Publié le 08/11/2019
Ce n’est pas le premier traitement qui nous est proposé pour «redonner du désir » aux femmes. Après la DHEA, le patch de testostérone et la flibansérine (qui n’a jamais eu d’AMM en France), voici un nouveau candidat, la brémélanotide, déjà commercialisé aux USA.
La brémélanotide est un analogue d’un neuropeptide endogène, l’α-mélanocortine (α-MSH), agoniste du récepteur 4 de la mélanocortine (MC4R), récepteur connu, entre autres, pour son rôle dans la régulation de l’appétit. La brémélanotide agirait sur « l’appétit sexuel » en modulant l’activité des neurotransmetteurs impliqués dans le désir et l’excitation sexuels.
La brémélanotide à la dose de 1,75 mg - ou le placebo - était auto-administrée, à la demande, par injection sous-cutanée, 45 minutes avant le rapport sexuel prévu. La patiente était examinée lors d’une injection en consultation, et la pression artérielle était mesurée 1 heure avant et 1 – 1h30 -2 heures après l’injection. Chaque patiente disposait de 12 doses pour chaque période de 4 semaines, elle ne devait pas utiliser plus d’une dose par 24 heures. Toutes les 4 semaines et à la fin du traitement, les patientes étaient interrogées et examinées : PA, ECG, bilan biologique et psychologique. L’étude durait 24 semaines.
Les femmes recrutées étaient majeures, en bonne santé, en période d’activité génitale, et étaient engagées dans une relation monogame stable. Le DSH, diagnostiqué selon les critères du « Screening Guide for Hypoactive Sexual Desire Disorder », était apparu secondairement, après au moins deux ans d’un fonctionnement sexuel jugé « normal » par la femme, et durait depuis plus de 6 mois. Etaient exclues les femmes enceintes ou allaitantes, les femmes atteintes d’un autre trouble de la fonction sexuelle, les femmes traitées pour une dépression ou une pathologie psychiatrique, et les consommatrices de stupéfiants et de psychotropes.
Plus de désir et moins d’angoisse…et des effets secondaires
Au total, 1247 femmes ont été incluses dans les deux études : 627 dans le groupe brémélanotide et 620 dans le groupe placebo.
Le premier objectif était la mesure de la variation, entre l’inclusion et la fin de l’étude, des scores d’évaluation du désir sexuel (FSFI-D pour Female Sexual Function Index – Desire domain score) et des scores d’évaluation de l’angoisse générée par les difficultés sexuelles (FSDS-DAO pour Female Sexual Distress Scale – Desire, Arousal Orgasm).
Les femmes du groupe brémélanotide vs celles du groupe placebo, ont montré, durant l’étude, une augmentation significative du score d’évaluation du désir sexuel et une réduction significative du score d’évaluation de l’angoisse générée par les difficultés sexuelles. Ces changements bénéfiques ont été observés dès les 4 premières semaines et ont persisté pendant toute la durée de l’étude.
Le second objectif était la mesure de la variation entre l’inclusion et la fin de l’étude du nombre de rapports sexuels satisfaisants survenus dans les 16 heures suivant l’injection, dans les 3 derniers jours avant l’interrogatoire mensuel.
Les femmes du groupe brémélanotide vs celles du groupe placebo n’ont pas eu un nombre significativement plus élevée de rapports sexuels satisfaisants. Mais, a posteriori, il était constaté que pour les femmes sous brémélanotide le pourcentage des rapports sexuels satisfaisants était le double de celui des femmes sous placebo.
Dans les deux études, les évènements indésirables étaient beaucoup plus fréquents dans le groupe brémélanotide : 40 % des femmes avaient eu des nausées, en moyenne 30 minutes après l’injection et durant entre 2 et 3 h, 20 % des rougeurs du visage à la suite de l’injection, et 11 % des céphalées.
Ces effets secondaires étaient exceptionnels dans le groupe placebo.
Dans les deux études, une augmentation significative de la pression artérielle en moyenne de 3 mm Hg pour la systolique et 2 mmHg pour la diastolique, a été mesurée à la suite de l’injection de brémélanotide.
Cette augmentation transitoire a duré en moyenne 8 à 10 heures.
L’AMM américaine a bien sûr tenu compte de ces effets secondaires en limitant le nombre d’injections à une par 24 heures et à 8 doses par mois, et en contre-indiquant le produit chez les femmes hypertendues ou atteintes d’une pathologie cardiovasculaire.
Décidément, la médecine a bien des difficultés à redonner du désir aux femmes.
Mais qu’en pensez-vous ? Vouloir aider les femmes à manifester leur désir, comme le Viagra aide les hommes à le faire, est-ce une victoire féministe ou une nouvelle sujétion ?
Dr Catherine Vicariot
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