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vendredi 5 juillet 2019

Ecoféminisme : Françoise d’Eaubonne, révolutionnaire du désir

Par Léa Mormin-Chauvac — 
Ecoféminisme : Françoise d’Eaubonne, révolutionnaire du désir
Ecoféminisme : Françoise d’Eaubonne, révolutionnaire du désir Roger Viollet

Ecrivaine libertaire, la théoricienne féministe était une militante éloignée du milieu universitaire. Elle est à l’origine du concept d’«écoféminisme».

Elle a chanté la révolution sexuelle sur l’air de la Mauvaise réputation, interrompu des conférences contre l’avortement à coups de saucisson, milité pour l’Algérie indépendante, contre la peine de mort, pour la contraception, contre les prisons. Qui est Françoise d’Eaubonne, à qui l’on doit les concepts d’«écoféminisme«et de «phallocratie» ? Résistante, écrivaine et surtout féministe, cette théoricienne, loin du monde académique, a publié plus de 50 romans et essais.

«Vive le féminisme !» et… l’écologie

Née en 1920 à Paris, Françoise d’Eaubonne grandit à Toulouse dans une famille joyeuse et désargentée. Des Piston d’Eaubonne, ces «corsaires, fameux casseurs d’assiette» dont elle est fière, elle n’héritera que de la particule. A la Libération, la résistante D’Eaubonne s’engage au Parti communiste (PC), qu’elle quittera, comme beaucoup, pendant la guerre d’Algérie. L’égalité des sexes, elle y vient très tôt : à 11 ans, défiant les sœurs dominicaines, elle inscrit «Vive le féminisme !» sur le parvis du couvent des dames. La lecture du Deuxième Sexechange sa vie. «Nous sommes toutes vengées», écrit-elle à Simone de Beauvoir, qui devient son amie. Jeune mariée, elle largue son époux sur les marches de l’église. Le couple, très peu pour elle ! Françoise d’Eaubonne militera beaucoup contre le mariage, cette «institution bourgeoise».Et la psychiatrie, qui lobotomise les homosexuels et écrabouille les femmes. «Homosexuels et femmes émancipées se donnent la main», disent-ils fièrement au Front homosexuel d’action révolutionnaire (Fhar), dont elle est une des fondatrices, paraphrasant un abbé homophobe.
Au Mouvement de libération des femmes (MLF), où elle est aussi pionnière, elle propose une section «Ecologie et Féminisme», reliant oppression patriarcale (des femmes) et destruction capitaliste (de la Terre). Elle théorise cette articulation dans l’essai Ecologie et Féminisme, réédité en 2018, c’est dire à quel point d’Eaubonne avait du pif. Sa vision de l’écologie ? Radicale, comme tous ses engagements.

Une anarchiste libertaire

Françoise d’Eaubonne fait partie des quelques militants qui commettent un attentat à l’explosif contre la centrale de Fessenheim. «Je suis évidemment pour le terrorisme !»affirme-t-elle au micro de Jacques Chancel en 1977. Autre temps. Anarchiste libertaire, elle annonce, en 1976, dans les colonnes de Libération son mariage avec le détenu Pierre Sanna, condamné (à tort, selon elle) à vingt ans de réclusion pour meurtre. A ces détenus devenus pour certains amis de plume, elle fait lire son essai le Féminisme ou la Mort (1974). L’ouvrage, discuté en promenade, permet aux lecteurs d’Eaubonne de traiter de «phallocrates», un mot qu’elle a d’ailleurs créé, les maquereaux qui l’ouvrent un peu trop… Les Femmes avant le patriarcat (1976), l’autre de ses textes les plus remarqués, revient sur le mythe d’une domination masculine «existant depuis l’origine de l’humanité». Il faut écouter Françoise d’Eaubonne s’entretenir avec Jacques Chancel en 1977. Alors que le présentateur s’excuse pour sa voix enrouée par une bronchite, D’Eaubonne, guillerette, lui donne «une des vieilles recettes des sorcières d’autrefois qui sont devenues les remèdes de bonne femme» : plonger un fer rouge dans un bol de lait, et boire le liquide. «Ce n’est pas une superstition, ça marche !» Plus tard, Chancel s’exclame : «Vous vous battez pour les droits des femmes, pour la révolution sexuelle, pour les prisonniers… Vous n’en finirez pas de vous battre, dans votre vie, Françoise !»A une amie qui lui demandait si elle n’avait pas atteint l’âge de la sérénité, elle répondait : «Je serai en sécurité et sereine quand je serai dans ma tombe.» Entourée toute sa vie d’amis amants camarades militants, elle a fini sa vie relativement seule, dans un foyer d’artistes âgés du quartier de Montparnasse.

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