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jeudi 4 mars 2021

Une courte majorité de lycéens favorable à l’autorisation des signes religieux à l’école

Par   Publié le 4 mars 2021

Un sondage IFOP pour la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, publié le 3 mars, révèle un clivage générationnel important en matière de perception de la laïcité, qui ne surprend pas les chercheurs.

Un professeur de sciences économiques et de philosophie (gauche) discute avec une étudiante, au lycée privé Meo, à Paris, le 9 février.

Dans les semaines qui ont suivi l’attentat contre Samuel Paty, le 16 octobre 2020, tous les regards – et les micros – ont convergé vers les enseignants. Pour se faire l’écho de leur émotion. Pour rappeler leur mission première, « forger des républicains », comme l’a martelé Emmanuel Macron lors de l’hommage national au professeur de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). Mais aussi pour tenter de cerner, précisément, ce qui se cache derrière l’expression d’« atteintes à la laïcité » qui résonne, désormais, à tous les niveaux de la scolarité.

Trois mois plus tard, c’est aux lycéens que l’IFOP a donné la parole pour qu’ils se positionnent, à leur tour, sur la laïcité, la place des religions ou encore le droit de « blasphémer » à la manière d’un journal satirique comme Charlie Hebdo. Ils sont 1 006 exactement, âgés de 15 ans et plus, à avoir été interrogés en ligne, du 15 au 20 janvier, à la demande de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), qui a consacré un numéro de sa revue Droit de Vivre au sujet.

Des dizaines de chiffres que l’institut de sondage a divulgués, mercredi 3 mars, ceux sur le port du voile semblent les plus inédits. Plus d’un lycéen sur deux se dit favorable au port de signes religieux (voile, kippa, turban, croix, etc.) dans l’enceinte scolaire – interdit depuis 2004 jusqu’à la fin du lycée – que ce soit pour des parents accompagnant les sorties scolaires (57 %), pour leurs camarades de lycées (52 %), dans les collèges (50 %) ou pour les agents des services publics (50 %). C’est, à chaque fois, deux fois plus que pour la population générale.

« Il y a sur cette question un fossé générationnel assez clair, souligne François Kraus, directeur du pôle politique au département opinion de l’IFOP. Le voile imprègne la génération des 15-18 ans et même des 15-24 ans. » Pas « toute » la génération, concède-t-il : 60 % des sondés se disant sans religion se déclarent, par exemple, contre le port de signes religieux à l’école. « Mais la tolérance à l’expression des formes de religiosité à l’école nous apparaît de plus en plus forte », relève François Kraus. Les échanges tendus entre la secrétaire d’Etat à la jeunesse, Sarah El Haïry, et des jeunes réunis à Poitiers, le 22 octobre 2020, qui s’étaient opposés à ce sujet, en a offert une illustration récente. Une enquête européenne de 2009 faisait état de 58 % de jeunes opposés aux signes religieux en milieu scolaire.

« Echec des politiques éducatives »

L’écart entre les générations est également marqué quand on questionne les lycéens sur le sens de la laïcité. Elle doit d’abord assurer la séparation du religieux et du politique, la liberté de conscience et l’égalité entre les religions, répondent-ils. « Ils ont une vision inclusive, un peu à l’anglo-saxonne, de la laïcité, décrypte François Kraus, très éloignée de la tradition laïciste présente dans le monde politique et enracinée chez leurs aînés. » Seuls 11 % des sondés partagent l’idée selon laquelle la laïcité consisterait à « faire reculer l’influence des religions dans la société », soit deux fois moins que pour l’ensemble des Français (26 %).

L’écart s’estompe quand il est question de droit au blasphème : 52 % de lycéens n’y sont pas favorables, soit deux points de plus seulement que pour le reste des Français (50 %). Dans le sillage de l’affaire Mila« critiquer les religions est devenu, même pour des jeunes non croyants, synonyme d’une agression des croyants »,observe Bernard Ravet, expert éducation pour la Licra. L’ancien chef d’établissement y voit un « échec des politiques éducatives à promouvoir les valeurs républicaines ».

Alors que l’Assemblée nationale vient d’adopter la loi séparatisme en première lecture, et que le monde politique se déchire sur l’« islamo-gauchisme », ces chiffres prennent un relief particulier. Ils ont « valeur d’alarme », réagit-on dans le monde enseignant.

Côté chercheurs, ils ne sont pas une surprise : aux 7 000 élèves de seconde sondés dans le sillage des attentats de 2015, Olivier Galland et Anne Muxel avaient posé la question : « Vous semble-t-il normal/anormal que les jeunes filles qui le souhaitent ne puissent pas porter le voile à l’école ? » « Ils étaient à l’époque 40 % à répondre par l’affirmative, rappelle Olivier Galland. Cette génération partage l’idée que le respect des convictions personnelles est fondamental et peut même être érigé en principe supérieur aux règles de la vie publique. »

Sondés aussi par l’IFOP sur la liberté d’expression, les lycéens sont 61 % à déclarer que Samuel Paty a eu raison de montrer des caricatures en cours, contre 17 % estimant qu’il a eu tort. Près d’un quart a refusé de se prononcer sur ce point, signe d’un « tiraillement moral qu’ils ne veulent ou ne peuvent pas trancher »,conclut François Kraus.


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