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mercredi 17 avril 2024

TRIBUNE Transition de genre : non, nous ne cacherons pas nos enfants

par le collectif Grandir Trans   publié le 15 avril 2024

Interdire les bloqueurs de puberté, comme le préconise une proposition de loi des sénateurs LR, est criminel et discriminatoire, alertent plus de 400 signataires dont le collectif Grandir Trans, Virginie Despentes et Paul B. Preciado. Si le texte passe, les enfants transgenres seront condamnés à des années de mal-être.

C’est en tant que parents d’enfants concernés, en tant que membres de l’association Grandir Trans qui rassemble plus d’un millier de familles depuis plusieurs années en France, et en tant que citoyens et citoyennes, que nous souhaitons répondre aux préconisations et à la proposition de loi déposée au Sénat par le groupe LR au sujet des mineurs transgenres.

Outre la profonde déception à la lecture des préconisations, nous sommes inquiets de voir à quel point le vécu de nos enfants est nié dans ce rapport au profit de l’inquiétude à voir notre société évoluer et permettre aux jeunes de s’approprier la question de leur genre.

Il s’ensuit des propositions qui ignorent le vécu de nos familles et manipulent les recherches scientifiques. Uniquement basées sur la psychiatrie et l’interdiction, les préconisations sont inquiétantes, dangereuses et représentent une régression majeure des droits des jeunes transgenres. Elles sont en contradiction avec les valeurs de la République et introduisent de la discrimination envers nos enfants.

La transidentité n’est pas une maladie mentale

En imposant «en première intention» une prise en charge psychiatrique des mineurs transgenres présentant des troubles, la transidentité est ramenée dans le champ des maladies mentales. L’interdiction des thérapies de conversion est également détournée. La transidentité n’est pas une maladie et encore moins une contagion sociale ! Nos enfants ont le droit d’être, de vivre autant que tous les enfants, d’être joyeux et fiers de ce qu’ils sont. Si le rapport ignore la diversité humaine, ce n’est pas aux enfants transgenres d’en payer le prix !

Concernant la transition médicale, tout le monde sait qu’elle ne concerne que très peu de mineurs (1) (284 en 2022 sur 9 millions de mineurs) et que les équipes spécialisées n’y ont recours qu’au cas par cas, et dans des situations de profond mal-être (dépression, scarification, tentative de suicide, déscolarisation, désocialisation). Contrairement aux présuppositions du texte, nous n’avons pas eu accès facilement aux bloqueurs de puberté, mais nous avons été informés des risques et nos enfants ont été très encadrés pendant la prise de ces traitements. C’est notre vécu ! Ces bloqueurs de puberté permettent à nos enfants de vivre plus sereinement leur adolescence et de baisser fortement leurs tentatives de suicide ce qui, vous le comprendrez aisément, nous est primordial.

La préconisation d’interdire les bloqueurs de puberté nous apparaît donc criminelle, mais également discriminatoire puisque ces bloqueurs sont prescrits depuis les années 70 aux jeunes filles ayant une puberté précoce sans examen poussé. Il en va de même pour la prescription d’hormones croisées. Là encore, notre groupe d’entraide est le dépositaire de nombre de témoignages indiquant que les hormones ont amélioré la santé mentale de jeunes en souffrance. En interdire la prescription avant la majorité entraînerait une augmentation des comportements dangereux, ainsi que des risques d’automédication.

Quant aux chirurgies dites de réassignation, elles ne sont déjà pas accessibles aux mineurs Seule la torsoplastie peut être envisagée avant 18 ans mais de façon, une fois de plus, bien encadrée : à partir de 16 ans, avec l’accord des parents et en concertation avec l’équipe médicale. Ce que nous souhaiterions faire entendre aux auteurs du rapport, ce sont les mots de ces jeunes qui qualifient cette opération de «véritable libération», voire de «renaissance».

Quant aux risques de «regrets» et de «détransition», brandis dans le rapport, pour interdire toute transition à nos enfants avant leur majorité, voire avant leurs 25 ans, une clarification s’impose : les détransitions existent mais elles sont rares et massivement liées à des pressions sociales et familiales. Loin de les «protéger», le projet de loi est, pour nous, de nature à étouffer, à invisibiliser nos enfants transgenres ou en questionnement de genre en les condamnant à des années de mal-être, voire de comportements autodestructeurs. Oui, la prudence doit être de mise lorsqu’il s’agit de la santé des mineurs et c’est justement au nom de cette évidence que nous appelons les pouvoirs publics à mieux accompagner ces enfants et leur famille.

Sensibilisation, suivi médical et droit des enfants

Nous allons donc nous permettre aujourd’hui d’exprimer nos demandes.

A l’éducation nationale, nous demandons que ses personnels continuent à être sensibilisés aux besoins de nos enfants, que la circulaire Blanquer soit maintenue et respectée car elle sauve nos enfants de la discrimination. Mais également que les séances d’éducation à la vie affective et sexuelle, déjà prévues par la loi, soient effectivement dispensées afin de sensibiliser enfants et adolescents à la diversité des identités et des expressions de genre et promouvoir l’égalité entre tous et toutes, en luttant contre les attitudes sexistes et les stéréotypes de genre qui font du tort à tous les enfants et par ricochet à beaucoup d’adultes.

Au ministère de la Santé, pour le suivi médical, il nous semble primordial et urgent d’augmenter, en nombre et en volume, les équipes interdisciplinaires spécialisées afin que les mineurs puissent être pris en charge par des professionnels formés et dans des délais raisonnables. L’attente pour un premier rendez-vous – souvent plus d’un an – nourrit la colère et le désespoir de ceux qui souffrent.

A la Défenseuse des droits, nous demandons clairement que les droits de nos enfants soient respectés en corrélation avec les valeurs de notre république, dans la fraternité, l’égalité et la liberté d’être et d’exister dans les espaces publics comme tout autre enfant.

Nous réclamons une étude claire sur les disparités territoriales à faire valoir des lois qui existent, comme le changement de prénom que certaines familles se voient refuser sous des prétextes clairement transphobes et discriminatoires. Là aussi c’est notre vécu.

Les enfants transgenres existent et ils ont toujours existé. Ce qui est nouveau, c’est que nous, parents, sommes aujourd’hui prêts à les écouter et à les accompagner, à leur rythme et quel que soit leur cheminement, pour qu’ils vivent heureux et sereins en accord avec leur autodétermination de genre.

Nous souhaitons le faire, en France, dans un pays égalitaire qui condamne la transphobie. Nous ne cacherons pas nos enfants.

Premiers signataires :

Maryse Rizza présidente du collectif Grandir Trans Céline Leblond, Emilie Diné Renaudin, Nathan et Rozenn, Sonia et Rémi Becquet, Chrystelle et Guillaume Vincent, Delphine Verri parents concernés et membres de Grandir Trans Paul B. Preciado philosophe Virginie Despentes écrivaine et proche concernée Agnès Condat pédopsychiatre et membre de Trajectoire Jeune Trans Jean Chambry pédopsychiatre et membre du Centre intersectoriel d’accueil pour adolescent Serge Hefez pédopsychiatre, AP-HP Nicolas Mendes psychologue clinicien, AP-HP François Medjkane pédopsychiatre, chef du pôle interdisciplinaire pour les mineurs transgenres, CHU de Lille Trans Santé France association OUTrans association

Liste à retrouver en intégralité ici.

(1) Haute Autorité de santé. Recommander les bonnes pratiques- Note de cadrage. Parcours de transition des personnes transgenres.


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