L'arrivée de l'outil révolutionnaire CRIPSR-Cas9 a relancé la réflexion sur la modification de génome humain. Après le sommet de Washington en décembre 2015, c'est à Paris que la Fédération des académies européennes de médecine (FEAM) regroupant 19 académies nationales a choisi de tenir un séminaire sur le sujet à l'Académie nationale de médecine le 28 avril 2016.
À cette occasion, l'Académie nationale de médecine a rappelé ses recommandations émises dans un récent rapport sous la direction du Pr Pierre Jouannet sur les modifications du génome des cellules germinales et de l'embryon humain. Tout en maintenant l'interdiction de modifier l'ADN de façon transmissible à la descendance, l'Académie se positionne en faveur de la recherche sur l'embryon et de la levée de l'interdiction de « créer des embryons transgéniques ».
Des positions contrastées en Europe
L'objectif du séminaire de la FEAM est de dresser un état des lieux de l'utilisation de l'édition de génome en Europe. Le groupe de travail international nommé à Washington était présent en vue de la rédaction d'un rapport pour septembre 2016. La situation en Europe est contrastée avec des positions différentes des pays membres.
Seize pays en Union européenne ont interdit la recherche sur les cellules germinales humaines, conformément la convention d'Oviedo de 1997, qui est le seul instrument juridique contraignant international pour la protection des Droits de l'Homme dans le domaine biomédical. Mais des pays comme le Royaume-Uni n'ont pas ratifié le texte.
La Convention d'Oviedo précise dans l'article 13 : « Une intervention ayant pour objet de modifier le génome humain ne peut être entreprise que pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques et seulement si elle n'a pas pour but d'introduire une modification dans le génome de la descendance. »
Le cadre n'est pas inamovible
Comme l'a indiqué le Dr Charles Kessler de la Commission européenne, cette dernière « n'a pas la compétence pour déterminer quelle recherche devrait ou ne devrait pas être menée dans les pays membres ». Si la Commission européenne encourage de nombreux projets pour l'édition de génome sur des cellules somatiques (thérapie génique, modèle de maladie, immunologie, etc.), en l'état actuel « la recherche sur le génome humain germinal et embryonnaire n'est pas possible ».
Pour autant, le cadre de la Commission européenne n'est pas neutre. L'institution a réaffirmé récemment dans le programme-cadre Horizon 2020 pour la recherche et l'innovation ne pas vouloir financer les travaux visant : le clonage humain à des fins reproductives, des modifications génétiques héréditaires, la création d'embryons humains uniquement à des fins de recherche ou pour l'approvisionnement en cellules souches. Les choses ne semblent pas figées, selon de Charles Kessler, qui souligne que les « connaissances évoluent » et que « l'on doit garder la porte ouverte pour la science ».
Le non-conformisme britannique
Le Royaume-Uni, contre-exemple ou précurseur, n'a jamais fermé la possibilité de modifier le génome embryonnaire humain. Depuis janvier 2016, le Dr Robin Lovell-Badge, directeur de recherche au Francis Crick Institute de Londres, travaille à l'aide de CRISPR-Cas9 sur l'embryon humain à des fins de recherche sur l'infertilité et le développement. Ce n'est pas la première fois que la recherche soulève des craintes d'eugénisme et de bébés à la carte, a indiqué le Dr Lovell-Badge en soulignant que « tout n'est pas permis ». Mieux connaître la biologie humaine fondamentale, avoir des modèles de maladie humaine génétique, voire prévenir des maladies génétiques, sont autant de raisons valables pour autoriser ce type de recherches.
Dans ses dernières recommandations, l'Académie de médecine rejoint la position britannique sur le soutien à la recherche sur la modification ciblée du génome, y compris sur les cellules germinales et l'embryon humain. Selon l'Académie, cela appelle « une adaptation des textes nécessaires (...) en France et en Europe ». L'interdiction des embryons transgéniques peut être levée, « étant entendu que les embryons ainsi modifiés ne donneront pas lieu à un transfert dans l'utérus en l'état actuel des connaissances et de la législation », précise l'Académie.
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