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mardi 2 juillet 2019

Derrière les arrêts, des soignants et syndicats essorés

Par Amandine Cailhol — 
A Paris, le 6 juin, des personnels des services d’urgences défilaient de la gare Montparnasse au ministère de la Santé pour demander des hausses de salaires et plus d’effectifs.

A Paris, le 6 juin, des personnels des services d’urgences défilaient de la gare Montparnasse au ministère de la Santé pour demander des hausses de salaires et plus d’effectifs. Photo Albert Facelly

Décriés par Agnès Buzyn, les arrêts maladie des personnels sont à la fois une façon de se faire entendre et le symptôme d’un burn-out généralisé.

L’affaire avait déclenché les foudres de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Portés pâles en plein mouvement de grève, les soignants des urgences de l’hôpital public de Lariboisière, à Paris, ne s’étaient pas présentés à leurs postes dans la nuit du 3 au 4 juin. Quelques jours plus tard, des salariés de l’hôpital voisin de Saint-Antoine leur emboîtaient le pas. Le 24 juin, le scénario se répétait au CHU de Besançon. «Personne ne répond aux signaux d’alerte», racontait alors un infirmier en arrêt de travail. De quoi pousser les équipes, face à «un épuisement professionnel», à se «mettre en arrêt avant de commettre de graves erreurs».
Sans tarder, Buzyn avait critiqué un «dévoi[ement] de ce qu’est un arrêt maladie». Une réaction «très maladroite», juge l’urgentiste Christophe Prudhomme, de la CGT Santé. Il rappelle que si ces arrêtsont été concomitants, ils n’en demeurent pas moins «justifiés» et signés par des médecins : «Les gens sont épuisés. A l’hôpital, même malades, les soignants continuent de travailler, ils ne veulent pas reporter la charge sur les collègues. Ils sont au bout du rouleau.»
«Cela veut dire que la souffrance est généralisée, abonde Olivier Youinou, de SUD Santé à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). On joue souvent sur la dévotion, sur l’engagement des soignants. Mais là, ils disent stop.» «C’était le moment d’envoyer un signal fort», expliquait début juin Hugo Huon, infirmier et membre du collectif Inter-Urgences, au cœur du mouvement social qui secoue les hôpitaux depuis plus de trois mois. «Ce qui devait arriver est arriv é», nuançait lundi Candice Lafargue, de ce même collectif. Elle pointe un «effet buzz»autour de ces arrêts maladie, alors qu’«il y en a tous les jours dans les services. Ça fait dix ans qu’on est en burn-out !»
«C’est un mode de protestation, mais certainement pas un mot d’ordre syndical», résume de son côté Christophe Prudhomme. Ce type d’action n’est d’ailleurs pas si nouveau, selon le médecin cégétiste, même si sa dimension nationale est «inédite» : «On retrouve cela dans les corps où la grève classique est impossible, chez les pompiers, les CRS. Face à un gouvernement qui dévalorise les représentants syndicaux, les soignants sont obligés de s’exprimer d’une autre manière.»
Ces arrêts de travail sont aussi révélateurs d’un autre épuisement : celui de l’action syndicale, qui peine à faire entendre les revendications du personnel, et à convaincre les soignants. Preuve en est, depuis le début du mouvement social, les syndicats sont au deuxième plan derrière le collectif Inter-Urgences qui s’est peu à peu structuré. «Les syndicalistes, forts de leur expérience, demeurent un soutien», note Olivier Youinou, de SUD Santé. Mais il le reconnaît : «Cette autogestion les bouscule. Elle doit les faire réfléchir et les inviter à quitter les discussions sous les dorures de la République pour partager davantage le quotidien des soignants.»

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