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Le Ministre de la Santé Olivier Véran à l'Assemblée
Nationale le 29 septembre.
Photo Alain Jocard. AFP
Le texte, dont la principale disposition portait sur l’allongement de douze à quatorze semaines le délai pour avorter, a été adopté en première lecture. Les députés LREM l'ont en majorité soutenue.
Ils se sont, pour une fois, passés de l’onction du gouvernement. Les députés LREM ont en majorité voté en première lecture, ce jeudi, une proposition de loi du groupe Ecologie démocratie solidarité (EDS) «visant à renforcer le droit à l’avortement». Le texte, dont la principale disposition portait sur l’allongement de douze à quatorze semaines de l’accès à l’IVG a été adopté à 86 voix pour, 59 députés ayant voté contre. Les députés LREM présents l'ont en majorité soutenu: 48 ont voté pour, 10 contre et quatre se sont abstenus.
Ces derniers jours, le chef du gouvernement avait pourtant montré en coulisse des signes de réticence sur cette mesure. Question de méthode et de calendrier, assure-t-on à Matignon et au ministère de la Santé où l’on avance que le sujet, délicat, ne peut être traité par une proposition de loi, à l’occasion d’une niche parlementaire (journée où un groupe choisit d’inscrire ses textes à l’agenda) et mérite un débat plus long.
«Avis de sagesse»
Au banc du gouvernement, Olivier Véran marche sur des œufs : «La discussion que nous engageons est nécessaire car il est question d’un droit fondamental et de sa possible évolution.» Mais tout en vantant le rapport «remarquable» remis en septembre par la délégation aux droits des femmes – où siègent 17 députés LREM – sur le même sujet, le ministre estime ne pas pouvoir, «en conscience, considérer que nous disposions de tous les éléments pour prendre une telle décision aujourd’hui». Il juge notamment problématique de ne pas avoir «consulté les instances installées par l’Etat pour éclairer les politiques publiques», comme le comité consultatif national d’éthique. Véran, qui a donc lui-même saisi le CCNE vendredi, a donné un «avis de sagesse» sur l’allongement du délai d’accès à l’IVG – ni favorable, ni défavorable. «Je ne vous parle pas sur le fond», promet-il, même si le ministre a aussi émis des objections comme le risque de peiner à recruter des gynécologues pour pratiquer cet acte à quatorze semaines de grossesse.
L’argument d’un débat trop vite mené a été aussitôt repris par les opposants à la proposition de loi, à droite - qui a fait traîner les débats à l'excès - mais aussi par le patron du groupe Modem, Patrick Mignola : «Certaines initiatives politiques peuvent desservir les luttes qu’elles entendent poursuivre.» Mais il a aussi beaucoup agacé dans les rangs LREM où l’on défend le travail de longue haleine mené par la délégation aux droits des femmes (DDF). «Dire que le débat est escamoté… soupire une députée. On est à l’Assemblée nationale et il y a eu une réflexion conséquente au préalable.» Marie-Pierre Rixain, présidente de la DDF, rappelle que celle-ci «a travaillé dix-huit mois sur ce sujet : c’est le rapport qui a pris le plus de temps, suscité le plus d’auditions». Rapport qui préconisait aussi d’autoriser l’IVG jusqu’à quatorze semaines de grossesse. Sur la saisine du CCNE, elle rétorque qu’«aujourd’hui, l’IVG n’est pas une question d’éthique mais de droit des femmes». La députée a, dans la foulée, fait voter un amendement contre l’avis du gouvernement. «Le travail transpartisan mené sur ce texte est un signal important, cette proposition de loi n’est pas celle d’un groupe mais de tous les députés qui défendent les droits des femmes», abonde la rapporteure EDS (ex-LREM) Albane Gaillot.
Chemin encore long
La séance suspendue, le chef de file LREM, Christophe Castaner, a rappelé ses troupes à l’ordre, jugeant que vu la sensibilité du sujet, mieux valait s’en tenir à la «ligne de crête» fixée par le groupe et ne pas verser dans «les effets de tribune». Prière de ne pas trop s’émanciper non plus.
En quête depuis des mois de «victoires politiques» à décrocher, habitués à subir les initiatives de l’opposition, certains sont, eux, contents de marquer le coup. «On a des valeurs sur lesquelles on ne transige pas», pavoise une élue. «Le gouvernement nous demande au fond d’assumer notre responsabilité de législateur, nuance Guillaume Gouffier-Cha. Ce que nous faisons.» Pour Aurore Bergé, «il n’y a pas de défiance vis-à-vis du gouvernement. C’est un sujet qu’on aurait porté nous-mêmes. Puisque nous sommes en accord sur le fond avec ce texte, on ne va pas s’interdire de le voter parce qu’il ne vient pas de nous.» «C’est le signe que quand on donne aux marcheurs la possibilité de se prononcer sur des lois progressistes, ils les votent», soutient Guillaume Chiche qui a quitté le groupe pour EDS en mai.
Mardi, c’est sur le projet de loi réautorisant temporairement les néonicotinoïdes pour la betterave qu’un certain nombre de marcheurs n’ont pas suivi le gouvernement (32 voix contre, 36 abstentions).
Le chemin est encore long pour la proposition de loi sur l’IVG qui doit encore trouver un créneau dans l’agenda du Sénat où le groupe PS pourrait prendre la relève. On verra ensuite quel groupe l’inscrit à l’Assemblée nationale. Et si les députés En marche sont alors prêts à prendre cette initiative.
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