Les associations interpellent l’Etat sur l’hébergement d’urgence
Un collectif estime que le gouvernement se désintéresse de la cause des sans-abri et des mal logés
La température chute et l’urgence monte. À quelques jours de la trêve hivernale sur les expulsions locatives, qui débute le 1er novembre, le « collectif des associations unies », qui regroupe 31 organisations, a lancé jeudi 21 actobre une alerte sur la situation des personnes sans-abri ou mal logées, tout en renvoyant le gouvernement à ses responsabilités.
Le premier ministre, en janvier 2008, avait en effet promis un grand chantier prioritaire pour la période 2008-2012, considérant que « plus personne ne doit être contraint de vivre dans la rue ». À l’époque, l’ensemble des associations avaient collaboré avec les autorités publiques pour aboutir à une « refondation » du dispositif d’hébergement et d’accès au logement.
Le collectif déplore un décalage entre les ambitions initiales et la réalité. Aujourd’hui, l’application du droit au logement opposable (Dalo) reste impossible faute de logements en Île-de-France, en Rhône-Alpes, en Provence-Alpes-Côte d’Azur et dans le Nord-Pas-de-Calais.
« Nous nous sommes fait rouler dans la farine, s’emporte Christophe Robert, directeur des études à la fondation Abbé-Pierre. Une longue liste de remontées de terrain nous laisse penser que nous allons dans le mur. Cinq accueils de jour ont été supprimés en Auvergne faute de moyens. Les Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) du Var et plus généralement le 115 (numéro d’appel pour l’hébergement d’urgence) prennent de plein fouet les coupes budgétaires. »
Un état des lieux inquiétant
Matthieu Angotti, directeur général adjoint de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), se scandalise particulièrement de la fragilité financière des « équipes mobiles » au contact des sans domicile fixe. « C’est grâce à elles que nous pouvons repérer les pires situations pour ceux qui sont à la rue, souligne-t-il. En les affaiblissant, le gouvernement semble se mettre un bandeau sur les yeux pour ne plus voir ce qui se passe réellement. »
Cet état des lieux inquiétant ne devrait pas s’améliorer dans les mois à venir. Le projet de loi de finances pour 2011 présente un recul de 2 % du budget de l’hébergement d’urgence par rapport à 2010, une chute de 47 % des moyens alloués à la veille sociale des équipes mobiles, et une diminution de 34 % des crédits de soutien aux fédérations engagées sur le logement.
Le collectif des associations unies s’alarme également d’assister à ce qu’il considère comme le démantèlement des politiques de l’État en faveur du logement social : 340 millions d’euros seront ponctionnés sur le secteur HLM, soit l’équivalent de 20 000 logements sociaux financés par an.
Un contexte législatif « moralement inacceptable »
En outre, la rétroactivité des Aides personnalisées au logement (APL), qui permettait aux bénéficiaires de toucher après coup les versements à compter de leur changement d’adresse, sera supprimée en 2011, pour une économie de 240 millions. « Il faut s’attendre à une précarisation importante des foyers les plus démunis, pour qui le loyer représente déjà 50 à 60 % de leurs revenus », explique Christophe Robert.
Enfin, les militants du logement pour tous englobent dans leur colère un contexte législatif qu’ils estiment « moralement inacceptable ». En ligne de mire, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2).
Un amendement du gouvernement pourrait permettre d’expulser, sous 48 heures, et sans passer par le juge, toutes les personnes en situation de détresse dans les bidonvilles ou les habitations de fortune. Engagées avec l’État à repenser la politique d’hébergement en France, les associations qui travaillent sur le logement se désolidarisent maintenant de sa mise en œuvre, qu’elles considèrent vouée à l’échec.
Jean-Baptiste FRANÇOIS
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