Selon une étude de la Banque mondiale, publiée mercredi, « de nombreux pays connaissent une chute des revenus du travail d’une magnitude jusqu’ici rarement observée ».
Pour la première fois depuis près d’un quart de siècle, l’extrême pauvreté va augmenter dans le monde. Selon un rapport de la Banque mondiale publié mercredi 7 octobre, la crise liée au Covid-19 va faire basculer, d’ici à la fin de 2021, jusqu’à 150 millions de personnes sous le seuil d’extrême pauvreté, fixé à 1,90 dollar (1,61 euro) par jour. Celle-ci devrait toucher entre 9,1 % et 9,4 % de la population mondiale en 2020.
Dans les pays sans filets sociaux, et dont l’économie est dominée par le secteur informel, la perte d’un emploi se traduit par une perte des ressources qui mène tout droit les plus fragiles, souvent sans épargne, vers la pauvreté. Avec une chute de l’économie mondiale, qui devrait atteindre les 5,2 % en 2020, et la destruction attendue de 195 millions d’emplois au second semestre, selon l’Organisation internationale du travail (OIT), la Banque mondiale souligne que « de nombreux pays connaissent une chute des revenus du travail d’une magnitude jusqu’ici rarement observée ». Par exemple, 42 % des Nigérians interrogés par des économistes de l’institution disent avoir perdu leur emploi à cause de la pandémie, et 80 % déclarent avoir enregistré une baisse de leurs revenus.
La pauvreté ne se résume pas au seul revenu. Elle se mesure aussi par la privation d’école, de services de soin, de nourriture ou d’accès à Internet. La crise liée au Covid-19 frappe les plus fragiles dans tous les aspects de la vie quotidienne, les enfermant plus que jamais dans le piège de la pauvreté. « Les plus vulnérables dépendent de l’accès aux services publics, explique Carolina Sanchez, l’une des autrices du rapport, or ces services publics se sont retrouvés saturés ou hors d’état de fonctionner avec la pandémie de Covid-19. » Les conséquences peuvent être dramatiques sur le long terme.
La mortalité infantile pourrait augmenter de 45 %
A la fin août, près de 1 milliard d’enfants étaient touchés par la fermeture de leurs écoles. « Or les familles pauvres n’ont bien souvent ni le temps, ni les ressources, ni la place pour prendre en charge leur apprentissage », constate la Banque mondiale. La saturation des systèmes de soin, entraînée par la pandémie, pourrait augmenter de 45 % la mortalité infantile.
La grande majorité des « nouveaux pauvres » ne sont pas originaires des pays pauvres : 82 % d’entre eux vivent dans des pays à revenu intermédiaire, comme l’Inde, le Kenya ou le Laos. Les régions les plus touchées sont l’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud. Ils sont aussi plus urbains, mieux éduqués et moins nombreux à travailler dans l’agriculture, par rapport à ceux qui vivaient dans l’extrême pauvreté avant le Covid-19, explique la Banque mondiale dans son rapport. Ils travaillent majoritairement dans le secteur des services en Indonésie et au Nigeria, ou dans le commerce de gros et de détail en Afrique du Sud.
Deux risques : les conflits armés et le réchauffement climatique
Comment, dès lors, identifier ces nouveaux profils et leur venir en aide, alors qu’ils n’étaient jusqu’ici bénéficiaires d’aucun programme social ou alimentaire ? Avec des « solutions innovantes », pour recenser les bénéficiaires et acheminer l’aide, se contente de répondre la Banque mondiale. Plusieurs économistes du laboratoire d’action contre la pauvreté J-Pal, fondé par le Massachusetts Institute of Technology de Boston, appellent les gouvernements à privilégier les transferts d’argent et le paiement mobile. « Le déboursement d’espèces est rapide, il peut être effectué à distance, et il donne aux foyers la souplesse d’acheter ce dont ils ont besoin », écrivent Alison Fahey, Dean Karlan et Nathanael Goldberg. « Les paiements par mobile sont l’option la plus facile et la moins coûteuse, poursuivent les économistes du J-Pal, plusieurs études montrent que son utilisation a réduit la pauvreté. »
Alors que l’attention du monde se concentre sur la pandémie de Covid-19, la Banque mondiale s’inquiète de deux autres risques majeurs : les conflits armés et le réchauffement climatique. Ces deux phénomènes ont d’ailleurs ralenti le rythme de réduction de la pauvreté au cours des trois années précédant la pandémie. Les conflits en Syrie et au Yémen ont fait doubler le taux de pauvreté au Moyen-Orient et en Afrique du Nord entre 2015 et 2018. Le réchauffement climatique pourrait faire tomber près de 130 millions d’habitants sous le seuil de pauvreté d’ici à 2030. « La conjonction de la pandémie, du poids des conflits et des dérèglements climatiques mettra hors de portée l’objectif visant à mettre fin à la pauvreté d’ici à 2030 », avertit la Banque mondiale, qui appelle à prendre des « mesures rapides, significatives et solides ».
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