par Gilles Bataillon publié le 24 février 2021
Le petit livre de Michel Magny fait le point sur les conséquences, parfois désastreuses, de l’action anthropique sur Terre.
(Silveri/Painpicture)
Le spécialiste de chrono-environnement Michel Magny dresse une synthèse rigoureuse de cette nouvelle époque géologique, l’Anthropocène, qui est la nôtre. Une époque, commencée à la fin du XVIIIe siècle, où «l’humanité apparaît désormais comme une véritable force géologique capable de supplanter les facteurs naturels pour influencer et modifier elle-même la trajectoire de l’écosystème terrestre dans sa globalité».
Le mot a été inventé en 2000 par le chimiste hollandais Paul Crutzen, mais les travaux concernant l’action anthropique sur la Terre s’inscrivent dans une longue tradition. Au XIXe et au XXe siècles, de grands naturalistes, comme des philosophes, se sont interrogés non seulement sur cette action anthropique, mais aussi sur ses conséquences. Si les débats sur la nature exacte de l’Anthropocène au regard de l’échelle des temps géologiques sont nombreux et vifs, un consensus scientifique s’est imposé sur le fait que nous sommes indéniablement à un point de bascule et de crise. Le système Terre, du fait des activités humaines, pourrait devenir à terme non viable, ce qui n’est pas pour autant une absence de futur pour la planète mais pour l’espèce qui l’a colonisée et a cru s’en rendre maîtresse, homo sapiens. L’Anthropocène est une série de perturbations anthropiques majeures dont les effets combinés menacent l’écosystème terrestre : des changements disruptifs du climat, un effondrement de la biodiversité, des phénomènes de pollution, une artificialisation accrue de la terre et, pour finir, une humanité devenue pléthorique.
Crise écologique
Si ces phénomènes sont apparus de façon concomitante avec l’expansion coloniale de l’Europe et celle du capitalisme, s’ils se sont accélérés avec l’essor du néolibéralisme dans les années 90, Magny démontre que l’on ne saurait pour autant réduire l’Anthropocène à un «Capitalocène». L’Anthropocène a été précédé d’un Paléoanthropocène dont les débuts sont parallèles à la colonisation de la planète par homo sapiens. Pensons à la disparition de la mégafaune à la fin du Quaternaire. La marque de cette action anthropique sur la planète s’accélère avec la révolution du Néolithique, l’invention de l’agriculture, de la sédentarisation et de la division sociale.
Comme l’écrivait déjà Michel Magny dans un livre précédent (Aux racines de l’Anthropocène, le Bord de l’eau, 2019), la crise écologique, qui est consubstantielle à l’Anthropocène, est une crise de civilisation, une crise d’un système productiviste qu’ont révéré et que révèrent en commun des élites dirigeantes aussi différentes que celles des régimes totalitaires communistes, celles des pays du Sud ou des démocraties occidentales, et ce tout au long des XIXe et XXe siècles. Loin d’appeler à une dictature des experts du climat, – dont il est –, au nom d’un Tina (There is no alternative) écologique, Michel Magny invite au contraire à une réflexion inspirée de la philosophie politique pour faire face à cette crise. L’impératif n’est plus de privilégier ni le court terme ni le bien-être d’une minorité, mais de penser à moyen et long terme les homo sapiens comme partie prenante d’un ensemble qui les dépasse et dont ils sont solidaires, le système terrestre.
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