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vendredi 17 avril 2020

Tristan Garcia : “Au lieu de nous unir, l’épidémie accentue ce qui nous différencie”

© Philippe LOPEZ/AFP
Le 3 avril, à Paris, un DJ joue pour ses voisins en train d’applaudir le personnel soignant à 20 heures. © Philippe LOPEZ/AFP

Alors que le discours politique insiste sur l’unité nationale à l’heure du confinement et de la lutte contre l’épidémie, le philosophe Tristan Garcia estime au contraire que la situation actuelle creuse les clivages économiques et identitaires.

TRISTAN GARCIA

Romancier et philosophe, maître de conférences à l’université Jean-Moulin-Lyon-3, il s’est imposé comme une figure du renouveau de la métaphysique en France avec sa somme Forme et objet. Un traité des choses (“MétaphysiqueS”, PUF, 2011 ; réédité cette année dans la collection “Quadrige”). Dans Nous (Grasset, 2016 ; Le Livre de poche, 2018), il aborde la politique sous l’angle de l’appartenance individuelle et collective à des “nous plus ou moins étendus et intenses. Dernier ouvrage paru : Ce qui commence et ce qui finit. Kaléidoscope II, (Léo Scheer, 2020).

En cette période d’épidémie et de confinement, le thème de l’union nationale est souvent brandi par les autorités. Pensez-vous que cette expérience nous rassemble ou qu’au contraire elle nous divise ? 

“La grande passion de l’époque n’est pas du côté de l’universel, elle est du côté du particulier”

Tristan Garcia

Tristan Garcia : Beaucoup ont d’abord affirmé que la situation allait « tous nous rassembler ». On sent bien que c’est l’inverse qui se produit. Dès la deuxième semaine de confinement, l’idée d’une expérience commune à tous a commencé à s’effriter : elle ne tenait sans doute que parce qu’au début, seuls les plus privilégiés s’exprimaient. Très vite, on a vu qu’en réalité l’épidémie, au lieu de nous unir, accentue et révèle ce qui nous différencie. Cela vient confirmer une tendance de fond, à l’œuvre depuis le début du XXIe siècle : les grands discours d’union ou d’unité – les discours qui mobilisent un « nous » très large, qui disent en substance « nous sommes tous dans le même bateau » – tiennent mal, et de moins en moins longtemps. Souvenons-nous du slogan « Je suis Charlie » : il n’a pas duré longtemps. Il a vite servi, aussi, à rechercher qui ne l’était pas. La grande passion de l’époque n’est pas du côté de l’universel ; elle est du côté du particulier. La quête idéalisée de l’universel valait pour le XXe siècle ; désormais, l’attention se porte beaucoup plus rapidement sur les fractures économiques, sociales, identitaires.

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