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lundi 1 mars 2021

Manifeste pour les 51 %

par Bénédicte Taurine, Députée LFI de l'Ariège et membre de la Délégation aux droits des femmes à l'Assemblée nationale

publié le 1er mars 2021 

Parce qu’il ne faut pas attendre le 8 mars pour constater les inégalités dont souffrent encore les femmes en France, la députée LFI Bénédicte Taurine liste les principales luttes féministes à mener dans ce qu’elle estime être une guerre de position.

Bientôt le 8 mars, tandis que les affaires mettant en cause des personnalités mais aussi des établissements de l’Enseignement supérieur s’enchaînent et s’ajoutent à l’air déjà lourd pour l’égalité femme-homme. La correctionnalisation demeure pour 52 % des plaintes instruites pour viols.

Elles se trouvent ainsi minorées en agressions sexuelles, conséquence des moyens indigents accordés à la justice. La dernière loi sur les violences conjugales, adoptée en 2020, continuera de placer la France toujours derrière l’Espagne. Dès 2004, ce pays a institué des tribunaux spécialisés pour le jugement des auteurs de violences conjugales et une réponse pénale n’excédant pas quinze jours maximum après une plainte. En France, nous en sommes toujours à l’expérimentation, tandis qu’un rapport du Sénat de juillet 2020 pointe des défaillances à tous les niveaux de la chaîne pénale.

Banalisation

S’agissant de la prostitution, l’immense majorité du nombre estimé de femmes prostituées (37 000) est sous le joug de proxénètes ou de réseaux de traite. Pourtant, les groupes d’enquête spécialisés de répression du proxénétisme sont quasi inexistants en dehors de Paris et de Marseille. On apprend sur le site de la Brigade de répression du proxénétisme (BRP) qu’un seul groupe de huit policiers est dévolu à l’identification et au démantèlement des réseaux clandestins à Paris alors que la capitale est une «plaque tournante» de la prostitution en France.

En parallèle, la prostitution des mineures explose du fait de l’hypersexualisation des très jeunes filles et d’une banalisation à l’extrême de l’acte sexuel exacerbée par l’explosion de la pornographie. Elles seraient entre 6 000 et 8 000, et 89 % d’entre elles ­auraient connu des violences sexuelles par le passé. Tandis qu’en France, un suivi psychologique n’est proposé qu’aux seules victimes de la prostitution, en Suède, il est proposé aussi aux contrevenants à l’interdiction de l’achat d’un acte sexuel. Voilà un changement de paradigme.

Index égalité

En termes d’inégalité des salaires, l’index de l’égalité professionnelle vient d’être épinglé par le think tank Terra Nova : il ne prend nullement en compte la prépondérance des femmes dans les bas salaires et aucune entité ne contrôle les calculs publiés par les entreprises. In fine, l’entreprise s’auto-évalue sur l’ensemble des paramètres. Alors qu’en Islande, un organisme indépendant est en charge de certifier toutes les entreprises de plus de 25 salariés selon leur application de l’égalité des salaires. Celles qui s’y soustraient encourant une amende pouvant aller jusqu’à l’équivalent de 320 euros par jour.

Sur tous ces sujets, ce qui se joue est la bataille fondamentale des représentations.

Tous les ans, selon le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), les femmes sont toujours bien plus représentées dans leurs relations familiales ou dans le rôle de témoins ou de victimes. En avance de trente ans sur la société française, la sociologue et journaliste Denise Bombardier a professé une leçon magistrale et d’un rare discernement sur le plateau de Bernard Pivot en 1990. Elle est bien la seconde héroïne dans l’affaire Matzneff. Pourtant elle aura été à peine évoquée par l’ensemble des médias. Vanessa Springora l’avait remerciée : son intervention dans l’émission lui donna la force de publier son livre dénonçant Gabriel Matzneff.

Moins de 30 %

Mais l’on sait la difficulté qu’ont l’histoire et les médias de faire des femmes des héroïnes ou du moins des personnalités. Le dernier rapport du CSA sur les représentations femmes-hommes dans les médias audiovisuels pendant l’épidémie de Covid-19 montre une présence des femmes ne dépassant pas la barre des 30 % dans les cinq catégories de rôles les plus qualifiés sur dix : «autre personnalité» (28 %), «personnalité politique» (24 %), «expert» (20 %), «témoin représentant professionnel» (19 %) et «représentant de l’Etat» (14 %).

Le 25 novembre, Agnès Jaoui a délivré un vibrant témoignage lors des assises du Collectif 50 /50. Elle y déclare notamment : «Comment se réjouir qu’il n’y ait que 20 % de femmes seulement parmi les réalisateurs français (12 % pour les productions audiovisuelles)  Elle ajoute s’être «rendue compte à 18 ans n’avoir lu des livres écrits que par des hommes et dont les héros n’étaient que des hommes». Elle poursuit en racontant qu’à 45 ans, elle a découvert qu’«il y avait beaucoup plus d’écrivaines, de compositrices, de peinteresses» qu’elle ne le croyait mais qu’elles avaient été invisibilisées par le patrimoine français.

Héroïnes

Avec la radicalité des «assaillis», Alice Coffin ne dit pas autre chose que cette difficulté pour une femme à se trouver des héroïnes. Cela lui a valu d’être fustigée. Il y avait pourtant cette même idée en filigrane ; celle d’une culture submergée par des productions masculines où une élite intellectuelle majoritairement masculine et qui se coopte, puise pour ériger des œuvres en références culturelles nationales.

C’est en amont de ce rendez-vous du 8 mars que devraient avoir lieu les constats. Le 8 mars de chaque année doit être une journée d’annonce de dispositions réelles pour l’égalité femme-homme. C’est à l’ensemble de ces prix qu’une égalité réelle entre les genres se gagne. Ces changements sont vitaux pour le respect et la dignité de chaque femme. Il y va de l’égalité des chances à la naissance de la moitié de la population française. Cette bataille culturelle est une guerre de position.


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