La NASA a comparé Scott Kelly, qui a séjourné à bord de la Station spatiale internationale, à son frère Mark. Des observations qui confirment les risques liés à l’exploration spatiale.
Un homme sur Terre, et son frère jumeau dans la Station spatiale internationale (ISS) : deux cobayes, un protocole expérimental idéal pour étudier les conséquences sur l’organisme d’un séjour prolongé de près d’un an dans l’espace.
L’expérience, baptisée « Twins Study », a débuté en 2015 sous l’égide de la NASA. Les résultats ont fait l’objet, jeudi 11 avril, d’une publication cosignée par dix équipes et plus de 80 chercheurs dans la revue Science.
Elle constitue une occasion unique d’étudier deux personnes qui ont les mêmes gènes, mais dans des environnements différents. Scott Kelly, alors âgé de 50 ans, a vécu trois cent quarante jours à bord de l’ISS, tandis que son frère, Mark, qui fait office de « patient contrôle », est resté sur le plancher des vaches.
Les scientifiques ont récolté, avant, pendant, et après la mission, des échantillons auprès des deux frères afin de déterminer le devenir d’une foule de paramètres génétiques, biologiques, physiologiques et cognitifs, et de les comparer entre les deux cobayes. Ils ont observé une multitude de modifications – la plupart réversibles – survenues chez Scott Kelly, qu’ils ont classées selon les risques associés.
Aberrations chromosomiques
Les plus inoffensives (perte de densité osseuse, de masse musculaire, etc.) sont bien connues. Les plus inquiétantes concernent les risques associés aux radiations ionisantes des rayonnements cosmiques. Si sur Terre les humains en sont en partie protégés (l’atmosphère jouant le rôle de bouclier), ce n’est pas le cas dans l’espace.
Or les chercheurs ont remarqué chez Scott Kelly l’apparition, à une fréquence plus élevée que chez son frère, d’aberrations chromosomiques (des réarrangements ou des destructions de tronçons de chromosomes, potentiellement cancérigènes), typiquement associées aux irradiations. Celles-ci se sont maintenues à son retour sur Terre.
« Dans l’optique d’une mission vers Mars, il faudra équiper les astronautes de protections supplémentaires, les radiations dans l’espace profond étant encore plus dangereuses que celles au niveau de l’ISS, à seulement 400 kilomètres d’altitude », prévient Volker Gass, directeur du Swiss Space Center à Lausanne (Suisse).
Le plus curieux reste sans conteste que les télomères de Scott Kelly, des régions non codantes de l’ADN qui forment des « capuchons » protecteurs aux extrémités des chromosomes, se sont allongés durant son séjour. Or leur raccourcissement est habituellement associé à des stress cellulaires et à des risques plus élevés de maladies liées à l’âge. « On pensait que l’ISS serait propice au raccourcissement des télomères, c’est une vraie surprise », a commenté, lors d’un point presse, Susan Bailey, de l’université d’Etat du Colorado. De retour sur Terre, la plupart sont revenus à leur taille initiale. Scott Kelly possède cependant désormais plus de télomères courts qu’avant la mission. Sur ce volet, les scientifiques n’ont aucune explication.
Modifications épigénétiques
Outre ces bizarreries, certaines de ses cellules sanguines ont subi des modifications épigénétiques, les « interrupteurs », qui dictent si les gènes sont allumés ou éteints. Dans l’ensemble, il y en a eu à peu près autant chez les deux frères. Celles-ci n’ont néanmoins pas eu lieu dans les mêmes régions. Ce sont les gènes impliqués dans les réponses immunitaires qui ont été activés chez Scott. Une observation qui en corrobore une autre : l’astronaute avait dans son sang beaucoup plus de marqueurs biologiques de l’inflammation que son jumeau.
Autre enseignement, « les réactions immunitaires spécifiques restent fonctionnelles », glisse Emmanuel Mignot, un des signataires rattaché à l’université Stanford, qui a participé à une expérience consistant à évaluer la vaccination de Scott Kelly contre la grippe. Le corps garde donc ses capacités défensives face à un pathogène tel qu’un virus. Tant mieux : on imagine sans peine les effets d’une grippe foudroyante lors d’un voyage spatial d’un an…
Les Terriens sont-ils aptes à s’élancer vers l’infini de l’espace ? « Cette étude montre bien que le corps humain s’adapte à son environnement, mais n’oublions pas qu’elle n’a examiné qu’un seul sujet non représentatif de la population », commente Volker Gass.
La « Twins Study » constitue un socle qui permettra de mieux évaluer les risques les plus importants qui pèseront sur les astronautes avant un hypothétique voyage vers Mars. La route est encore longue.
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