D'après le « Journal », le premier vélocipède ou appareil de locomotion mû par la personne qu'il transporte est décrit par Ozanam dans le livre intitulé « Récréations mathématiques et physiques » qu'il publia en 1693. Voici la description qu'en donne le mathématicien : « On voit à Paris, depuis quelques années, un carrosse ou une chaise qu'un laquais, posé sur le derrière, fait marcher alternativement avec les deux pieds, par le moyen de deux petites roues cachées dans une caisse posée entre les deux roues de derrière et attachée à l'essieu du carrosse ».
L'inventeur de ce premier système de locomotion, destiné à jouer un si grand rôle, était un jeune médecin de La Rochelle nommé Richard. Ce fait avait d'ailleurs déjà été cité par M. le Dr Cabanès, dans le « Journal de médecine de Paris » (voire dans le « Dictionnaire des mots et des choses » de Larive et Fleury édité en 1889). Le fait est donc connu depuis longtemps. Reste à savoir si le Dr Richard s'est servi de sa machine, qui fonctionna à Paris pendant plusieurs années, pour visiter sa clientèle.
De même, il serait curieux de savoir si quelque médecin s'est servi des draisiennes ou célérifères, inventés par le baron de Drais vers 1816, dans la pratique médicale. En tout cas, voici un médecin qui employait ce mode de locomotion primitif avant l'invention de la pédale par Michaux, en 1855, ainsi qu'il ressort d'une lettre adressée au « Journal de Médecine et de Chirurgie pratique », en 1870 (Art. 7 954, p. 94), par le Dr Marchal (de Lorquin, Meurthe), signalant qu'il se sert de vélocipède pour ses voyages depuis l'année 1854. Mais laissons-le parler lui-même :
« J'ai lu avec satisfaction l'analyse que vous avez faite (1869, Art. 7 916) du spirituel plaidoyer de M. le Dr Mathieu de Saint-Rémy-en-Bauzemont, en faveur du vélocipède appliqué au pénible exercice de la médecine rurale. Pour encourager l'adoption de ce véhicule par nos confrères de la campagne, j'ai hâte de dire que j'éprouve d'autant plus l'argumentation de M. Mathieu que moi-même je sers du vélocipède pour mes voyages depuis l'année 1854.
Vous devez comprendre que mon bicycle n'a pas le degré de perfection (en 1870 !) que présentent aujourd'hui les appareils de ce genre ; les roues sont moins élevées, et mes pieds, au lieu de reposer sur des palettes adaptées à l'avant-train, portent simplement à terre et servent à donner l'impulsion à la machine ; c'est là le système primitif. Mais je n'en ai pas moins depuis quinze ans couru par monts et par vaux sur ce fidèle coursier, suivant indistinctement les routes, les chemins de traverse et même les simples sentiers, en faisant ainsi une notable économie de temps et de chevaux. Souvent, j'ai parcouru de douze à seize kilomètres à l'heure ; j'ai même atteint plus d'une fois la vitesse du train express quand je descendais des côtes rapides ; mes pieds reposaient alors sur un double support qui, au besoin, me servait de frein. Aujourd'hui encore, malgré mes soixante-quinze ans, un trajet de seize à vingt kilomètres ne m'effraye en aucune manière et me fait l'effet d'une promenade d'une heure à une heure et demie… Lorsque je commençai à chevaucher sur un vélocipède, je provoquai quelque étonnement dans le public de la contrée ; mais on ne tarda pas à porter sur cette innovation un jugement favorable. Nombre de fois, les parents d'un malade en danger m'ont dit en larmes : " Cela presse, monsieur ; nous vous en prions, prenez votre chemin de fer ; vous arriverez plus vite ".
C'est ainsi que, non seulement j'ai trouvé économie de temps et d'argent dans l'emploi de ce système, mais que cet emploi lui-même a toujours été une distraction agréable, et un exercice récréatif, que je ne saurais mieux comparer qu'à celui du patin. »
Le Dr Olivier, qui rapporte le fait dans le « Journal des connaissances médico-chirurgicales,15 mars 1870, p. 142, ajoutait alors que « le Dr Marchal montre par son exemple qu'une étude de ce genre de circulation pourrait figurer avec utilité parmi les cours complémentaires de la Faculté ! ».
(« La Gazette médicale de Paris », 1903)
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