Bonjour,
Votre question fait écho à de nombreuses interrogations reçues par CheckNews, sur le bilan comparé du Covid-19 et de la grippe saisonnière. 
Depuis trois semaines, dans le contexte de l’épidémie de Covid-19, l’Insee publie chaque vendredi des statistiques permettant de mesurer la surmortalité chaque semaine par rapport aux deux années précédentes.
L’Insee, qui doit observer un délai d’une dizaine de jours avant de pouvoir accéder aux chiffres, a publié vendredi 10 avril des données sur la période du 1er au 30 mars.
Entre le 1er et le 30 mars 2020, 57 441 personnes sont décédées en France. C’est davantage que sur la même période en 2019 (52 011) mais c’est effectivement moins qu’en 2018 (58 641). 
Les régions les plus fortement touchées par le Covid-19 (Grand Est ou Ile-de-France affichent une mortalité supérieure en mars 2020 qu’en mars 2018 – respectivement +17% et + 22%). En revanche, en Bourgogne Franche-Comté ou dans les Hauts-de-France, autres régions fortement frappées par l’épidémie en cours, il y a avait eu davantage de morts en mars 2018 qu’il n’y en a eu en mars 2020.
La mortalité de mars 2018 s’explique par le fait que la grippe de l’hiver 2017-2018 avait duré exceptionnellement longtemps cette année-là. Selon le bulletin épidémiologique de Santé publique France, l’épidémie de grippe a ainsi connu un de ses deux pics de surmortalité dans la semaine du 5 au 11 mars 2018. 
A l’inverse, avant que les premiers morts du Covid (surtout dans la deuxième quinzaine du mois de mars), ne commencent à se faire déplorer, le mois de mars 2020 avait été relativement épargné par la grippe.
Ainsi, au 15 mars, il y avait eu 26 405 décès en 2020, contre 30 995 sur la première quinzaine de 2018.
C’est à partir de la semaine 12 de l’année 2020 (16 au 22 mars) que la surmortalité a commencé à apparaître au niveau national en 2020, en raison du Covid-19, avant de progresser de semaine en semaine.
Au total sur le mois de mars 2020, le nombre de décès atteint donc 57 441. L’écart de mortalité, au fil du mois, s’est beaucoup réduit par rapport au mois de mars 2018, même si le bilan 2020 est donc légèrement inférieur à celui de mars 2018. 

Près de 13 000 morts de la grippe en 2017-2018

Certains commentateurs s’appuient sur ces données pour relativiser l’importance du Covid-19, parfois en déduire que la grippe peut-être aussi mortelle, voire plus mortelle, que l’épidémie en cours. Il faut pourtant se garder de toute conclusion hâtive. 
Si comparaison devait être faite entre les deux épidémies, elle ne pourrait l’être que sur la totalité de leur durée, et pas sur un mois. Par ailleurs, la seule observation d’une surmortalité sur une période ne permet pas non plus de dresser un bilan. Il faut ensuite calculer quelle part de cet excès de mortalité être attribuable à l’épidémie. 
Pour la grippe hivernale de 2017-2018, par exemple, il avait fallu attendre la fin avril, soit un mois après la fin de l’épidémie, pour avoir un bilan préliminaire, puis plusieurs mois encore pour un bilan définitif. Ces données reposent sur des modélisations. Il ne s’agit pas d’une recension des cas ayant été l’objet d’une confirmation virologique. Une précédente réponse de CheckNews expliquait en détail comment est calculé le bilan d’une épidémie.
Au total, selon un bilan publié en octobre 2018, la surmortalité liée à la grippe saisonnière de l’hiver 2017-2018 avait été évaluée à 12 982 morts (dont 11 002 décès chez les 75 ans et plus), entre début décembre 2017 et fin mars 2018. Soit sur seize semaines. 
Ce total est un peu inférieur aux bilans, estimés par Santé publique France, des épidémies de grippe saisonnière de 2014-2015 (14 490 décès dont 13 011 chez les 75 ans et plus) et 2016-2017 (14 358 décès dont 13 136 chez les 75 ans et plus). 
Pour le Covid-19, il faudra également attendre plusieurs semaines, sinon plusieurs mois, après la fin de la vague épidémique pour connaître le bilan. Il faut donc garder en tête que les données communiquées à ce jour (9958 morts dans les hôpitaux, 5379 morts dans les Ehpad) sont à la fois imparfaites et incomplètes, notamment parce qu’elles ne prennent pas en compte les décès à domicile. Sans compter, évidemment, que ce bilan est hélas inévitablement amené à grossir dans les semaines à venir. Seule l’étude épidémiologique a posteriori réalisée par Santé publique France, permettra de chiffrer la mortalité liée à la vague du Covid-19. 

Les limites de la comparaison

En dernier lieu, la comparaison des bilans en nombre de décès ne sera pas un indicateur de la gravité des deux épidémies. En effet, la mortalité actuellement liée au Covid est observée alors même que des mesures inédites ont été prises par les autorités pour essayer de freiner la propagation du virus, précisément en raison de sa gravité. Comme cela a déjà été largement répété depuis le début de la crise, le nouveau coronavirus se distingue de la grippe saisonnière par sa plus forte contagiosité, et sa plus forte létalité.
Les données de Santé publique France montre par ailleurs, malgré les efforts pour endiguer sa propagation, l’impact du Covid-19 sur le système de santé est sans aucune commune mesure avec celui de la grippe saisonnière.
L’épidémie de grippe hivernale de 2017-2018 avait entraîné, entre novembre 2017 et mars 2018, 2922 admissions en réanimation. Le pic le plus important avait été constaté la première semaine de janvier 2018 avec 448 cas sur la semaine.
Depuis le 19 mars 2020, il y a eu en France 12 600 admissions en réanimation liées au Covid-19.
Dit autrement : pendant ces trois dernières semaines, il y a eu chaque jour en moyenne plus d’admissions en réanimation (plus de 500) à cause du Covid qu'il n'y avait eu d'admissions en réanimation pour cause de grippe pendant la pire semaine de la grippe saisonnière de 2017-2018 (448). Il y avait toujours, au 13 avril, 6 690 personnes en réanimation en France en raison du Covid-19.
Cordialement