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vendredi 9 octobre 2020

Covid-19 : la consommation de médicaments fortement modifiée pendant le confinement… et après

Un rapport d’Epi-Phare portant sur 3 milliards de prescriptions (sur trois ans) reflète l’évolution des actes médicaux entre mars et septembre et laisse notamment redouter une hausse des cancers.

Par  Publié le 9 octobre 2020

D’une façon générale, presque tous les médicaments dont l’administration nécessite le recours à un professionnel de santé ont baissé.

Les périodes de confinement et de postconfinement ont fortement modifié la consommation des médicaments des Français. C’est ce qui ressort d’un rapport rendu public, vendredi 9 octobre, par le groupement d’intérêt scientifique (GIS) Epi-Phare, constitué par la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), le quatrième sur ce thème. Ces données portent sur les médicaments remboursés, délivrés sur ordonnance, en pharmacie d’officine, pendant les huit semaines du confinement, du 16 mars au 10 mai, puis jusqu’au 13 septembre, soit un suivi de six mois de l’ensemble de la population française à partir de 3 milliards de prescriptions. Au total, ce sont cinquante-huit classes thérapeutiques qui ont été examinées.

D’une façon générale, presque tous les médicaments dont l’administration nécessite le recours à un professionnel de santé ont baissé, fortement pendant le confinement puis moins ensuite, ce qui fait craindre des retards de prises en charge. En revanche, certaines molécules ont augmenté. Passage en revue.

Les psychotropes, tels les anxiolytiques de type Xanax, Lexomil, Valium, ont progressé (+ 1,1 million de traitements délivrés en six mois par rapport à l’attendu), tout comme les hypnotiques (couramment appelés somnifères), dont 480 000 traitements supplémentaires ont été délivrés. « L’augmentation, d’environ 5 %, reste toutefois modérée pour les anxiolytiques », tempère Mahmoud Zureik, directeur d’Epi-Phare et professeur d’épidémiologie à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, qui souligne toutefois que « la France reste très consommatrice des benzodiazépines, pour traiter l’anxiété, des troubles sévères du sommeil, etc., avec des prescriptions bien trop élevées chez les personnes âgées ».

« L’impact psychologique important de l’épidémie »

Risques accrus de chômage, inquiétudes pour soi et ses proches, confinement, isolement des personnes âgées, décès… le recours accru à ces classes de molécules « reflète probablement l’impact psychologique important de l’épidémie de Covid-19 et de ses conséquences sociales, professionnelles et économiques », note le rapport.

« Inévitablement, les besoins de prise en charge en santé mentale vont augmenter dans les semaines et mois à venir », selon Marion Leboyer, directrice de la fondation FondaMental

En revanche, les antidépresseurs n’ont que très peu augmenté, mais « ces chiffres peuvent ne pas refléter exactement la réalité, des personnes ne sont peut-être pas traitées, bien qu’elles en aient besoin », observe Mahmoud Zureik. « Inévitablement, les besoins de prise en charge en santé mentale vont augmenter dans les semaines et mois à venir et la France n’est pas armée pour y faire face », a de son côté souligné la professeure Marion Leboyer, directrice de la fondation FondaMental, psychiatre à l’hôpital Henri-Mondor et directrice d’un laboratoire de recherche de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), à l’occasion de la Journée de la santé mentale, le 10 octobre.

Certes, l’accès au traitement pour les patients connus et déjà traités pour les maladies chroniques semble avoir été globalement maintenu, grâce à un stockage des produits en début de confinement et à un renouvellement des médicaments – possible à l’aide d’ordonnances périmées et au recours aux téléconsultations, notamment pour le diabète ou les maladies cardio-vasculaires. En effet, selon ces données, les actes de médecine générale ont diminué d’environ 40 % et de 70 % en médecine de spécialité durant le confinement.

Mais ces chiffres montrent un nombre de débuts de traitements chroniques en forte baisse par rapport aux années précédentes, sur une période de six mois de la mi-mars à la mi-septembre, et cela pour les statines (anticholestérols, − 10 %), le furosémide (diurétique) prescrit dans l’insuffisance cardiaque ou rénale (− 12 %), les anticoagulants (− 18 %), probablement en raison du report de nombreuses interventions chirurgicales nécessitant ce type de traitement. En revanche, « la baisse de l’instauration de l’insuline ( 2 %) et des antihypertenseurs en général (− 4 %) par rapport à l’année précédente était faible », souligne le rapport.

« Chaque chiffre ou tendance est à manier avec précaution »

Parallèlement, plusieurs classes thérapeutiques usuelles ont subi un effondrement : les corticothérapies orales (utilisées dans de nombreuses affections aiguës ou chroniques), avec 3,6 millions de traitements de moins délivrés, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS, déconseillés avec le Covid) avec 7,2 millions de délivrances en moins, les antiulcéreux de type inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), utilisés pour soigner le reflux gastro-œsophagien chez les enfants, en association aux AINS pour protéger l’estomac, avec 2,8 millions de délivrances en moins. « La consommation des IPP reste toutefois très élevée en France, avec près d’un Français sur quatre qui y a recours, soit environ 18 millions de prescriptions, loin d’être toutes nécessaires », explique Mahmoud Zureik.

Attention, prévient le spécialiste, « chaque chiffre ou tendance est à manier avec précaution. Il s’agit là d’une photographie, qui soulève de nombreuses questions à moyen et long termes sur l’évolution des pathologies et le suivi des soins ». De même, difficile de savoir, avec ces données, si le patient a ou non commencé son traitement.

« L’effondrement des délivrances de produits pour des scanners, IRM et coloscopies constitue une vraie rupture », constate Mahmoud Zureik, directeur d’Epi-Phare

Point préoccupant, qui concerne les produits pour les actes diagnostiques : « L’effondrement des délivrances de produits pour des scanners, IRM et coloscopies, constitue une vraie rupture », constate Mahmoud Zureik. Les chiffres sont parlants : à la mi-septembre, une baisse d’environ 38 % est constatée pour les préparations pour coloscopie (− 250 000), un recul d’environ 42 % de produits iodés pour scanner (− 500 000), et de 36 % (− 280 000) pour les produits de contraste pour IRM. Un constat sur toute la France. « La chute de ces trois derniers actes indispensables pour diagnostiquer et suivre certains cancers ou maladies graves n’a, à ce stade, pas été compensée et n’est pas rattrapable, car cela nécessite une forte organisation des soins », poursuit M. Zureik. Plusieurs études et voix alertent sur les retards de diagnostic et de prise en charge dans le domaine du cancer, faisant craindre des milliers de décès.

Quant aux vaccins, un retard important est à noter à la mi-septembre, pour les vaccins penta et hexavalents (diphtérie, tétanos, poliomyélite, coqueluche, méningite à Haemophilus influenzae de type B, hépatite B) pour nourrissons (− 40 000 doses), les vaccins anti-HPV (− 150 000 doses), le vaccin ROR (rougeole-oreillons-rubéole, − 130 000 doses), et le vaccin antitétanique (− 620 000 doses). La Haute Autorité de santé avait lancé un appel en juin pour rattraper la vaccination des nourrissons et « des adultes qui ont des maladies chroniques, des fragilités particulières ».

Du côté des bonnes nouvelles, la baisse sensible des antibiotiques, qui atteint même 75 % chez les enfants pendant le confinement. Une baisse qui a perduré. « Les interactions sociales ont baissé, même après le confinement, les agents infectieux, hors SARS-CoV-2, ont vraisemblablement moins circulé, en raison des fermetures des écoles, des crèches, des transports moins fréquentés, des gestes barrières », explique Mahmoud Zureik. Il y a eu 4,125 millions de moins de délivrances d’antibiotiques.

Il reste à mesurer les conséquences de ces modifications, parfois importantes, de prises de médicaments, et leurs incidences sur l’évolution des maladies chroniques.




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