Le 4 décembre, la justice a ordonné la compensation des « préjudices moraux » subis par le frère de deux enfants atteints d’une maladie génétique non diagnostiquée in utero.
C’était en CE1, à l’âge où d’ordinaire l’on s’affaire plus à jouer à chat qu’à s’interroger sur son avenir. Camille (*), 7 ans, avait déjà conscience du fossé qui l’éloignait de ses camarades. « Il fallait que j’aie des bonnes notes pour faire de bonnes études, pour trouver un bon travail et un bon logement, pour pouvoir accueillir un jour mon petit frère », se souvient l’adolescente, aujourd’hui âgée de 14 ans.
Un an et demi seulement les sépare. Leurs visages sont si ressemblants que parfois certains en viennent à les confondre. Entre eux, il y a pourtant un abîme infini : Lucas est autiste, Camille est, comme l’on dit, « normale », même si elle « déteste ce mot ». « La vie a fait que je suis la sœur de Lucas, et que c’est différent pour lui, donc pour moi aussi », résume la collégienne, qui vit à Paris.
Depuis que le diagnostic a été posé, quand le petit garçon a eu 4 ans, Camille est devenue « comme une médiatrice entre lui et le monde extérieur ». Dans leur école primaire, la fillette entendait souvent les cris de son frère à travers les murs, deux classes plus loin. Les instituteurs, désarmés, venaient lui demander des conseils pour le canaliser. Combien de leçons sur le handicap a-t-elle dû prodiguer à ses camarades de classe qui se traitaient les uns les autres d’autistes ? Une mission « parfois lourde à porter » et qui fait « grandir plus vite », reconnaît l’adolescente.
Les préoccupations de ceux de son âge lui semblent bien dérisoires à côté de ce qu’il se passe le soir chez elle. Il y a « les parents fatigués, qui ont moins de temps pour nous », cette jalousie et ce sentiment d’injustice de les voir « toujours prendre la défense de Lucas ». La nécessité d’être un modèle irréprochable, car Lucas veut l’imiter en tout. « Quand je sors avec des amis, il veut faire la même chose, sauf qu’il n’a pas d’amis. J’ai des chances qu’il n’aura jamais », dit Camille.