Pendant une manifestation à l'appel des associations et syndicats de soignants psychiatriques, le 21 mars à Paris. Photo Jacques Demarthon. AFP
Nouveau rapport alarmant sur la prise en charge des malades mentaux. Un an après les grandes grèves dans plusieurs établissements, les changements sur le terrain n'apparaissent toujours pas
Le sentiment d’un disque rayé. Alors que l’on apprend ce mercredi que l’hôpital psychiatrique du Rouvray, qui avait été à l’origine d’un mouvement historique en 2018 avec dix-huit jours de grève de la faim de 8 soignants, va commencer de nouveau une grève illimitée à l’appel de la CFDT, la CGT et de Sud – cela à partir du 29 septembre pour dénoncer le non-respect de l’accord (1), deux députés viennent de rendre public un rapport sur la situation toujours aussi inquiétante de la psychiatrie. «Face à la prise en charge catastrophique» des patients en santé mentale, ils appellent à «sortir la psychiatrie de l’hôpital» en «redéployant 80%» du personnel de cette filière «au bord de l’implosion» vers la ville «à l’horizon 2030».
L’analyse est malheureusement connue. Depuis vingt ans, peu à peu, la psychiatrie s’effondre. «Retard au diagnostic beaucoup trop important», «suroccupation des lits» de psychiatrie représentant un «fléau pour les patients comme pour les soignants», recours croissant «à l’hospitalisation sans consentement»… L’organisation territoriale de la psychiatrie est «tout à la fois inefficiente et inefficace», cinglent Martine Wonner (LREM) et Caroline Fiat (LFI), rapporteures de cette mission d’information.
«La réponse ne se trouve pas dans l’hôpital»
«Le nombre de lits d’hospitalisation en psychiatrie par habitant a diminué de moitié depuis les années 90», rappellent au passage les députés qui notent que «les structures se sont développées parallèlement en ville», et «ne permettent pas de répondre à la demande croissante de soins, les centres médicopsychologique étant partout saturés tandis que le premier rendez-vous avec un psychiatre peut atteindre trois mois, et parfois bien plus». Conséquence, «les patients n’ont d’autre solution que les urgences, puis d’être hospitalisés, alors que la crise aurait pu être évitée». «Si les revendications des personnels hospitaliers», illustrées par plusieurs grèves depuis l’an dernier (Amiens, Rouen, Le Havre, etc.), «en faveur de plus de lits sont parfaitement compréhensibles […] la réponse ne se trouve pas dans l’hôpital mais en dehors», précise la mission.
Ajoutant, encore : «Il est urgent de déployer des moyens importants sur les structures extra-hospitalières, qu’elles soient sanitaires, sociales ou médico-sociales», font-elles valoir, plaidant pour «le développement massif d’équipes mobiles sur l’ensemble du territoire mais aussi de structures d’amont et d’aval». Les députées proposent la création d’une «agence nationale en charge des politiques de santé mentale» sur le modèle de l’Institut national du cancer.
En réponse à cette crise, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a nommé en avril le professeur Frank Bellivier délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie. Depuis, on ne peut pas dire qu’il se soit passé grand-chose, ce dernier annonçant juste qu’il allait commencer «un tour de France», en ce mois de septembre.
Au ministère de la Santé, on rappelle que le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2020 devrait amorcer la «refonte» du financement de la psychiatrie. Certes… Cette mesure pourra être importante. Mais elle ne répond pas aux très fortes attentes actuelles du milieu. Et on notera que ces derniers jours, plusieurs syndicats de psychiatres publics se sont joints aux mouvements de grèves des urgences.
(1) La direction avait promis l’embauche de personnel.
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