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mercredi 18 septembre 2019

« La situation n’a pas changé, elle est même pire » : nouvelle grève à l’hôpital psychiatrique du Rouvray

  Il y a un an, sept salariés de l’établissement avaient mené une grève de la faim très médiatisée pour dénoncer le manque d’effectifs et les conditions d’accueil des patients.
Par   Publié le 18 septembre 2019
Manifestation à l’hôpital du Rouvray, à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), en mai 2018.
Manifestation à l’hôpital du Rouvray, à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), en mai 2018. CHARLY TRIBALLEAU / AFP
Telle une tumeur latente, le malaise persiste au centre hospitalier du Rouvray, à Sotteville-lès-Rouen. Les banderoles de mécontentement surgissent à nouveau sur les grilles du principal hôpital psychiatrique de Seine-Maritime. Avec un message clair : « Quinze mois après, le compte n’y est pas », aux yeux de l’intersyndicale CGT, SUD et CFDT. Elle vient de lancer un nouvel appel à la grève illimitée à compter du jeudi 19 septembre à minuit.
Tous ont encore en tête l’âpre conflit social et la grève de la faim très médiatisée menée par sept salariés de l’établissement, en juin 2018. Ils dénonçaient les conditions d’accueil des patients, le manque d’effectifs et la suroccupation chronique des lits. Certains des grévistes ont tenu dix-huit jours.

Une sortie de crise a finalement été obtenue, aux forceps, sous la forme d’un protocole d’accord signé entre direction et syndicats, et validé par l’Agence régionale de santé (ARS) de Normandie. Il prévoyait notamment l’ouverture de trente postes d’infirmiers et d’aides-soignants et faisait de la création d’une unité dédiée aux adolescents « une priorité absolue ».
Mais la fièvre n’est pas retombée. « La situation n’a pas changé, elle est même pire. Le taux d’occupation dépasse les 109 %, soit plus d’une trentaine de lits supplémentaires au quotidien », souligne aujourd’hui l’infirmier Jean-Yves Herment, délégué CFDT et lui-même gréviste de la faim l’an dernier.
« On bricole en installant des patients sur des lits pliants dans les couloirs ou à l’écart dans des bureaux sans sanitaire », s’indigne Sébastien Ascoet, cadre de santé et élu CGT. Son confrère et infirmier René Navarette (CGT), lui, pointe la « dramatique situation d’adolescents de 14 ans qui, par manque de place dans l’unité ados saturée en permanence, sont accueillis dans les services adultes. Avec les problèmes d’attouchements ou de drogues que cela engendre… »

Bataille des chiffres

Arrivé fin janvier, Lucien Vicenzutti, le nouveau directeur du centre hospitalier (où l’autorisation de réaliser un reportage ne nous a pas été accordée), a répondu par courriel aux questions du Monde. S’il reconnaît que la suroccupation entraîne l’ouverture de lits « dans des conditions inacceptables pour les patients », il estime, à rebours des syndicats, que cette pression relève davantage « d’un problème d’organisation de l’offre de soins territoriale » que « d’un renforcement des effectifs ».
Acquise de haute lutte en juin 2018, la création des trente postes promis est justement au cœur de la brouille actuelle entre direction et syndicats. Lors d’une réunion de suivi, jeudi 12 septembre, ces derniers ont claqué la porte, dénonçant un non-respect des engagements actés au sortir de la grève de la faim.
« Nous sommes toujours en déficit de postes, attaque Sébastien Ascoet. Et nous n’avons plus aucune visibilité sur ces embauches. Jusqu’à présent, la direction nous communiquait avec précision les informations. Elle s’y refuse désormais. Un an plus tard, on se demande comment obtenir ce qu’on croyait avoir déjà obtenu. C’est ubuesque. » La direction indique, pour sa part, « respecter le protocole » : « L’ARS a financé vingt postes sur les trente prévus, les dix [autres] restant à financer d’ici à la fin de la campagne budgétaire. »
Au-delà, l’intersyndicale juge que ces embauches « exceptionnelles » servent en fait « à remplacer les départs naturels non compensés » et pas à renforcer les services. Affirmation réfutée par la direction qui comptabilise « 101 recrutements contre 85 départs en 2018 ». Un brouillard épais entoure cette bataille des chiffres.

« La réorganisation a ses limites »

La question de l’affectation de ces trente postes dits « protocole » crée également des remous. Alors que les syndicats ciblent les unités internes de l’hôpital, le directeur veut miser sur l’accueil extra-hospitalier, à savoir dans les centres d’accueil disséminés sur le territoire. Un point qui divise aussi les médecins.
« Face à trop d’hospitalisations, il faut améliorer la prise en charge ambulatoire », avance Sadeq Haouzir, psychiatre et président de la commission médicale d’établissement. « La réorganisation a ses limites. On sait ce dont on a besoin : des lits et des soignants », argue en écho Basile Gonzales, pédopsychiatre et syndicaliste SNMH-FO.
Reste l’enjeu, vu comme « une priorité absolue », de la création d’une unité spécifique pour les adolescents, l’actuelle ne pouvant pas traiter plus de dix patients. Or, le projet tarde à prendre corps. « Il est au point mort », critique l’intersyndicale.
L’hôpital « prépare un dossier pour le 4 octobre dans le cadre d’un appel à projets lancé par l’ARS Normandie », fait savoir le directeur, en admettant que « de grandes incertitudes demeurent à ce jour pour préciser la date de mise en œuvre de ce projet en souffrance depuis des années », notamment la question des moyens financiers qui sera « à discuter avec l’ARS ». Sollicitée, cette dernière n’a pas donné suite.

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