LE FAIT
Difficile de s'entendre à cinq dans l'est du Val-de-Marne. La colère monte à Saint-Maurice contre le projet de GHT voulu par l'ARS. "Un pêle-mêle d'hôpitaux qui n'ont rien à faire ensemble", s'emporte son directeur, Denis Fréchou. À Créteil et Villeneuve-Saint-Georges, on assure comprendre les inquiétudes mais pas question d'un GHT a minima.
L'ANALYSE
La contestation prend de l'ampleur aux Hôpitaux de Saint-Maurice, direction et communauté médicale contestant de plus en plus vivement le périmètre du futur groupement hospitalier de territoire (GHT) de l'Est du Val-de-Marne poussé de l'avant par l'ARS Île-de-France et dénommé "GHT 94 Est". Mi-mars, c'était par une motion votée en commission médicale d'établissement (CME, lire ci-contre). Un mois plus tard, c'est une lettre ouverte adressée aux parlementaires locaux qui attise la fronde. Le périmètre présenté fin janvier par l'agence francilienne est celui d'un GHT intégrant, outre Saint-Maurice, le CH Les Murets de La Queue-en-Brie, le CH intercommunal (CHI) de Villeneuve-Saint-Georges, l'Institut Le Val-Mandé à Saint-Mandé et le CHI de Créteil, ce dernier s'annonçant comme l'hôpital support du futur groupement. Dans leur courrier, président et vice-présidente de la CME de Saint-Maurice, respectivement les Drs Frédéric Khidichian et Françoise Berthet, reprennent peu ou prou les arguments déjà avancés mi-mars. Avec l'idée derrière de constituer un GHT en tant qu'hôpital support avec le CH Les Murets mais pas seulement. L'Institut Le Val-Mandé, établissement médico-social public pour la promotion de la personne handicapée, le handicap visuel et intellectuel serait intéressé. Tout comme l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Bégin de Saint-Mandé mais cette fois comme membre associé ou encore l'hôpital privé non lucratif Saint-Camille de Bry-sur-Marne. Le tout en lien avec l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) via son groupe hospitalier Henri-Mondor de Créteil.
Un "mastodonte hospitalier", une "gouvernance impossible"
Outre le fait qu'il reçoit l'assentiment des deux hôpitaux publics qui en seraient le socle et qu'il bénéficierait d'"un projet médical cohérent et d'avenir" déjà en cours d'élaboration entre Saint-Maurice et Les Murets, ce GHT serait de taille conséquente. "Contrairement à ce que dit l'ARS, ce GHT n'est pas "petit" mais couvre 800 000 habitants sachant que dans la loi, il n'est nulle part inscrit qu'un GHT doive être gros ou petit", écrivent les deux responsables médicaux. Mais il serait aussi à taille humaine, à mille lieues du "mastodonte hospitalier" défendu par la tutelle, qui ne tient pas compte des parcours de santé et fait craindre une "gouvernance impossible". Quant à "l'originalité" de Saint-Maurice, combinant SSR, dialyse, maternité et psychiatrie où plus de 80% des actes sont ambulatoires, ce projet médical se verrait entraîner dans "un travail incohérent" et serait donc voué à "un échec certain".
"Les Hôpitaux de Saint-Maurice ne font pas exception"
Sollicitée par Hospimedia, l'ARS Île-de-France soutient avoir considéré dès le départ que le travail collaboratif et volontaire des établissements s'avérait "une condition de réussite". "À l'heure actuelle, les discussions continuent avec les établissements de santé dans l'ensemble des territoires. Les Hôpitaux de Saint-Maurice ne font pas exception", indique l'agence. Laquelle assure suivre la progression des travaux de préfiguration menés depuis plusieurs mois par les établissements sanitaires et médico-sociaux du Val-de-Marne pour mettre au point un projet médical partagé. "L'objectif poursuivi [...] est d'améliorer la coopération entre établissements de santé, insiste la tutelle régionale. Les GHT n'ont pas vocation à remettre en cause les coopérations existantes mais, au contraire, à initier le développement de nouveaux partenariats visant à améliorer le parcours des patients."Deux GHT associés à un même CHU
De son côté, le directeur des Hôpitaux de Saint-Maurice, Denis Fréchou, assure qu'aucune problématique de fond ne se pose avec ce GHT. "J'ai toujours soutenu ce type de projet", souligne à Hospimedia celui qui a longtemps présidé la Conférence nationale des directeurs de CH et fera cet été valoir ses droits à la retraite. "Ce n'est pas un combat. J'essaie de ne pas prendre partie sur le fond mais de trouver des voies de conciliation. Mon état d'esprit n'est pas de planter le projet." Pour autant, "au lieu de nuancer les périmètres par quelques dérogations, les ARS ont plutôt tendance à faire le contraire. En Île-de-France, l'agence a décrété un découpage avant même l'élaboration des projets médicaux partagés. Et pour ce qui nous concerne, on aboutit à un pêle-mêle d'hôpitaux qui n'ont rien à faire ensemble." Sans compter que le CHI de Créteil tendrait à élaborer sans concertation le projet médical partagé. La critique vaut tout autant pour la désignation de l'hôpital support. D'après le directeur, l'idée "la plus raisonnable" verrait donc en Val-de-Marne deux GHT* associés autour d'un même CHU. Un passage en force de l'ARS n'est pas à exclure, admet l'intéressé, mais cela posera problème sur la désignation de l'hôpital support avec le risque de finir devant les tribunaux. Denis Fréchou craint également que Créteil, en grande difficulté financière, ait demain "tendance à vouloir piocher dans la poche de ses voisins" pour éponger son déficit. "Le GHT, c'est une bonne idée, une opportunité mais on est en train de la flinguer en s'y prenant comme des manches. Dans bien des situations, la loi ne sera pas appliquée ou si elle l'est, sur le papier sans rien de concret derrière", pressent le directeur.
"Un support partagé, le plus mutualisé possible"
Directeur du CHI de Villeneuve-Saint-Georges, Didier Hoeltgen assure pour sa part que les discussions avancent "sereinement" avec les autres acteurs du futur GHT, CHI de Créteil en tête. Son objectif est bien d'ouvrir le groupement à un maximum d'établissements et bien de "le faire à cinq", comme il l'indique à Hospimedia. "On comprend tout à fait les inquiétudes, on ne peut pas s'engager dans un GHT sans garanties. Mais Saint-Maurice et Les Murets nous sont indispensables. Gardons donc une certaine sérénité. Il faut faire les choses de concert". Quant à d'éventuels tiraillements avec Créteil sur le choix de l'hôpital support, le directeur souhaite "quelque chose d'équilibré" avec Créteil qui aboutisse à "un support partagé" et "le plus mutualisé possible".Le siphonnage des crédits psychiatriques est un "faux procès"
Pendant ce temps, au CHI de Créteil, le président de la CME, le Dr Hervé Hagège, rappelle avoir tout de même travaillé durant plus d'un an avec Saint-Maurice et Les Murets pour élaborer le projet médical partagé. "Ils ont tout le temps été avec nous dans la discussion", souligne-t-il, reconnaissant toutefois que le climat a changé depuis février-mars. Les deux établissements ayant décidé de ne plus participer aux réunions. Avec Villeneuve-Saint-Georges et le Val-Mandé, "nous poursuivons notre démarche. Nous sommes d'ailleurs sur la même longueur d'onde. Dans notre esprit, le parcours du patient intégrera les cinq établissements. Saint-Maurice et Les Murets sont tenus informés des réunions et des compte rendus. On ne peut que regretter leur attitude mais notre porte reste complètement ouverte et nos partenariats sont d'ailleurs d'ores et déjà nombreux. Ils peuvent donc intégrer nos discussions à tout moment." À l'entendre, le projet médical partagé sera finalisé d'ici fin mai-début juin. Quant aux inquiétudes, Hervé Hadège rappelle qu'un projet médical ne peut pas dissocier les pathologies psychiatriques. D'autant plus quand "plus de la moitié de la psychiatrie s'exerce en France dans des structures MCO". Aucune crainte également, à l'entendre, de voir les crédits alloués à la psychiatrie siphonnés pour le seul MCO. "C'est un faux procès. Nous avons deux services de pédopsychiatrie au CHI. Leur dotation annuelle de financement (Daf) a toujours été respectée. D'ailleurs, nos pédopsychiatres ne se sont jamais plaints."
* Il y aurait plus exactement trois GHT en Val-de-Marne : le GH Paul-Guiraud de Villejuif, le CH Fondation-Vallée de Gentilly et l'EPS Erasme d'Antony, pour sa part dans les Hauts-de-Seine, vont en effet constituer un GHT exclusivement psychiatrique.
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