Paris, le samedi 18 avril 2020 - Imprévisible. Crise inédite. Les commentateurs n’ont de cesse de répéter que la crise sanitaire à laquelle nous faisons face n’avait été (et n’aurait pu être ?) envisagée par aucun spécialiste, aucun institut. De telles déclarations sont notamment destinées à nuancer la violence de certaines critiques formulées contre les gouvernements. Il est vrai que les réactualisations fréquentes par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) de ses informations sur le niveau de préparation du monde à une "pandémie" n’ont semble-t-il pas été assez convaincantes pour inciter la plupart des pays du monde à une attention soutenue.
Souviens-toi de 69
Néanmoins, parallèlement à cette conviction forte régulièrement exprimée du caractère imprévisible de cette pandémie, en raison de notre habitude d’analyser le présent en utilisant les enseignements du passé, beaucoup ont rappelé y compris dans ces colonnes que de précédentes épidémies au cours du siècle dernier avaient pu entraîner d’importantes surmortalités et un dépassement des capacités de soins. Satisfaisantes pour l’esprit, et permettant de mesurer combien nous vivons un éternel recommencement, ces comparaisons pourraient cependant ne pas être totalement suffisantes pour convaincre que la situation actuelle aurait pu être mieux préparée, tant les évolutions ont été nombreuses.
Des fléaux réguliers
Pourtant, même l’histoire très récente comptait des éléments révélateurs de quelques-uns des points clés de la crise actuelle, notamment concernant les capacités des hôpitaux. Il suffisait ainsi de se pencher sur le récit des épidémies de grippe du siècle actuel pour préjuger que les hôpitaux français pourraient être rapidement dépassés par une crise plus grave. « Depuis mi 2013, les grippes saisonnières de l’hiver 2013/2014, et dans une moindre mesure celles de l’hiver 2015/2016 comme celle de l’hiver en cours ont eu peu d’impact sur la mortalité. C’est loin d’être le cas pour les quatre autres hivers de la période, à commencer par ceux des trois dernières années : sur les premiers mois de 2019, Santé publique France a observé un « excès de mortalité », toutes causes confondues, de 12 000 environ au cours de l’épidémie de grippe, à comparer à celui observé en 2016-2017 (21 000 environ) et 2017-2018 (18 000 environ). En croisant ces données d’état civil avec celles qui remontent du système de soins (médecins et hôpitaux du réseau « sentinelle »), Santé publique France produit une estimation du nombre de décès qui peut être attribué en première intention à la grippe, et qui représente environ 70 % de cet « excès de mortalité ». La grippe n’est en effet pas la seule épidémie hivernale, et une modélisation est nécessaire : elle est permise par l’observation répétée, sur de nombreuses années, de la succession d’épidémies de grippe et de gastro-entérite notamment » analyse l’INSEE dans une note récente publiée sur son blog (qui invite donc par ailleurs à ne pas précipiter les interprétations concernant la mise en évidence de surmortalités).
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