" et il leur a dit. Selon lui, le temps que les renforts soient trouvés et opérationnels, il y a eu danger.

Signal fort

Il n'est pas le seul à penser que la ligne rouge a été franchie. Mais dans l'hôpital, d'autres médecins refusent de juger, voyant dans cette action un signal fort de jeunes femmes soumises à une énorme pression. Les infirmières, elles, s'insurgent d'une "tentative de culpabilisation". "Cela fait un an qu'il y a danger aux urgences. N'étant pas assez, nous avons au contraire mis nos patients en sécurité, car ils ont été bien pris en charge grâce au renfort de médecins", indique l'une de celles qui a refusé de travailler. Et de retourner la responsabilité à la direction qui n'a pas réussi à suffisamment recruter.

Les syndicats, qui ne promeuvent pas ce type d'actions, ont été prévenus juste avant de la décision des infirmières. Cette affaire "pose une véritable question, celle du mode d'actions à la disposition de la profession", estime Isabelle Borne, pour SUD-Santé. Les infirmières sont en grève depuis plus de six semaines, mais elles sont assignées par la direction et ont, de fait, travaillé chaque jour. Avec le fort sentiment de ne pas se faire entendre.
Laetitia Clavreul

Bosser cabosse

Avec l’intensification des rythmes de travail, les souffrances physiques et psychologiques explosent, alors que la retraite s’éloigne…


Par DIDIER ARNAUD


Pierre est cadre dans la grande distribution, il n’a pas encore 50 ans, travaille douze heures par jour, cinq jours par semaine. Il a du mal Pierre. Il dort de moins en moins, s’inquiète de plus en plus. Le recul de l’âge de la retraite à 67 ans, cela le fait sourire. A ce rythme, il pense qu’il ne tiendra pas le coup très longtemps. D’ailleurs, il y a une semaine, il a été convoqué par son boss à un entretien. Voilà ce que lui a dit son supérieur : «Tu n’as plus la gnaque, tu es usé, trop vieux pour ce job, c’est un boulot de jeune. On va trouver un arrangement pour ton départ.»

Pierre est un ami de François Desriaux, rédacteur en chef de la revue Santé au travail, qui organisait récemment, en pleine bataille des retraites, un colloque autour de la question «Peut-on faire de vieux os au boulot ?». Une question qui pose celle des conditions de travail, qui ne s’améliorent pas. Arriver à faire de «vieux os au boulot», c’est, à écouter les participants de ces tables rondes, une gageure. En filigrane, la fameuse notion de «pénibilité», difficile à évaluer, sauf pour quelques professions sollicitant particulièrement le corps.

Stress. La question ne date pas d’hier. Serge Volkoff, directeur du Centre de recherches et d’études sur l’âge et les populations au travail, rappelle comment les verriers, au XVIIe siècle, avaient déjà droit à une retraite anticipée. Dans les années 70, le travail de nuit, à proximité des sources de chaleur, à la chaîne, était également pris en considération pour un départ anticipé.

Mais comment évaluer le stress (tant psychique que physique), la charge véritable de travail, le poids d’un environnement qui se dégrade (délocalisations, plans sociaux…), sans parler de la capacité forcément très personnelle de chacun à endurer ? Justement, aucune étude scientifique n’est en mesure aujourd’hui d’indiquer ces «seuils de pénibilité». «On ne peut pas dire qu’un certain nombre d’années exposé à ce type de bruit ou de stress équivalent à tant d’années d’espérance de vie en moins», explique Volkoff. Qu’en pense la médecine du travail ? Fabienne Bardot, médecin au centre interentreprise d’Orléans (Loiret), s’inquiète. Pour elle, la situation n’a jamais été aussi «grave». «On est envahi de gens dont l’état de santé est dramatique, soit à cause de l’usure du corps, soit par fatigue psychique, mais on n’a plus aucun dispositif qui permette de les sortir de l’emploi.» Et le médecin d’égrener les situations de «casse effroyable» auxquelles elle assiste. Notamment pour ces femmes, préparatrices de commande dans les centrales de logistique, "qui manipulent de deux à huit tonnes de matériel par jour et se retrouvent «abîmées à moins de 30 ans».

Spectre. Ainsi, avant de savoir comment travailler plus longtemps, il faudrait d’abord cerner quelles catégories de professions ont le plus de chances d’y parvenir. D’où l’idée du colloque de balayer un spectre assez large de professions pour se faire une idée. Avec un zoom particulier sur l’enseignement, la santé et la banque.

D’abord, le secteur hospitalier. Les restrictions budgétaires pèsent sur le travail, provoquant l’accélération des cadences. Des aides-soignantes se retrouvent, du jour au lendemain, avec dix malades à «faire» dans la matinée, un temps quasi chronométré. Un comble dans le métier du soin. «Comment voulez-vous bien effectuer le travail dans ces conditions ?» s’emporte Denis Garnier, syndicaliste Force ouvrière, qui rappelle que 30% des aides-malades arrivent à la retraite en invalidité. Une situation des plus difficiles à vivre. «Je ne veux pas être inapte, bon à rien, l’inaptitude, c’est un mot qui choque», lui a récemment confié une aide-soignante.Garnier cite en exemple le CHU de Caen, où une cellule spéciale a été mise en place pour reclasser les plus en difficulté, malades, fatigués. L’expérience n’a duré qu’un an, abandonnée faute… de budget. Les soixante «reclassés» sont rentrés chez eux, dare-dare.

Ensuite, il y a les enseignants, dont la situation est loin de s’améliorer. Dominique Cau-Bareille, chercheuse associée au Centre d’études pour l’emploi, a enquêté. Bilan, un métier «moins valorisé qu’avant», où ceux qui pratiquent ressentent parfois «une souffrance qu’ils ne s’autorisent plus à mettre en mots». Elle décrit leur travail «comme physique et sportif. Ils sont toute la journée debout, piétinent six heures par jour, en ressortent vidés». Elle remarque parfois combien ils n’ont «plus de ressources pour faire face aux exigences du métier». Au final, elle décrit «une population extrêmement touchée par la dépression». Et des enseignants qui regrettent de ne «plus avoir de lieu où penser ensemble l’évolution de leur travail. Chacun essaie de se débrouiller, isolé».

L’isolement, justement. C’est aussi ce dont souffrent de plus en plus les employés de banque. Depuis que leur progression est directement corrélée à la vente de produits financiers, la compétition se durcit entre collègues. Ce colloque a montré à quel point il était de plus en plus difficile de travailler en «collectif» dans les entreprises. La faute aux plans sociaux à répétition, et à l’esprit de concurrence. A l’arrivée, un effet imprévu, le repli sur soi. Et ça, ce n’est pas un atout pour faire de vieux os au travail.
Les Livres de Psychanalyse

Le réel insensé - Introduction à la pensée de Jacques-Alain Miller
Nicolas Floury
L'essentiel de la pensée de Jacques-Alain Miller et de ses apports conceptuels à la théorie et à la clinique psychanalytique.
Cette pensée prend corps à partir d’une lecture des philosophes logiciens anglo-saxons pour aboutir à l’élaboration d’une nouvelle clinique et de nouveaux concepts psychanalytiques. Elle propose un changement de paradigme en psychanalyse : passer du registre du sens à l’ordre, insensé, du réel. On découvre alors comment l’ancien maoïste repenti déduit de la psychanalyse une nouvelle politique. Une fois ce parcours effectué, on comprend que la véritable passion de Jacques-Alain Miller est d’élucider les mystères de la pensée.

Paru le : 03/11/2010 – Éditeur : Germina – Collection : Les clés de la philo