Le Monde avec AFP Publié le 24 février 2021
Une note de la Miviludes dresse un état des lieux des nouvelles tendances de dérives sectaires, dont certaines prospèrent à la faveur de la crise sanitaire.
Des stages survivalistes aux nouvelles Eglises, en passant par QAnon… Une note de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) remise au gouvernement et consultée mercredi 24 février par l’Agence France-Presse (AFP) dresse un état des lieux des nouvelles tendances de dérives sectaires, dont certaines prospèrent à la faveur de la crise sanitaire.
La Miviludes, qui a rédigé cette note avec les services de gendarmerie et de police, a reçu 3 008 signalements en 2020 (contre 2 800 en 2019), dont 686 jugés sérieux. Une vingtaine de procédures judiciaires ont été engagées contre des personnes qui ont profité de la crise sanitaire pour développer en France une emprise sectaire, selon la ministre déléguée à la citoyenneté, Marlène Schiappa, dans une interview à L’Obs. Elle assure qu’elle va renforcer la Miviludes, rattachée depuis l’été 2020 au ministère de l’intérieur, après avoir été dans le giron de Matignon.
« Les sectes aujourd’hui, ça n’est plus ou plus seulement l’Eglise de scientologie ou le Temple solaire, mais beaucoup de petits groupes. On en dénombre 500 en France », explique la ministre. Dans les rangs de ces 500 « petits groupes » se trouvent 140 000 personnes, dont 90 000 enfants et adolescents, précise-t-elle. Toutes les classes sociales sont concernées, mais les femmes, « plus souvent en situation de précarité ou victimes de prédations sexuelles, sont particulièrement touchées ».
Stages de jeûnes extrêmes et crudivorisme
Environ 40 % des signalements concernent des questions de santé ou de bien-être. Les signalements dans ce domaine « ne cessent d’augmenter » et « touchent l’ensemble du territoire ». Parmi les nouvelles tendances, les stages de jeûnes extrêmes, ou le crudivorisme, une pratique qui consiste à consommer les aliments crus.
Répondant à une demande grandissante de quête existentielle, certaines personnalités n’hésitent pas à proposer des soins individualisés, souvent à des « prix exorbitants (jusqu’à 100 000 euros pour un coaching individualisé) », relève la Miviludes dans sa note. Parmi ces personnalités, la note cite, entre autres, le Belge Jean-Jacques Crèvecœur, installé au Québec, qui utilise « la pandémie (…) pour dénoncer un complot de la 5G qui serait à l’origine de l’apparition du virus ».
Alors que 25 % des signalements concernent des mouvements religieux, la Miviludes considère que les Témoins de Jéhovah ont profité de la crise sanitaire pour « faire du prosélytisme abusif »auprès de la population par courriers et courriels.
Par ailleurs 383 signalements concernent des Eglises évangéliques, dont certaines « se développent grâce à des influences étrangères, qui prônent des valeurs contraires [à celles] portées par la République française : refus de l’égalité femme-homme, diabolisation de l’homosexualité, thérapies de conversion », relève la note.
Le Centre d’accueil universel ou Eglise universelle du royaume de Dieu, installé dans une trentaine de villes françaises, est aussi surveillé de près. L’un des prédicateurs a avancé que le Covid-19 n’affectait que « ceux qui ne croyaient pas en Dieu » et a incité ses adeptes à « ne pas respecter les restrictions sanitaires ».
Dérives complotistes et néocommunautés
La note précise que le complotisme « ne peut être considéré comme une dérive sectaire dans son acception juridique », mais que certains phénomènes « peuvent répondre aux critères de dérives et de nocivité ».
Parmi eux, venu des Etats-Unis et apparu il y a deux ans en France, le mouvement complotiste pro-Trump QAnon a fait l’objet de dix signalements depuis 2020, qui « constatent l’emprise et l’endoctrinement de proches ». Pour la Miviludes, « l’augmentation des membres et diffuseurs de ces fausses informations inquiète au regard de la prochaine élection présidentielle ».
La note revient également sur la mort, dans le Morbihan, d’Ulysse Tâm Hà Duong, à l’âge de 25 ans, intoxiqué par une plante lors d’un stage proposé par les adeptes du survivalisme. Parmi ces derniers, on trouve des « individus politiquement ancrés très à droite, mais également de l’ultragauche, eu égard à la défiance omniprésente contre l’Etat et ses institutions ».
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