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samedi 21 septembre 2019

La bible est un roman d’espionnage

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Publié dans le magazine Books n° 84, juillet / août 2017. Par Jean-Louis de Montesquiou.

L’Ancien Testament regorge d’agents doubles et de séductrices intéressées. Très tôt, le peuple juif a pallié sa faiblesse militaire en tablant sur le renseignement.
Moïse envoie douze espions – un par tribu – s’informer de l’état des lieux (Nombres 13, 18-30) : « Comment est le pays où cette population habite : est-il bon ou mauvais ? Comment sont les villes où cette population ­habite : sont-elles des campements ou des forteresses ? Comment est ce pays : sa terre est-elle grasse ou maigre ? Y pousse-t-il ou non des arbres ? Rassemblez vos forces et prenez les fruits du pays. »
Le successeur de Moïse, Josué, enverra à son tour, « discrètement » deux espions, de vrais pros. Ceux-ci iront droit au bordel de Jéricho, s’acoquineront avec la prostituée Rahab, obtiendront d’elle des renseignements de première main qu’ils transmettront tels quels à Josué : « C’est bon, on peut y aller ».

« Rahab est la première espionne au service des Israélites », écrit Rose Mary Sheldon dans un livre consacré aux espions de la Bible. Rahab inaugure une longue liste de redoutables agentes secrètes. Suivront notamment Déborah la rusée, qui, grâce à l’agent double Heber, entraînera le roi de ­Canaan dans une embuscade fatale (Juges 4, 4-23). Puis ­Dalila, dont est épris Samson à la force magique. Les Philistins s’achèteront ses services contre 1 100 pièces d’argent, à charge pour elle d’extorquer le secret de la force de son amant : ses cheveux. La plus remarquable barbouze de la Bible est cependant Judith, une veuve superbe, riche et pieuse, qui de sa propre initiative décide de séduire et de tuer Holopherne, le général de Nabuchodonosor. Sa maestria fera date.
Dans les premiers livres de la Bible, les Israélites sont en ­effet presque toujours victorieux, ­généralement grâce à l’association imparable de deux atouts ­majeurs : d’excellents renseignements et le concours ­divin. Dans la plupart des récits de combat figurent des espions et des stratagèmes. Voyez la prise de Jéricho, grâce à Rahab, et celle des montagnes d’Aï, grâce au courageux Gédéon. Celui-ci se glisse dans le camp des Madianites et surprend leurs plans. Mais le Tout-Puissant lui-même joue un rôle non négligeable, qu’il n’entend pas laisser minimiser.
C’est peut-être le roi David qui offre le meilleur exemple de cette combinaison gagnante. David ­espionne à tout-va, y compris au sein de sa propre famille. Mais sa paranoïa s’explique : il a bien failli ne jamais monter sur le trône, à cause d’un agent double heureusement détecté à temps ; et il manquera d’en descendre, à cause d’un complot mené par son propre fils Absalon. En même temps, David est aussi un adepte des circuits courts, et, dans certains cas, il puise ses renseignements directement chez Yahvé. « David interrogea le Seigneur : “Si je poursuis cette bande de pillards, pourrai-je les atteindre” » Et Il lui dit : “Poursuis ! Sûrement, tu atteindras ! Sûrement, tu délivreras !” » (I Samuel 30, 8). Parfois, Yahvé y va même de ses conseils stratégiques : « “Ne monte pas. Contourne-les par leurs arrières : tu les aborderas devant les micocouliers. Quand tu entendras un bruit de pas à la cime des micocouliers, dépêche-toi : c’est que le Seigneur sera sorti devant toi pour frapper dans le camp des Philistins !” »
À partir des premier et deuxième livres des Maccabées, « les prophéties disparaissent du récit, ainsi que les miracles et toute forme d’intervention surnaturelle directe », note Rose Mary Sheldon. Mais du même coup, le rôle du renseignement s’accroît. Les luttes de Judas Maccabée contre les Séleucides au IIe siècle av. J.-C. constituent l’archétype d’une guérilla victorieuse. Deux millénaires avant Mao, les rebelles juifs exploitent au maximum leur connaissance du terrain en « se fondant dans la population comme un poisson dans l’eau ». Leur victoire contre Antiochos IV Épiphane assure à Israël un bon siècle de tranquillité – le dernier pour longtemps.
Les Juifs sont en effet bien mal lotis sur le plan militaire. Leur minuscule pays se trouve coincé entre des voisins ultrapuissants qui n’hésitent jamais à le traverser pour aller s’entre-tuer, Égyptiens contre Hittites, Mésopotamiens contre Phéniciens… Jérusalem sera le théâtre de pas moins de 118 conflits au cours de son histoire agitée. Mais, même quand Yahvé se fera plus discret et moins interventionniste, ils tenteront toujours de compenser la faiblesse de leurs forces par une utilisation optimale du renseignement, ­notamment contre les Romains.
LE LIVRE
LE LIVRE
Spies of the Bible de Rose Mary Sheldon, Greenhill Books, 2007


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