Par Élodie Soulié Le 21 février 2021
Le Centre d’évaluation pour jeunes adultes et adolescents (C’JAAD), dédié aux 15-30 ans, diagnostique les troubles psychiques et les prend en charge, précocement et gratuitement.
À l'heure des confinements, des restrictions infligées à la vie affective et sociale, de l'absence de réelle visibilité sur l'avenir, ce centre dédié aux parisiens et franciliens de 15 à 30 ans, est l'un des piliers de la prise en charge précoce, -et gratuite-, pour un diagnostic et une orientation vers les soins adaptés.
Traque de symptômes
Chaque nouveau patient commence par une batterie de consultations, d'examens biologiques et d'imagerie, voire de tests neuropsychologiques, afin de « ne rien laisser au hasard » dans cette traque de symptômes qui peuvent cacher de véritables maladies psychiatriques. Parmi elles, la schizophrénie, dont les troubles se révèlent à cette période cruciale entre l'adolescence et l'âge adulte, et qui touche plus de 600 000 personnes.
Qu'ils viennent de leur propre initiative, avec leurs parents, adressés par un médecin généraliste ou scolaire, « l'idée est de proposer une aide à des jeunes qui souffrent au point d'être gênés dans leurs relations sociales et leur vie scolaire, mais qui n'avaient jamais eu de contact avec la psychiatrie, explique le Dr Valentine Morin, psychiatre responsable du C'JAAD. L'intervention précoce est essentielle, nous essayons de déceler les symptômes révélateurs et leur intensité : de l'anxiété, des difficultés de concentration, des troubles cognitifs, psychologiques, voire plus franchement des symptômes hallucinatoires, une dépression etc. »
« Le deuxième confinement a marqué un tournant »
Autant de signes grâce auxquels les professionnels du C'JAAD peuvent poser un premier diagnostic et organiser une prise en charge personnalisée et pluridisciplinaire, en moyenne durant 2 ou 3 ans. Le C'JAAD suit ainsi une cinquantaine de jeunes en file active, et reçoit 250 nouveaux cas chaque année.
Depuis les confinements, c'est parmi cette population d'étudiants que les spécialistes du C'JAAD, perçoivent l'urgence d'intervenir. « Le deuxième confinement a marqué un tournant, estime le Dr Valentine Morin. Les jeunes avaient plutôt bien vécu les premiers confinements et déconfinement car ils avaient encore des perspectives. Ils avaient fini l'année dans une souplesse d'organisation qui avait notamment annulé l'angoisse des oraux etc. À l'inverse, le confinement d'automne est arrivé à une période habituellement difficile. Ici nous avons senti que la Toussaint, c'était la période où les jeunes ont sérieusement décroché, et cela dure, le mois de janvier qui d'ordinaire allait avec un mieux, ne leur a apporté aucune perspective, avec au contraire un couvre-feu à 18 heures ».
Aider à se réinsérer
Résultat de ce contexte mortifère pour la jeunesse, « depuis un an nous avions plus de demande, en moyenne 10 par semaine, mais depuis cet automne nous sommes passés à une quinzaine, soit 50 % en plus, et au moins une prise en charge en urgence par semaine. Ceux qui arrivent pour la première fois sont majoritairement des 18-20 ans, des étudiants pour qui cette nouvelle phase de la vie est une période compliquée en soi, et plus encore dans ce contexte. Notre but est d'aider ces patients à se réinsérer, le contexte rend tout compliqué », se désole le Dr Morin.
Parmi ces jeunes dont les médecins traquent les désarrois et les troubles, assez graves pour révéler une véritable maladie mentale, Marie* (NDLR, le prénom a été modifié) estime qu'elle s'en « sort plutôt bien ». À 24 ans, la jeune femme a été diagnostiquée au C'JAAD dans la foulée d'une hospitalisation pour dépression.
«J'ai peu à peu retrouvé une vie »
« Cela m'a permis d'avancer énormément dans le sens où grâce aux soins, notamment la remédiation cognitive, j'ai peu à peu retrouvé une vie. J'ai pu renouer des contacts que je n'avais plus, reconstruire beaucoup de choses. Et je me rends compte de l'aide qu'apporte le C'JAAD par rapport à mes amis qui n'ont pas de pathologie psy, donc pas de prise en charge, et sont plus impactés que moi par le contexte sanitaire si pesant. L'impossibilité de se retrouver, les cours en visio, le masque, l'incertitude… Moi j'ai aussi la chance de suivre une formation en alternance me permet de garder une activité ».
Épaulée par les praticiens du C'JAAD, Marie va mieux et voudrait que son expérience « parle aux autres ». Qu'ils se libèrent de l'image stigmatisante de la psychiatrie, de la maladie mentale. « Quand je parle de psychologie à mes amis, souvent c'est un rejet complet », regrette la jeune femme, qui note tout de même que dans son entourage, « plusieurs jeunes ont commencé à consulter pendant cette période ».
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