« Que les personnes placées sous main de justice bénéficient, au même titre que l'ensemble de la population, des avancées de nos politiques de prévention et de soins », tel est l'objectif que se fixent les ministères de la Justice et de la Santé dans leur feuille de route pour 2019-2022. Ce qui revient à traduire dans la réalité, la loi du 18 janvier 1994 qui indique que les personnes sous main de justice aient accès à une qualité de soins équivalente à celle de la population générale.
Réactualiser les données de 2004 sur la santé mentale
Préparée depuis 2017, cette « stratégie santé pour les personnes placées sous main de justice » (PPSMJ) comporte 28 actions réparties en six axes, dont le premier porte sur la connaissance de la santé des détenus. L'enquête* référence pour la santé mentale qui révèle que la majorité des détenus (56 %) présentent des troubles anxieux, 38 %, un syndrome dépressif et un quart des détenus souffrent de troubles psychotiques, date de 2004. Deux études scientifiques vont être lancées « immédiatement », selon le gouvernement. La première, financée à hauteur d'un million d'euros par le ministère de la Justice, est une étude rétrospective longitudinale qui porte sur la prévalence des troubles mentaux à l'entrée en prison et leurs facteurs d'évolution sur un an au moins ; la seconde, qui devrait être pilotée par l'équipe du Pr Pierre Thomas (CHRU Lille), soutenue par le ministère de la Santé, se penchera sur l'état de santé des sortants de maisons d'arrêt. Les résultats ne sont pas attendus avant la fin du plan.
Des réflexions sur les UHSA et le repérage des addictions
En attendant, la feuille de route rappelle qu'une réflexion est en cours pour définir les modalités de déploiement de nouvelles places en unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) (structures hospitalières sécurisées destinées aux détenus souffrant de pathologies psychiatriques lourdes) à partir d'une évaluation des 416 premières places créées – évaluation qui n'a pas été rendue publique, note-t-on. L'évolution des suspensions de peine pour raison médicale – inexistantes en santé mentale, déplorent les médecins – devrait être analysée.
La feuille de route prévoit aussi de confier une mission au centre national du sida et des hépatites pour améliorer le dépistage du VIH, VHB et VHC, et demande un meilleur repérage de la tuberculose et des addictions. Les professionnels de santé devront être formés à la remise de kits de naloxone aux sortants de prison. Des groupes de travail devraient être montés pour travailler sur la prise en charge des femmes et des transgenres.
En revanche, la feuille de route ne dit rien sur le développement de la politique de réduction des risques en prison, et notamment du programme d'échange de seringue. Le décret qui devait le mettre en œuvre en 2017 n'est jamais paru, faute d'un consensus entre administration pénitentiaire (qui voulait restreindre ces outils aux unités sanitaires) et soignants (qui voyaient dans cette modalité la création d'une salle de shoot).
Prévention et accès aux soins
Plus largement, le plan décline la politique de prévention du gouvernement en milieu carcéral : généralisation du moi(s) sans tabac, renforcement des actions de prévention du suicide, inscription des mineurs pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse dans un parcours santé jeunes de l'Assurance-maladie.
En termes d'accès aux soins, la télémédecine devrait être déployée dans l'ensemble des unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP) d'ici à 2022, en particulier pour les consultations de dermatologie, d'ophtalmologie ou de pré-anesthésie – mais aucune enveloppe spécifique n'est prévue au-delà des crédits inscrits dans le PLFSS pour 2019.
Toutes les régions devront proposer aux étudiants des terrains de stage et de service sanitaire auprès des PPSMJ, avec l'objectif de rendre l'exercice en prison attractif (22 % des postes de médecins psychiatres n'étaient pas pourvus en 2016 – ce que dénonçait dans nos colonnes la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté).
Repérer la dépendance et garantir la continuité des soins
En 2015, l'on recensait 185 personnes en situation de handicap ou de dépendance liée à l'âge (soit 0,3 % des détenus). Aussi, le gouvernement entend développer un outil de repérage de la perte d'autonomie utilisable par le personnel pénitentiaire.
Enfin, des travaux sont en cours pour identifier les dispositifs à même de garantir une continuité de la prise en charge à la sortie de prison, comme les structures d'accompagnement vers la sortie, ou lesconsultations extra-carcérales.
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