Françoise Descamps-Crosnier, présidente du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), revient pour « Le Monde » sur l’insertion et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés dans le public.
Quelle est la situation des travailleurs handicapés dans la fonction publique ?
Françoise Descamps-Crosnier.- Le taux des bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) se rapproche de l’objectif des 6 % fixé par la loi [il a atteint 5,61 % en 2018, contre 5,49 % en 2017]. Cela traduit une évolution positive. Certes, une partie de cette augmentation est due au vieillissement des effectifs. Mais cette progression s’explique également par les efforts qui ont été faits pour sensibiliser des employeurs et maintenir les agents dans l’emploi, au niveau des aménagements de poste notamment.
Il existe aussi de grandes disparités entre les trois versants de la fonction publique : avec 6,76 % de travailleurs handicapés, la fonction publique territoriale dépasse le seul des 6 %, contre 5,67 % dans la fonction publique hospitalière et 4,65 % dans la fonction publique d’Etat.
Comment s’expliquent ces disparités ?
Les personnels de la fonction publique territoriale viennent en majorité des catégories B et C, catégories où l’on voit survenir plus souvent des situations d’usure professionnelle et donc de handicap. Les métiers techniques ou en lien avec des enfants, par exemple, peuvent occasionner des postures inadaptées. C’est aussi vrai dans la fonction publique hospitalière. Au demeurant, c’est aussi dans ces secteurs que l’on rencontre le plus d’absentéisme.
Les travailleurs handicapés dans la fonction publique rencontrent-ils des problèmes spécifiques ?
Toutes les personnes en situation de handicap rencontrent des difficultés semblables pour trouver ou conserver leur emploi : les préjugés des recruteurs, les postes inadaptés… Il est vrai que les agents titulaires intègrent la fonction publique par la voie du concours, ce qui semble limiter le risque de discrimination. Mais ce n’est pas le cas des agents non titulaires : les CDD, les contrats aidés…
Par ailleurs, même si des aménagements peuvent être mis en place pour les candidats en situation de handicap qui passent des concours d’entrée dans la fonction publique [un temps d’épreuve supplémentaire, par exemple], ils ne sont pas toujours suffisants.
Quel bilan faites-vous de la loi de transformation de la fonction publique, adoptée cet été, qui comprend un certain nombre de dispositions concernant les travailleurs handicapés ?
Plusieurs sont positives, comme le fait que les agents puissent conserver leur aménagement de poste en cas de changement d’employeur. Auparavant, il fallait refaire toutes les demandes ! Il est aussi prévu d’expérimenter un mécanisme de détachement et d’intégration directe pour la promotion des fonctionnaires en situation de handicap. Cela nous semble important de favoriser le maintien dans l’emploi, mais aussi l’évolution professionnelle et tout ce qui permet à la personne de se former.
L’apprentissage, en ce sens, nous paraît une bonne voie. Une expérimentation a été mise en place pour que les apprentis en situation de handicap puissent intégrer la fonction publique à l’issue de leur contrat. Des obligations plus fortes en matière d’aménagement des concours sont également prévues. La généralisation des référents handicaps, qui devront être mis en place par les employeurs, est aussi une bonne chose, mais faut voir comment ils seront formés.
D’autres dispositions ont été rejetées, comme l’instauration d’un bonus-malus financier pour les employeurs…
C’est un sujet sur lequel on va être amenés à réfléchir. Avec le système actuel, plus les employeurs sont vertueux, plus on perd de l’argent [les contributions financières des employeurs qui n’atteignent pas le seuil des 6 % de travailleurs handicapés viennent alimenter le FIPHFP] même si la fin de certaines exonérations, dont bénéficiait l’éducation nationale par exemple, va apporter des financements supplémentaires. Le rapport que la députée (LRM du Nord) Charlotte Lecocq vient de remettre sur la prévention des risques professionnels dans la fonction publique reprend d’ailleurs cette idée de bonus-malus.
Quelles autres préconisations retenez-vous du rapport de Charlotte Lecocq ?
Il est mis en avant le fait que les documents uniques d’évaluation des risques professionnels (DUERP) ne sont pas forcément utilisés, alors qu’ils doivent servir de base à la mise en place d’une politique de prévention et de santé au travail. Il insiste également, à raison, sur le management. La volonté, chez les managers, d’être dans un comportement constructif est indispensable.
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