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vendredi 5 mars 2021

« Certains préfèrent les amphétamines, nous, ce sont les bains d’eau glacée » : en Pologne, le « morsing » réchauffe les cœurs

Par  Publié le 4 mars 2021

Avec la pandémie et sa litanie de fermetures, des dizaines de milliers de Polonais redécouvrent les vertus euphorisantes du « morsing », la baignade en eau gelée.

Chaque samedi matin, quelque 150 personnes se baignent dans les eaux glacées de l’étang de Zielonka, près de Varsovie (Pologne), ici le 20 février.

En ce samedi 20 février à 8 h 30, autour des étangs de la commune de Zielonka, dans la banlieue lointaine de Varsovie, le temps est particulièrement clément. Une légère brume, vingt centimètres de neige et une épaisse couche de glace composent le paysage, mais il fait chaud – autour de 0 °C. Les « morses » du club local, surnom en Pologne des amateurs de bains d’eau glacée, ont estimé que ces conditions étaient idéales pour organiser une petite fête dansante en costume hawaïen, chapeaux et paillettes, avant de se jeter à l’eau.

C’est la seconde immersion qui est la plus agréable. « C’est là que vous sentez les endorphines et la dopamine vous monter au cerveau. »

C’est une surprise organisée pour le président du club dont c’est l’anniversaire. Ce matin-là, sur la plage, la fréquentation est « moyenne » : une centaine de personnes. Au son de Boney M, on effectue quelques pas de danse. Puis vient l’échauffement obligatoire : des exercices pour faire monter la température du corps, sous la direction et l’œil attentif du président du club. Certains préfèrent un petit jogging. Un homme à la carrure de bûcheron donne quelques coups de hache pour agrandir le trou dans la glace, pendant que les premiers morses s’immergent. Le plus jeune des participants a moins de 10 ans, les plus âgés sont des seniors avancés.

L’eau est à 1 °C, mais ce sont les sourires, la bonne humeur, voire l’euphorie, qui prédominent. On sent aussi un peu d’appréhension et de souffrance du côté des nouveaux venus. « Certains préfèrent les amphétamines, nous, ce sont les bains d’eau glacée ! », s’amuse un participant. La pratique veut que chacun fasse deux ou trois immersions d’une à deux minutes. Les plus endurcis font quelques secondes d’apnée. Les morses interrogés s’accordent à dire que c’est la seconde immersion qui est la plus agréable. « C’est là que vous sentez les endorphines et la dopamine vous monter au cerveau. » Ce sont les neurotransmetteurs responsables du plaisir et des antidépresseurs naturels.

Remède à la sinistrose

La pratique du morsing connaît un boom en Pologne depuis quelques années. Mais la pandémie de Covid-19 a donné un véritable coup d’accélérateur à cette mode. Salles de sport et piscines fermées, déplacements limités, effets psychiques négatifs du travail à domicile et restrictions diverses… les Polonais se sont mis à chercher des méthodes de bien-être alternatives.

Le morsing est apparu comme une pratique parfaite : en plein air, gratuite, parée d’innombrables effets bénéfiques pour le corps comme pour l’esprit. Cet hiver, les réseaux sociaux polonais ont vu une véritable déferlante de photos de morses tout sourire. En temps de pandémie, cette bonne humeur est devenue contagieuse. Dans le pays, les clubs se comptent désormais par milliers et les pratiquants en dizaines de milliers.

Le président du club des morses de Zielonka, Arek Andruczyk, est le fils d’un des pionniers du morsing en Pologne, cofondateur du club en 1979. Arek Andruczyk vient ce jour-là de fêter ses 47 ans, dont quarante ans de morsing, son père l’ayant jeté dans un trou d’eau glacée quand il était petit. « Ces dernières années, on a une véritable avalanche de nouveaux venus, nous confie-t-il. Il y a cinq ans, on était une vingtaine de personnes les samedis matin. Avant la pandémie du Covid, on était déjà environ quatre-vingts. Aujourd’hui, ce nombre a doublé, on est dans les cent cinquante personnes parfois, avec chaque samedi une dizaine de nouveaux visages. »

Quelques contre-indications

Grazyna Sźymańska, 48 ans, s’est jetée à l’eau pour la première fois cette année, le 1er janvier à midi, comme le veut une certaine tradition. L’année 2020 a été pour elle, comme pour beaucoup, particulièrement difficile. Cette économiste de formation a perdu son travail en raison de la pandémie, a décidé de rebondir en lançant sa propre entreprise dans le secteur du bien-être et a dû passer au travail à domicile avec trois enfants à charge. « Dans mon entourage, deux de mes proches avaient commencé le morsing et j’ai très rapidement perçu chez eux des changements dans leur manière d’être, confie-t-elle. C’est comme s’ils avaient gagné en joie et en confiance en soi. »

« Sur cette plage, avec tous ces gens, vous sentez le bonheur et l’enthousiasme, c’est un autre monde ! » Grazyna Sźymańska, 48 ans

Elle décide ainsi de vaincre sa peur des « expériences extrêmes » et franchit le pas. Les effets se sont fait sentir immédiatement. « On ressent comme une purification qui évacue les mauvaises émotions et pensées accumulées pendant la semaine. L’organisme commence à fonctionner différemment, la circulation sanguine s’améliore. »

Comme tous les morses interrogés, Grazyna Sźymańska insiste sur le sentiment « d’euphorie et de bonheur » que le choc thermique fait remonter au cerveau. « Sur cette plage, avec tous ces gens, vous sentez le bonheur et l’enthousiasme, c’est un autre monde ! », remarque-t-elle. Avec son mois et demi de pratique, elle perçoit déjà son nouveau passe-temps comme un « succès personnel ». Fière comme la plupart des morses, Grazyna Sźymańska a déjà convaincu trois de ses amis de s’y mettre.

« Le morsing n’est pas pour tout le monde, prévient néanmoinsArek Andruczyk, il y a des contre-indications pour certaines maladies et pour les cardiaquesIl faut être vigilant, à l’écoute de son corps, et ne pas se baigner seul. »

Depuis la mi-février, la température a subitement bondi d’une quinzaine de degrés en Pologne. La neige a fondu et il y a une odeur de printemps dans l’air. Mais les morses polonais se rassurent en se disant que l’eau va rester fraîche encore un moment et qu’un autre anti­dépresseur naturel s’apprête à prendre le relais : le soleil.


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