Introduction
«
On peut faire de l’enfant une foule de choses dans les deux premières années de sa vie, le plier, disposer de lui, lui enseigner de bonnes habitudes, le corriger et le punir, sans qu’il arrive quoi que ce soit, sans que l’enfant se venge. Il n’empêche qu’il ne parvient à surmonter sans difficulté l’injustice qui lui a été faite qu’à la condition de pouvoir se défendre, autrement dit à la condition de pouvoir donner à sa souffrance et à sa colère une expression structurée. S’il lui est interdit de réagir, parce que les parents ne supportent pas ses réactions (cris, tristesse, colère) et les interdisent [...], l’enfant apprend à se taire. Son mutisme garantit certes l’efficacité des principes d’éducation, mais il recouvre en outre les foyers d’infection de l’évolution ultérieure. » C’est en ces termes qu’Alice Miller décrit la véritable bombe à retardement qu’est un jeune enfant maltraité, dans son magnifique ouvrage C’est pour ton bien, paru en 1984 et récemment réédité en France (Miller, 2008) [1]. En effet, les conséquences de la maltraitance précoce sont d’autant plus fréquentes et d’autant plus redoutables qu’il existe une fragilité spécifique de l’enfant. Contrairement à l’adulte, qui est capable de relativiser et de comparer, donc de reconnaître d’autres personnes ayant subi les mêmes sévices que lui (torture, incarcération arbitraire...), le petit enfant n’a aucun point de référence et aucune possibilité de partager son sentiment de révolte. Il est triplement livré à sa famille maltraitante : par les mauvais traitements eux-mêmes, par l’impossibilité d’en identifier le caractère anormal et par celle d’accuser les coupables. La situation est particulièrement aiguë chez le nourrisson, qui ne parle pas et se trouve généralement confiné au domicile. Exposé à un milieu familial nocif, il va développer de graves troubles dès ses premiers mois, troubles qui, sans intervention salvatrice, se répercuteront sur toute sa vie.
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