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lundi 13 avril 2020

Visio-boulot-dodo... Chroniques de nos vies confinées

Publié le 12 avril 2020
RÉCIT Depuis le début de cette période exceptionnelle, les lecteurs du « Monde.fr » témoignent de leur quotidien sur le live « Nos vies confinées ». Après la sidération, ils décrivent une nouvelle forme de normalité, avec ses hauts et ses bas.
Croyez-en l’avis d’un professionnel : « Sous-marinier, je ressens le confinement différemment de nos périodes d’isolement en mission. Le secret est de trouver une routine, manger aux mêmes horaires et faire de l’exercice. Il ne faut plus compter en jours, cela donne la sensation du temps s’écoulant encore plus lentement. Soyez forts, il faut sprinter sur la distance d’un marathon ! » Nous sommes au jour 21, pardon, lundi 6 avril, et dans le « live » du Monde.fr consacré à nos vies confinées, cela fait bien longtemps que les questions sur la manière de s’adapter à la « nouvelle normalité » ont remplacé celles des premiers jours, sur les commerces et les moyens de transport qui restent ouverts.
Il y a trois semaines, c’était la sidération qui primait. Avec forces points d’exclamation et quelques jurons, des internautes nous interpellaient, un peu paniqués : « Putain les gars c’est chaud ! Je ne sais pas là, avant la déclaration de Macron, j’ai eu un sursaut d’adrénaline !!!! J’ai peur mais je suis tout excité c’est chaud ! Genre on va rentrer en guerre ou quoi !!!!! ».

C’était il y a un siècle. Depuis, nous en sommes arrivés, collectivement et somme toute très vite, à l’acceptation. Parmi les plus de cent mille questions reçues dans les différents « live » du Monde ces trois dernières semaines, d’innombrables portaient sur les modalités pratiques de « nos vies confinées ». Révélant au passage nos préoccupations les plus importantes en période de crise, des plus instinctives – la famille, la nourriture, les soins – aux plus intimes – la sexualité, la psychologie, le deuil.
Qu’est-ce qu’on fait avec les enfants ?
Mais avant tout, ce sont les interrogations sur les enfants qui ont formé le plus gros bataillon des questions. D’abord parce que la France de la garde alternée a pris de plein fouet l’annonce du confinement. Question après question, des centaines, des milliers de lecteurs nous ont demandé si les décrets imposaient des règles en matière de garde alternée, si aller chercher ses enfants chez son ex-conjoint était un motif de déplacement valable, s’il était possible de traverser la France pour que le petit dernier soit confiné avec le parent dont c’était le tour.
Les problématiques de garde ont aussi touché tous les parents qui continuaient de travailler, alors que certaines crèches fermaient ou que les enfants de soignants devenaient prioritaires, ce que personne ne remettait en question. Une myriade de puzzles logistiques : de « La nounou de mon enfant refuse de la garder pour cause de coronavirus, je ne peux pas faire de télétravail », jusqu’à « Est-ce que mon employeur peut m’imposer le télétravail alors que je dois garder ma fille de 2 ans ? Je lui ai dit qu’il me mette en arrêt et que je travaillerai comme je peux vendredi, et aujourd’hui il me l’impose ».
« J’ai mis ma fille devant des dessins animés toute la journée les deux premières semaines »
Une fois les problèmes les plus urgents réglés, restait, et reste toujours, l’épineuse question des occupations, surtout avec les plus petits. Dans les premières heures, on avait pris de bonnes résolutions sur le temps d’écran, bien sûr. Elles ont fait long feu. « J’ai mis ma fille devant des dessins animés toute la journée pendant les deux premières semaines de confinement. Pas d’autre choix car pour rester concentrée dans mon travail, je devais avoir la paix ! », écrit une lectrice, qui a regretté ce choix tactique à la troisième semaine. « Les premiers mots de ma fille au réveil étaient “maman, dessin animé s’il te plaît”, et dès lors que je disais NON, les pleurs commençaient… mais s’arrêtaient assez rapidement après… Je garde donc espoir. »
La délicate gestion du partage du temps consacré aux activités éducatives et aux loisirs occupe l’esprit de tous les parents. « L’après-midi, ni mon mari ni moi n’avons le temps de suivre le travail de notre plus jeune enfant. Il regarde donc des vidéos éducatives ou joue sur l’ordinateur. Je culpabilise et m’énerve alors qu’il n’y est pour rien », s’agace une mère ; on râle, un peu ou beaucoup, contre le diktat du parent parfait, à qui on fait croire qu’il faut « toujours trouver une activité superéducative pour occuper les enfants intelligemment… Remplir le temps long des week-ends… Mais les nouveaux centres d’intérêt ne germent pas soudainement, pour eux comme pour moi ! »
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Le « Petit Indien en boucle »
Moins patients ou plus honnêtes, certains parents racontent aussi comment la pression du confinement les amène parfois au bord de la crise de nerf. « Mon fils a 21 mois, me sollicite tout le temps quand je suis seule avec lui, il dit “non” tout le temps, j’ai un sentiment d’oppression… J’en ai marre d’écouter en boucle la chanson du petit Indien, de jouer 20 milliards de fois au même puzzle, de lire le même livre… Je n’ai plus l’énergie ou l’envie d’inventer de nouveaux jeux, de faire des parcours de motricité… Chapeau aux parents qui y arrivent ! » Sans parler des héros incompris du quotidien, de ceux dont le témoignage force l’admiration, comme ces parents de triplés de 21 mois qui expliquent avoir, « après trois semaines de réglages et de remise en question », trouvé « un équilibre qui semble convenir à tout le monde. Le papa arrive à travailler 3 à 4 heures par jour, et nous sommes déjà très fiers de ça… Mais voilà que le patron de la maman lui dit : “Tout le monde arrive à travailler avec ses enfants, tu pourrais t’y remettre aussi !” Comment lui faire comprendre en restant constructif que c’est MORT ! »
Plus autonomes, pas toujours plus conciliants, les ados de tous les âges sont aussi une source permanente de remise en question. Dans les huis clos familiaux provoqués par le confinement, on trouve des tantes aux prises avec des neveux « qui vivent leur crise à grands coups de trémolo en critiquant leur mère », des parents à bout, des chocs générationnels. Un peu de mauvaise foi de part et d’autre aussi, comme pour ces adultes qui découvrent que « pour mes neveux ados être “vegan” ne signifie pas goût pour les légumes ou les fruits, mais seulement féculents sans viande et autres sucreries de toutes sortes ». Et ces situations tendues qu’on devine au détour d’une question à l’apparence innocente, comme celle de cet anonyme qui se demande : « Comment cela se passe-t-il si un enfant seul est arrêté dehors sans attestation ? », et cherche à savoir si l’amende est envoyée aux parents.
Vieux films et concerts de voisins
Les plus jeunes ne sont pas les seuls à chercher à tromper leur ennui. Jeux vidéo, séries, films, jeux de société, livres : on espère que les films « annoncés au ciné sortiront sur les plates-formes en ligne », on s’échange des recommandations de jeux ou de séries. « Temps gris, devoirs finis et appel du plaid » : pour ce lecteur, le confinement est le moment choisi pour imposer à sa progéniture, avec un degré de consentement mutuel inconnu, un « ciné-club consacré aux films de notre enfance » – la liste comporte E. T., Dark Crystal (1982), L’Histoire sans fin (1984), Les Goonies, Retour vers le futur (1985), Willow (1988)…
Côté musique, deux clans s’affrontent : les partisans du concert de voisinage à 20 heures, dont Delphine, qui assure que ses voisins « en redemandent et nous glissent des idées de chansons dans la boîte aux lettres », tandis que la voisine « sort son piano sur la terrasse, à deux maisons d’écart ». Et puis les hostiles, grincheux ou mal entourés, qui rappellent que « certaines personnes ont des voisins du bas addicts à la techno, et des voisines du haut amatrices de karaoké Céline Dion. S’il vous plaît, pendant que vous remplissez votre vide, pensez que vous êtes peut-être aussi en train de ruiner l’espace vital de quelqu’un qui a besoin de se concentrer pour travailler », proteste un habitant d’une grande ville qu’on imagine mal entouré. « Le silence est une denrée précieuse, protectrice et féconde ! »
« Le télétravail empêche de travailler ! »
Car malgré tous les bouleversements de cette période étrange, il faut bien télétravailler, pour celles et ceux qui ont la chance d’avoir un métier qui le permet. En visioconférence, le plus souvent. Zoom, Skype, Teams, Hangouts et Houseparty ont fait une entrée fracassante dans les vies confinées de millions de Français qui n’avaient jamais pensé à utiliser ces logiciels de visioconférence auparavant ; ils sont devenus la ligne de vie des personnes isolées, coincées seules chez elles et qui regretteraient presque de n’avoir personne avec qui s’engueuler.
« Un conseil à ceux qui vivent tout seuls, mais qui vaut aussi pour tout le monde », nous écrit une lectrice qui a passé son anniversaire en confinement à l’étranger et a connu une journée « animée comme jamais » : « Appelez vos amis et votre famille sur WhatsApp/Facetime/Hangouts/Houseparty/etc. et surtout branchez les webcams ! Créez des groupes de conversation pour parler et appeler en groupe, faites passer les blagues pour égayer les journées… Les gens autour de vous veulent des nouvelles de vous, et vous d’eux. »
« Un client, habituellement en chemise pendant les réunions, vit sa meilleure vie de confinement et fait des visioconférences en sweat à capuche, cigarette électronique à la bouche ! »
Dans le monde du travail, les bilans de cette ruée sur la « visio », comme on dit désormais, sont moins positifs. « En télétravail, les visioconfs se suivent les unes après les autres en alternance avec des paquets de mails. Chaque visio induit une tâche à faire, qu’il est impossible de mener dans l’emploi du temps saturé ; ces tâches s’accumulent. Le télétravail empêche de travailler ! », conclut, philosophe, un télétravailleur un peu aigri. La routine visio-boulot-dodo guette, on la brise comme on peut, telle cette lectrice qui recommande, après l’avoir testée, la « tenue inversée, c’est-à-dire le pull enfilé dans mes jambes et mon jogging enfilé sur ma tête. L’effet est garanti, je vous recommande d’essayer pour vos rendez-vous en visioconférence. » Sans aller jusqu’à ces extrémités, on découvre, à distance, des faces cachées de ses collègues, comme ce « client, habituellement en chemise pendant les réunions », qui « vit sa meilleure vie de confinement et fait des visioconférences en sweat à capuche, cigarette électronique à la bouche ! »
Indispensables, les « visios » ne suffisent pas toujours à rompre l’isolement. « Moi, l’effondrement, c’était jeudi dernier, raconte une lectrice. Je suis confinée seule, et au bout de dix jours, malgré d’innombrables Skype, Facetime et autres confrontations numériques, j’ai senti physiquement l’absence d’êtres humains autour de moi… J’ai pleuré toute la journée. Mais du coup, je me suis organisée pour faire des rendez-vous, avec des voisins dans le jardin de notre immeuble, avec toutes les précautions nécessaires, bien entendu ! Et je bois le thé avec ma voisine, moi assise dans le couloir, elle dans son entrée, une chaise pour poser le plateau entre nous. Je crois qu’il ne faut pas qu’on oublie qu’on a besoin de chaleur humaine en vrai, et pas seulement numérique… »
Palliatif utile aux repas de famille et aux apéros entre copains, les « skypéros » et soirées jeux sur Houseparty ne compensent tout de même pas tous les types de contacts. « 2023, troisième année de confinement », phosphore un internaute qu’on imagine un peu excité. « Google a-t-il créé des orgies virtuelles ? Ouverture des premiers clubs libertins en visioconférence ? Une âme confinée depuis trois ans rêve-t-elle toujours de galipettes en pleine nature ? Allez, titillons nos imaginations respectives. »
L’amour, si loin, si proche
Dans cette vie confinée, il y a les fantasmes et la réalité d’une vie sexuelle chamboulée. Les premiers jours, les communiqués triomphants des sites pornos laissaient à penser que la France repliée sur elle-même s’échauffait sur Pornhub et consorts : le virus pornographique pour conjurer celui du Covid-19. En réalité, juste un petit pic hormonal. La réalité, c’est la promiscuité avec les enfants, la séparation d’avec l’être aimé, la libido plombée par l’angoisse du virus ou le télétravail.
Pour d’autres, la promesse d’une relation numérique à distance érotisée à coups de sextos et vidéos chaudes. « J’ai eu la bonne idée de m’inscrire sur Tinder le 18 mars !, nous dit une lectrice. Je tchate donc, j’ai fait de belles rencontres, une en particulier, mais la frustration de ne pouvoir prendre ce premier verre ensemble est très forte. Nous échangeons sans cesse avec ma correspondante et nous rapprochant, sans bouger, partageons depuis quelques jours des séances torrides par clavier interposé, et parfois une photo ou deux. Un lien intime se crée et cette sexualité interactive s’exprime avec intensité et sans tabou. Les messages très libérés le sont-ils grâce à la distance justement ? Ce lien est-il virtuel malgré tout ? »
« Ce confinement interroge chez moi la relation que j’entretiens avec mon apparence. Autant dire qu’en ce moment je ne me sens pas au summum de mon potentiel érotique »
L’intime s’est invité en force sur la une du site du Monde, sans tabou ni gêne. Les témoignages affluent quand notre spécialiste des questions sexuelles, Maïa Mazaurette, vient dialoguer avec les internautes. « J’ai rencontré quelqu’un quelques semaines avant le confinement. Nous n’avons échangé que quelques baisers pieux autour de cafés et nous voilà bien frustrés de ne plus pouvoir nous voir et aller plus loin… Nous ne nous connaissons pas assez et sommes tous les deux un peu timides pour entamer une cybersexualité. Avez-vous d’autres conseils pour pallier cette frustration ? » Plus loin, un témoignage qui en résume tant d’autres : « Notre libido en prend un petit coup durant le confinement. Alors qu’on se serait attendu à ce que l’ennui nous pousse à le faire plus souvent, ce n’est pas le cas ! »
Le courrier du cœur se mue aussi en réflexions personnelles plus profondes sur notre rapport au corps. « Ce confinement interroge chez moi la relation que j’entretiens avec mon apparence. Autant dire qu’en ce moment je ne me sens pas au summum de mon potentiel érotique, et pourtant j’apprécie de pouvoir laisser libre cours à ma pilosité (je ne m’épile plus les aisselles, ni le sexe – seules les jambes y ont échappé). Pensez-vous que cette période puisse être un terreau fertile pour enfin s’accepter telle qu’on est, sans vouloir répondre aux diktats ? J’espère secrètement pouvoir afficher fièrement mon corps avec ses copains poilus lors de futurs corps-à-corps… » Comme si cette crise ne remettait pas en cause que notre modèle économique, social ou environnemental, mais faisait naître d’autres envies de changements.
Et parce que beaucoup de gens sont confinés seuls, témoignages, questions et demandes de conseils sur la masturbation sont de la partie. « Avez-vous des propositions d’innovation pour pimenter un peu la masturbation, seul plaisir charnel qu’il reste aux confinés solitaires ? » Jusqu’à ce cri du corps… ou du cœur d’un lecteur. « En cette période, je redoute l’excès de masturbation… »
Manger : une bouée de sauvetage
Avant la ruée sur les masques, la course aux pâtes ! Le confinement n’était pas encore annoncé officiellement que le premier symbole alimentaire de la crise du coronavirus avait pris la forme d’un paquet de nouilles, objet de toutes les convoitises partout en France avec les rouleaux de papier toilette. Il a été depuis rejoint par le paquet de farine, denrée rare et raflée par celles et ceux qui suivent les recettes de pain et de gâteaux publiées chaque jour sur la Toile. « Merci de demander à vos lecteurs d’arrêter de stocker dix sachets de farine à la maison et de faire des crêpes et des gâteaux, j’ai besoin de faire mes propres pâtes », nous admoneste-t-on. Certains se sentent « un peu responsables » de la pénurie, parce qu’ils mangent « des crêpes à l’apéro » désormais, mais cette passion retrouvée pour la cuisine leur laisse entrevoir un « nouvel âge d’or de la pâtisserie ».
La vraie angoisse, celle qui noue l’estomac de nombre de lecteurs est celle des repas. Seul ou à deux, à quatre ou à huit, sans l’appui des cantines scolaires, des restaurants d’entreprises ou des déjeuners d’affaires, il faut préparer des plats midi et soir, avec un appétit pas toujours au beau fixe. « La nourriture devient un problème car plus d’appétit, je m’oblige à cuisiner une fois par jour avec mon mari, je prends le temps de cuisiner pour perdre le temps. On fait un seul repas par jour mais qui s’éternise, on refait le monde… avec un bon verre de vin rouge. »
« Marre de manger toujours la même chose ou plus d’idées… Faites un échange avec vos voisins. Ils vous cuisinent un repas surprise et vous faites de même pour eux »
Parfois, le casse-tête culinaire vire au psychodrame familial. « Après trois semaines ensemble, parents et trois enfants de 3 à 8 ans, les enfants ne supportent plus le temps du repas avec leurs parents, en particulier notre fille de 8 ans. Faut-il limiter ce moment familial à une à deux fois par semaine pour éviter que les enfants vivent le repas comme un cauchemar, et organiser en majorité des repas entre enfants d’une part et entre parents d’autre part ? »
Certains de nos lecteurs n’ont pas de recettes à partager mais des bons plans pour varier les plaisirs gustatifs et déconfiner les papilles. « Histoire de rompre le quotidien, je propose de se faire un resto confiné. Je m’explique. Marre de manger toujours la même chose ou plus d’idées de repas. Faites un échange avec vos voisins. Ils vous cuisinent un repas surprise et vous faites de même pour eux. Chacun mange chez soi, et il faut respecter les gestes barrières lors des livraisons des repas. »
Recettes, bons plans, idées de menus… dans l’actualité déprimante du moment, la nourriture est devenue une bouée de sauvetage – et parfois une bouée tout court – pour garder la tête hors de l’eau. De quoi interpeller ce lecteur, manifestement rassasié. « Pourquoi les Français sont-ils obsédés par la bouffe, et y a t-il d’autres pays aussi obsédés que nous ? » On ne sait pas, mais tout le monde ne s’est pas rué sur le frigo et les gâteaux. A l’image d’Alex, qui « s’attendait à dévorer pendant le confinement », et qui, perplexe, se demande si c’est « la peur de grossir, de manquer ou le changement de perspective par rapport à la nourriture » qui lui coupent finalement l’appétit.
Seuls face à nous-mêmes
D’autres produits sont en rupture de stock, faute de canaux d’approvisionnement, tels les stupéfiants divers et variés. « Avec la fermeture des frontières, peut-on craindre une pénurie de cannabis, ainsi qu’une explosion des prix ? » ou – plus directe – « Y’a moyen de se faire livrer du cannabis à domicile ? J’pète un plomb, là », les questions sur la drogue reviennent régulièrement. Des consommateurs optimistes voient dans la crise actuelle un espoir que soit adoptée « une législation plus souple sur le cannabis », considérant la crise économique qui s’annonce et « les recettes fiscales que cela peut engendrer ».
Une autre drogue, bien légale, elle, et toujours accessible dans les magasins, préoccupe beaucoup nos lecteurs. « J’accuse une légère augmentation de ma consommation d’alcool depuis le confinement », constate pudiquement un internaute, loin d’être isolé. Côté verre à moitié plein, on se félicite de ne pas être « au Groenland, qui a interdit la vente d’alcool : je suis bien contente de vivre dans un pays qui considère les cavistes comme des commerces essentiels ! » Côté verre à moitié vide, toute addiction entraîne des problèmes, comme le constate ce lecteur aux prises avec « un stock assez important de canettes de bières vides ». « Puis-je sortir pour aller les jeter dans le conteneur ou suis-je condamné à les voir envahir mon appartement jusqu’à la fin du confinement ? », demande-t-il.
« Personnellement j’adore ce confinement, je prends le temps de vivre, je diminue progressivement mes antidépresseurs tellement je me sens bien »
Derrière les blagues, récurrentes dans les questions qui nous parviennent, nombreux sont les témoignages de personnes souffrant de troubles psychologiques, isolées par le confinement. « Il y a plein de gens autour de moi qui ne veulent que mon bien, constate un lecteur, mais je sens la déprime me gagner, chaque petit geste hors de mes habitudes me contrarie et je vis ça comme une agression violente. Que faire avant que je ne commette l’irréparable ? » Un lecteur souffrant d’autisme constate qu’il a « de plus en plus de mal a [se] gérer dans la vie quotidienne pendant le confinement. Les personnes qui m’aident dans le cadre de mon autisme sont elles aussi confinées et je suis tout seul du coup. »
Une lectrice, « patiente dans un hôpital de jour psychiatrique, fermé jusqu’à nouvel ordre », s’inquiète des conséquences du confinement sur les patients qu’elle y croisait ; un lecteur s’interroge sur le nombre de « morts indirectes de type suicides, dépression liée à une perte de travail, de logement, de séparation » provoquées par le confinement, et le ratio entre « les “vies sauvées à l’hôpital” et les “vies détruites par le confinement” »
Tout n’est pas noir pour autant, y compris pour certains, qui étaient en souffrance psychologique avant. « Personnellement j’adore ce confinement, je prends le temps de vivre, je diminue progressivement mes antidépresseurs tellement je me sens bien », constate, un peu surprise, une lectrice qui semble décidée à voir le bon côté de la situation. « Plus de stress du tout », elle fait aussi « des économies forcées » et va « pouvoir rembourser en deux mois la totalité de [ses] petits prêts à la consommation ». Et, ajoute-t-elle, « on n’est plus emmerdés sans arrêt par les appels téléphoniques pour l’isolation à un euro ».
De façon surprenante, ils sont nombreux, ces « confinés heureux » malgré les galères du quotidien et l’angoisse de « l’après ». La plupart d’entre eux semblent obéir à la même philosophie, résumée par un internaute sous forme de liste de points à retenir, tel un mantra. « Premièrement, en l’absence de fatigue, on n’est pas la même personne. Deuxièmement, le temps est précieux. Et troisièmement, j’aime des gens et des gens m’aiment. Restez chez vous. »

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