Le numéro de « Pièces à conviction » consacré aux unités de soins psychiatriques est suivi d’un débat avec la ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn.
France 3, mercredi 10 avril à 21 heures, documentaire
Dépressif, bipolaire, schizophrène, autiste… un Français sur trois sera un jour dans sa vie atteint de maladie mentale, soit 2 millions de personnes soignées chaque année, pour un coût évalué à 80 milliards d’euros. Le sujet concerne donc tout le monde. Or, la psychiatrie, parent pauvre d’un secteur médical déjà en difficulté, va mal – un état de fait régulièrement dénoncé. France 3 y consacre ainsi son magazine « Pièces à conviction », intitulé « Psychiatrie, le grand naufrage ».
Le documentaire détaille le quotidien des malades contraints de vivre chez eux, à la charge des familles, dans des conditions précaires. Une mère explique ainsi, d’une voix douce et aimante, à son fils schizophrène de 13 ans qu’il est inutile de réparer les portes défoncées, puisqu’il va les casser de nouveau.
Un médecin chef à l’UMD de Saint-Etienne-du-Rouvray : « La société n’est pas prête à revoir certains de nos patients »
D’autres patients doivent trouver un établissement d’accueil. « Pièces à conviction » s’est ainsi rendu à l’unité pour malade difficile (UMD) de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime). Une structure modèle, dont 50 % des patients sont des criminels. « Moi, explique un des pensionnaires, je voulais tuer les gens pour les protéger. J’ai tué ma compagne. A l’époque, ma logique tenait la route. »« La société n’est pas prête à revoir certains de nos patients », commente, lucide, la médecin chef.
D’autres hôpitaux sont dénoncés pour leurs défaillances, comme à Rennes, où un journaliste s’est infiltré comme agent chargé de l’entretien. Une méthode éthiquement contestable mais efficace. Le jeune homme y filme la « vie » des malades placés à l’isolement, certains depuis plusieurs années, dans 5 mètres carrés, parfois attachés. Il découvre également un trafic de drogue, ce qui n’a l’air d’étonner personne.
Partout, le manque de moyens est dénoncé, qui peut s’expliquer en partie par le fait que le nombre de malades soignés en psychiatrie a doublé en dix ans. Les 40 millions d’euros promis par l’actuelle ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, n’ont apaisé ni les familles ni les soignants. Les mouvements de contestation se succèdent, le plus médiatisé ayant été celui de « Perchés », de l’hôpital psychiatrique du Havre (Seine-Maritime), où s’est rendu aussi « Pièces à conviction ».
« Vingt ans de retard »
Le dernier dossier abordé dans le documentaire interroge. On y voit six patients de l’hôpital psychiatrique d’Amiens être transférés vers un établissement belge, encore partiellement en travaux. Une pratique courante, régie par l’accord-cadre France-Wallonie de 2011.
Une représentante du centre d’accueil belge concerné (floutée) n’y va pas de main morte avec le système psychiatrique français : « On a l’impression que vous avez vingt ans de retard (...). Vous n’avez rien. » Puis, et c’est là que cela devient intéressant, elle détaille comment « sa » structure d’accueil s’en sort financièrement, grâce aux patients français, dont le séjour est payé (par la Sécurité sociale et par les départements) 180 euros par jour, contre 30 à 35 euros par jour pour un patient belge. Conséquence, « pour dix Français, on prend un Belge. » C’est donc le système français qui paye ce type d’établissement belge – 203 sont ainsi disséminés le long de la frontière.
Question : pourquoi ces centres ne sont-ils pas construits en France ? Un manque à gagner pour l’Hexagone qui, n’en doutons pas, sera abordé lors du débat « Comment sauver la psychiatrie ? » de seconde partie de soirée, et animé par Virna Sacchi, qui reçoit, entre autres, la ministre Agnès Buzyn.
« Psychiatrie : le grand naufrage », de Raphaël Tresanini (France, 2019, 95 min), suivi du débat « Comment sauver la psychiatrie ? » (55 min). www.france.tv/france-3/pieces-a-conviction/
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