Le Fonds des Nations unies pour la population détaille, dans son rapport annuel, les inégalités d’accès aux droits dont les femmes sont victimes en matière de procréation et de sexualité.
Des millions de femmes, aujourd’hui encore, n’ont pas accès aux méthodes contraceptives modernes et leurs droits sexuels et reproductifs ne sont pas pleinement garantis. C’est ce que révèle le rapport annuel du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) présenté mercredi 10 avril.
« Aujourd’hui encore, 214 millions de femmes souhaitent éviter une grossesse mais ne disposent pas de méthode de contraception moderne. Chaque jour, plus de 800 femmes décèdent de causes évitables pendant la grossesse ou l’accouchement », précise le texte.
Depuis 1994, date de la Conférence internationale sur la population et le développement au Caire, les améliorations en termes de respect des droits et des choix individuels mais aussi d’accès à la santé sexuelle et reproductive sont incontestables. Au niveau mondial, le ratio de mortalité maternelle a ainsi diminué de près de 44 %, depuis les années 1990.
Ces avancées restent toutefois disparates. Le rapport annuel de l’UNFPA, intitulé « Une tâche inachevée », s’attarde sur les nombreux obstacles auxquels sont confrontées les femmes dans leur choix d’enfanter ou non, avec un partenaire choisi et à un moment défini de leur existence. « Nos analyses ont démontré que malgré les progrès, une catégorie reste toujours derrière, ce sont les femmes, rappelle Benoît Kalasa, directeur à l’UNFPA.
Stigmatisation des femmes rurales
Premier point noir selon le rapport, l’accessibilité géographique et économique aux soins et à l’information. Pour des centaines de milliers de femmes, la perspective de s’absenter de leur domicile ou de leur lieu de travail pour réaliser un voyage parfois long et coûteux est un véritable frein. Les habitantes des régions rurales sont les plus touchées, moins de la moitié d’entre elles accouchent en présence de personnel qualifié dans les pays en développement. En ville, elles sont plus de quatre femmes sur cinq à bénéficier de ce service.
Autre critère pénalisant, la pauvreté. Dans les pays en développement, l’UNFPA estime ainsi que seulement 34 % des besoins de planification familiale sont satisfaits au sein de la frange de la population la plus défavorisée.
Ces inégalités sont également visibles à l’échelle mondiale. Dans les pays les plus avancés, parmi la population la moins aisée, 98 % des accouchements se déroulent avec l’aide de personnel médical. Ce taux tombe à 36 % dans les pays en développement.
Une situation alarmante qui s’explique en partie par le manque de professionnels de santé, estimé à l’échelle mondiale à 7,2 millions d’agents par l’UNFPA. Les moyens de contraception, tels que la pilule, ne sont également pas toujours disponibles. Et quand ils le sont, les femmes se voient souvent offrir une possibilité unique. « En Inde, pendant longtemps, la seule contraception proposée était la stérilisation », note Benoît Kalasa. Une absence de financements, de personnel et d’informations, qui prive les femmes de véritables choix.
L’accès à l’avortement et à la pilule se voit également opposer des convictions morales ou des croyances religieuses. « Par exemple, des services peuvent être proposés dans un centre de planification familiale de proximité, mais un prestataire de services moralisateur peut refuser de fournir des contraceptifs à une adolescente ou à une femme non mariée », analyse le rapport de l’UNFPA. « Les inégalités de genre sont ancrées dans les normes sociales, déplore Benoît Kalasa. Nous faisons face à des cultures ou des religions qui disent qu’une fille ne peut pas aller à l’école, qu’elle doit se marier ou subir des mutilations génitales, qu’elle ne peut pas être actrice de ses droits. » Les restrictions auxquelles font face les femmes perpétuent et renforcent à leur tour les inégalités de sexe.
La peur de l’isolement
Une vérité particulièrement flagrante dans le cas des mariages des mineurs. L’UNFPA estime que 800 millions de femmes en vie aujourd’hui auraient été mariées pendant l’enfance. Elles ont alors moins de chances de poursuivre une scolarité et de sortir seule de chez elle. Elles sont aussi plus souvent exposées à la violence sexiste. Ces jeunes femmes tombent enceintes trop tôt, ce qui les expose davantage au risque de développer des maladies et d’être exclues de leur communauté.
La peur du jugement et du rejet éloignent des services de santé les adolescentes, les femmes célibataires, les personnes handicapées ou encore les victimes de viols. Elles sont pourtant celles a en avoir le plus besoin. « Si une femme est violée, il y a un risque de grossesse, mais également de maladies sexuelles transmissibles », rappelle Benoît Kalasa.
Un isolement amplifié par les lois restrictives de certains pays sur la prostitution, la consommation de drogues et les relations homosexuelles. En 2017, plus de 40 pays disposaient toujours de lois pénalisant les rapports entre les personnes de même sexe, dénombre le rapport.
La multiplication des conflits et des catastrophes naturelles aggrave la situation des femmes : les services de santé en pâtissent, et elles moins protégées des agressions sexuelles. Pour Benoît Kalasa, il faut consolider les systèmes de santé en amont des temps de crise : « Dans le Pacifique, il y a souvent des cyclones, et les systèmes de santé se maintiennent », assure-t-il.
Pour parvenir à ces résultats, l’action combinée des gouvernements, des ONG et des acteurs locaux est primordiale, selon M. Kalasa. Une rencontre organisée à Nairobi, du 12 au 14 novembre, sera l’occasion pour l’UNFPA d’appeler le monde à renouveler ses engagements et à finaliser cette mission débutée il y a vingt-cinq ans.
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