blogspot counter

Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

vendredi 9 octobre 2020

Après la suppression de l’ISF, les revenus des 0,1 % les plus riches ont explosé en France

Un rapport sur les effets des réformes Macron sur le capital fait ce constat, alors que le gouvernement cherche à convaincre de l’intérêt de nouvelles mesures proentreprises.

Par  Publié le 8 octobre 2020

C’est un rapport hautement inflammable, à l’heure où l’épidémie de Covid-19 fait basculer de plus en plus de ménages modestes dans la pauvreté et où l’exécutif assume de donner la priorité à des mesures proentreprises dans son plan de relance pour doper l’économie et l’emploi. La suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) et l’instauration de la « flat tax » au début du quinquennat ont eu pour effet de faire fortement augmenter les revenus des 0,1 % des Français les plus aisés, tandis que la distribution de dividendes, de plus en plus concentrée, a explosé.

Ce sont les conclusions qui ressortent du deuxième rapport du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité, publié jeudi 8 octobre. Réalisé sous l’égide de France Stratégie, l’organisme d’évaluation et de prospective rattaché à Matignon, ce travail d’économistes, de députés, de représentants de l’Insee, du Trésor, ou encore du Medef et de la CFDT est la suite d’un premier document, il y a un an.

Celui-ci peinait à conclure sur l’efficacité des réformes-phares du quinquennat en matière de fiscalité du capital : la suppression, depuis le 1er janvier 2018, de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), transformé en impôt sur la fortune immobilière (IFI), et la création d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU, « flat tax ») de 30 % sur les revenus du capital. Deux mesures visant initialement à « favoriser la croissance de notre tissu d’entreprises, stimuler l’investissement et l’innovation », selon la lettre de mission de Matignon au comité, en décembre 2018.

Hausse de 60 % des dividendes distribués

Si ce deuxième rapport précise de nouveau qu’une évaluation complète des deux réformes reste impossible – il s’est appuyé principalement sur des données de l’année 2018 –, les informations qu’il fournit sont plus précises. Les dividendes distribués ont augmenté de plus de 60 % en 2018, passant de 14,3 milliards d’euros en 2017 à 23,2 milliards, « et la hausse se poursuit en 2019 », expliquent les auteurs de l’étude.

De plus, « l’augmentation des dividendes est de plus en plus concentrée dans la population » : en 2018, 0,1 % des foyers fiscaux (38 000 personnes environ) ont perçu les deux tiers des montants totaux, alors qu’ils n’en recevaient que la moitié en 2017. Et les ultrariches (0,01 % des foyers fiscaux, 3 800 personnes environ) qui en captaient un cinquième, en ont reçu le tiers.

Toute la question est de savoir ce que ces Français très aisés ont fait et feront de cet argent : l’épargner, le dépenser, l’investir dans l’économie ?

Si l’on s’intéresse aux revenus, « les 0,1 % de Français les plus aisés sont un quart de fois plus riches que les 0,1 % de 2017 », souligne France Stratégie. « Plusieurs éléments laissent clairement penser que la forte hausse des dividendes reçus par les ménages en 2018 est en partie causée par la réforme du PFU », insiste le rapport.

Sur l’exil fiscal, que la réforme de 2018 cherchait à endiguer, le rapport livre des conclusions « prudentes » : certes, le nombre de départs hors de France des contribuables aisés a baissé dès 2017 et l’annonce des intentions du gouvernement, et le nombre de retours dans l’Hexagone a tendance à s’intensifier. Mais les comparaisons sont rendues délicates par le changement de périmètre (l’IFI a entre-temps remplacé l’ISF).

Toute la question est de savoir ce que ces Français très aisés ont fait et feront de cet argent : l’épargner, le dépenser, l’investir dans l’économie ? Là encore, les données actuellement à la disposition du comité ne leur permettent pas de trancher. Mais ils ont, en parallèle, étudié une autre réforme de la fiscalité, plus ancienne et « inverse » : celle de 2013.

A l’époque, la présidence de François Hollande avait impulsé le mouvement contraire : les revenus du capital avaient été alignés sur le barème de l’impôt sur le revenu, donc globalement, davantage taxés. « Pour l’heure, le comité est incapable de répondre par oui ou par non à la question de savoir si la réforme de 2018 a eu un impact positif sur l’économie. Mais en étudiant la réforme symétrique de 2013, on ne voit pas d’impact sur l’investissement des entreprises », assène Fabrice Lenglart, le président du ­comité d’évaluation.

Davantage de recettes fiscales

Une sacrée pierre dans le jardin de Bercy et des tenants de la politique de l’offre, selon laquelle soutenir massivement les entreprises permet de doper in fine la croissance et l’emploi. Or, c’est précisément la ligne de conduite actuelle du gouvernement, qui a prévu dans son plan de relance de 100 milliards d’euros de baisser de 20 milliards les impôts de production des entreprises.

« Ces réformes ont permis de rapprocher la taxation des revenus du capital des standards internationaux. Elles s’inscrivent bien dans l’action du gouvernement pour améliorer la compétitivité française et l’investissement », soutient Bercy. « L’effet sur l’emploi prendra du temps à se matérialiser mais à moyen terme, il bénéficiera à l’ensemble de la population, en créant de l’investissement et de l’emploi », assure le cabinet du ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire.

Autre argument : « Les foyers les plus riches ont été concernés par la plus grande partie de la hausse des dividendes, mais auparavant ces derniers n’étaient tout simplement plus versés [car trop taxés]. Donc soit ils étaient thésaurisés dans des sociétés holding, soit ils induisaient des comportements d’optimisation », argue-t-on à Bercy.

Le rapport note en effet une hausse des consommations intermédiaires des entreprises, « ce qui correspond probablement à des frais des dirigeants échappant à tout impôt », explique le ministère. La hausse des dividendes a ainsi permis davantage de recettes fiscales, si bien que sur un coût budgétaire attendu à 1,1 milliard d’euros, ce sont environ 500 millions qui sont finalement rentrés, par ricochet, dans les caisses de l’Etat.

« La proposition de campagne de LRM [La République en marche] était d’inciter à l’investissement en France en sortant les biens productifs de l’ISF. Réintégrons les comptes bancaires et les assurances-vie (non investies directement en actions) dans l’assiette de l’IFI. Ce ne sont pas des biens productifs. Leur exonération n’incite en rien à l’investissement dans l’économie réelle », a réagi la députée Ecologie Démocratie Solidarité (ex-LRM) de la Meuse Emilie Cariou, qui a déposé un amendement au budget en ce sens.

Lors de sa conférence de presse post-grand débat national, le 25 avril 2019, Emmanuel Macron avait déclaré : « Cette réforme (…) sera évaluée en 2020 et, (…) si elle n’est pas efficace, nous la corrigerons. » Un an et demi et deux rapports d’évaluation plus tard, le discours a changé. « Il n’est pas question dans le contexte de crise actuelle de revenir à une instabilité fiscale nuisible ni d’augmenter les impôts, qui ont baissé de 45 milliards d’euros pour les ménages et les entreprises depuis le début du quinquennat », répond Bercy.



Aucun commentaire: