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jeudi 4 juillet 2019

Violences conjugales : au TGI de Pontoise, «psychologie et pédagogie»

Par Virginie Ballet — 

Violences conjugales : au TGI de Pontoise, «psychologie et pédagogie»
Violences conjugales : au TGI de Pontoise, «psychologie et pédagogie» Photo Alain Julien. AFP


Tous les vendredis dans le Val-d’Oise, les juges se penchent sur les violences conjugales. Avec le but d’éveiller les consciences.

Le chemin a été long, parfois effrayant. Mais Khadidia est catégorique : «Le résultat est positif.» Pour les violences qu’il lui a infligées, son mari vient d’être condamné en ce jour de juin à six mois de prison avec sursis, ainsi qu’à un euro de dommages et intérêts et au remboursement des frais de justice par le tribunal de grande instance de Pontoise (Val-d’Oise). Ici, chaque vendredi, se tiennent des «audiences famille». Y sont jugées des affaires de pensions alimentaires, de violences sur les enfants, et surtout de violences conjugales, par des magistrats spécialisés. Environ 220 000 femmes de 18 à 75 ans sont victimes d’une forme de violence de la part de leur conjoint chaque année en France (1).

Poing ou pied

Aide-soignante de 40 ans, Khadidia n’aurait «jamais pensé mettre les pieds dans un tribunal». Pourtant, après neuf années d’un mariage très vite émaillé d’insultes et de coups de poing ou de pied, la jeune femme a un déclic l’année dernière, quand son fils de 8 ans confie recevoir des coups de ceinture de la part de son père : «Jusqu’alors, j’avais toujours retiré mes plaintes, pour lui laisser d’autres chances… Mais là, je me suis dit, soit mon fils va mourir soit c’est moi.» Au commissariat, elle a un choc quand on lui dit qu’une femme est tuée tous les trois jours par son conjoint. «Les policiers m’ont fait comprendre que revenir en arrière, c’était me mettre en danger de mort»,analyse-t-elle. Pris en charge par une assistante sociale, Khadidia et son fils sont mis à l’abri dans un hôtel pendant plusieurs mois. «Parfois, je perdais espoir. Je me disais : c’est bien beau toutes ces campagnes télé sur les violences faites aux femmes, mais s’il n’y avait rien au bout ?» La quadragénaire, tee-shirt bigarré et foulard assorti, sait désormais que «ce n’est pas ça l’amour», et veut divorcer.

C’est ce genre de prise de conscience qu’espère la juge Sophie Baudis, qui préside l’audience ce vendredi-là. «Les affaires de violences conjugales nécessitent de prendre en compte l’aspect psychologique, voire de faire de la pédagogie, à la fois chez les victimes, mais aussi auprès des prévenus, observe-t-elle. Il faut parfois leur faire comprendre qu’on n’est plus au temps de Cro-Magnon, et qu’avoir été trompé, par exemple, ne justifie pas la violence.» Pour bénéficier d’un peu plus de temps, les audiences famille sont limitées à une dizaine de dossiers. Avec des similitudes qui agacent parfois Sophie Baudis : «Combien de fois ai-je entendu "ma femme marque vite" ? Ou encore "je ne suis pas quelqu’un de violent" ?» souffle-t-elle.

«Les brûler»

Amir (2), lui, a travaillé sur la violence. En fait, il n’a pas eu le choix : son contrôle judiciaire incluait des séances en groupe sur ces notions. S’il en est arrivé là, c’est qu’il est accusé d’avoir frappé au visage sa femme, un soir de décembre, devant leurs trois enfants, alors qu’il avait bu. A la barre, un peu engoncé dans sa chemise, cheveux disciplinés et mocassins en daim flambant neufs, il se dit «prêt à avancer», mais assure qu’il «ne se souvient pas» de l’avoir frappée. «J’ai crié, je l’ai insultée… Je ne suis pas fier de ce que j’ai fait à ma femme», concède le quadragénaire, chauffeur VTC en recherche d’emploi.

Quelques mètres derrière, sa femme, elle, rétropédale. Aux gendarmes, elle a déclaré qu’Amir lui a lancé «les filles comme toi, il faut les brûler», et «tout ce que tu mérites, c’est de passer par la fenêtre». Elle a aussi dit sa «peur».Mais désormais, elle assure avoir «exagéré» et va jusqu’à mettre en cause son «fort tempérament», exacerbé par des«problèmes hormonaux». «Cela n’excuse rien», souligne la présidente. Amir sera finalement relaxé «au bénéfice du doute» et au vu du chemin parcouru. Au couple, la juge Sophie Baudis martèle : «Si les disputes n’évoluent pas dans le bon sens, Madame, il faudra le dire. Et vous avez aussi le droit de vous séparer.» Pour l’heure, c’est ensemble qu’ils quittent l’audience.
(1) Selon l’enquête Cadre de vie et sécurité menée par l’Insee et l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale. (2) Le prénom a été modifié.

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