Par Bernadette Sauvaget — 27 avril 2016
Mohammed Arkoun déconstruit les interprétations socio-politiques du texte sacré.
Il y a urgence, ces temps-ci, à relire l’œuvre de Mohammed Arkoun, l’un des grands spécialistes contemporains de la pensée islamique, disparu en 2010. Pendant quarante ans, ce philosophe et historien a parcouru les territoires du Coran, reprenant à frais nouveaux la lecture du texte sacré. Nourri de sciences humaines, autant du structuralisme des années 70 que de la linguistique ou de l’anthropologie historique, il s’est livré à une archéologie du savoir à la manière de Michel Foucault, déconstruisant ce qu’il appelait «l’esprit d’orthodoxie» de l’islam. Grâce à ces outils, Mohammed Arkoun a retiré, une à une, les couches sédimentaires recouvrant et cachant ce qu’il estime être le «sens»initial des premières années de la«révélation» islamique, le processus de construction de ce qu’il a nommé la «raison islamique» (terme qu’il préférait à celui d’islam), c’est-à-dire un peu grossièrement l’univers culturel, politique et religieux du monde arabo-musulman.
Enjeux. Au fil des siècles, principalement jusqu’au XIIIe, ces couches sédimentaires ont «fabriqué» la norme islamique (la fameuse charia, entre autres, c’est-à-dire une conduite, une orthopraxie très stricte). Cette norme est revendiquée à cor et à cri par les mouvements musulmans fondamentalistes actuels qui se posent en défenseurs ultimes de l’orthodoxie. Elle inspire aussi l’organisation Etat islamique qui, à partir du corpus de l’exégèse musulmane classique, construit son idéologie politico-religieuse meurtrière. C’est dire les enjeux de la pensée de Mohammed Arkoun, en panne d’héritiers (à quelques rares exceptions près, comme l’islamologue Rachid Benzine).
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