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jeudi 16 avril 2020

Abdel Wedoud Ould Cheikh : "Il n'y a qu'à accepter humblement ce qui advient, car c'était écrit"

Par Emmanuel Laurentin et Manon Prissé
16/04/2020

Coronavirus, une conversation mondiale |L’anthropologue mauritanien Abdel Wedoud Ould Cheikh interroge la façon dont l'ébranlement épidémique du Covid-19 en Mauritanie réaffirme dans les discours et les mobilisations collectives la faiblesse de l'homme face à l'omnipotence d'Allah.
Dans l'entrée de la Mosquée Saudique de Nouakchott, un vendredi de prière.
Dans l'entrée de la Mosquée Saudique de Nouakchott, un vendredi de prière. Crédits : John Wessels - AFP
Face à la pandémie de coronavirus, Le Temps du Débat avait prévu  une série d’émissions spéciales « Coronavirus : une conversation  mondiale » pour réfléchir aux enjeux de cette épidémie, en convoquant  les savoirs et les créations des intellectuels, artistes et écrivains du monde entier. 
Cette série a dû prendre fin malheureusement après le premier épisode : « Qu'est-ce-que nous fait l'enfermement ? ». Nous avons donc décidé de continuer cette conversation mondiale en ligne en vous proposant chaque jour sur le site de France Culture le regard inédit d’un intellectuel étranger sur la crise que nous traversons.
Aujourd'hui, l'anthropologue _Abdel Wedoud Ould Cheikh_, analyse la place de la religion et des récits millénaristes dans la compréhension de la crise sanitaire en cours. 

Mektoub, le covid-19 en Mauritanie 

Plus peut-être que partout ailleurs, les catastrophes naturelles ont, de tout temps, au Sahara, exercé le rôle d'accélérateur à la fois métaphysique et politique. Dans cet univers de la pénurie chronique et de la rareté de toutes les sources de vie, où les hommes peuvent aisément se sentir de trop dans une création qui n'est manifestement guère faite pour eux, l'enchaînement sécheresse-famine-épidémie-razzia que rapportent les plus vieux récits disponibles a souvent débouché sur des mobilisations collectives aux relents millénaristes.
Des Almoravides (XIe siècle), fondateurs de Marrakech, à la guerre de Shurbubba (XVIIe siècle) qui a vu se développer, sur les rives du Sénégal, l'activité d'un prédicateur inspiré annonçant la fin de toutes les oppressions et l'instauration ultime de l'équité divine dans une atmosphère apocalyptique, on peut lire les traces de ces ébranlements périodiques venus, dans l'espace mauritanien d'aujourd'hui, réaffirmer la faiblesse et la déréliction des hommes face à l'omnipotence punitive d'Allah. La tonalité dominante des réactions observées en Mauritanie à l'approche des sombres nuages du Covid-19 semble, sans surprise, s'inscrire dans ce schéma.
Il y a pourtant de nos jours, dans cette vieille « terre d'insolence » (sayba), naguère rétive face à tous les pouvoirs, une autorité gouvernementale qui proclame « avoir les choses en main » et décider à bon escient des bonnes dispositions à prendre face à la menace de la pandémie. Les préoccupations préventives des autorités administratives paraissent, pour l'heure, bénéficier de l'assentiment général de la population de la Mauritanie, partis politiques et prescripteurs d'opinion de tous bords confondus. 

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