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mardi 17 septembre 2019

Des chiffres et des maux

Par Eric Favereau — 

Une grève qui se poursuit, une baisse des cas de contamination par le virus du sida, un reste à charge qui diminue : le verre est à moitié plein (ou à moitié vide), en cette rentrée sanitaire incertaine.

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C’est le nombre de services d’urgences hospitaliers toujours en grève, ce lundi, selon les chiffres du collectif Inter-urgences, une semaine tout juste après l’annonce du plan de refondation par Agnès Buzyn, avec 750 millions d’euros de redéploiement sur trois ans pour tenter de recréer une organisation de premiers soins qui tienne debout.
Dans ce conflit qui dure désormais depuis plus de six mois, le seul changement notable est la montée en puissance des médecins hospitaliers, manifestant leur solidarité avec les urgentistes. Outre l’appel à la grève de deux syndicats (l’Association des médecins urgentistes de France, et Action praticiens hôpital), la Collégiale des psychiatres ainsi que la Commission médicale de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris ont appelé à une solidarité forte : «Nous avons bien conscience que des mesures indispensables nécessitent une augmentation des moyens, cela s’avère incontournable au risque de voir s’amplifier et se dégrader la qualité des soins.»

16% 

On attendait avec impatience ce chiffre. Y aurait-il, en effet, un lien visible entre la diffusion de la «Prep» (traitement préventif pour éviter d’être infecté par le virus du sida) depuis trois ans et les chiffres des nouvelles contaminations par le virus du sida en France ? En somme, la Prep arrivera-t-elle à casser l’épidémie ?
La semaine dernière, des données de Santé publique France ont indiqué qu’en 2018, 906 Parisiennes et Parisiens ont appris leur séropositivité, contre 1 078 en 2015. Soit une baisse de 16%. Celle-ci est particulièrement marquée chez les hommes homosexuels et bisexuels (hommes ayant des rapports sexuels entre hommes ou HSH) avec une baisse de 22% en moyenne et de 28% chez les HSH nés en France. Ces hommes représentaient 45% des nouveaux cas en 2018.
Que déduire de cette bonne nouvelle ? «C’est bien, mais ce n’est pas assez», nous explique France Lert, qui préside l’association Vers Paris sans sida, et qui est une des meilleures spécialistes françaises sur ces questions. «C’est évidemment intéressant et important, surtout de voir cette baisse de 28% chez les HSH nés en France. Mais il faut aussi la mettre dans le contexte. Entre 2010 et 2018, on avait une baisse des nouveaux cas de 34%. Ensuite, si l’on reste entre 2015 et 2018, on est loin de ce qui se passe à Londres qui a une baisse de 44%. Pourquoi donc ce verre à moitié rempli à Paris ?»
Pour France Lert, la forte baisse chez les gays confirme la puissance d’action de la Prep. «Chez les hétéros, fait remarquer la sociologue, économiste et épidémiologiste, on a assisté à une baisse à partir de 2013 grâce à une mise sous traitement beaucoup plus rapide des patients.» Mais il faut aussi rappeler que ces dernières années, il y a eu une forte augmentation du dépistage à Paris. «En même temps, poursuit France Lert, entre 2010 et 2018, la baisse des cas de contamination chez les femmes est faible : moins de 3%. Et chez les hétéros nés hors de France, la baisse n’est que de 10%. Bref, c’est complexe, on vit plusieurs éléments en même temps, que l’on a du mal à différencier les uns des autres. Ce qui est sûr, c’est que la combinaison des différents outils (dépistage, Prep, mise sous traitement), c’est cela qui marche !» Et elle souligne : «Les nouveaux outils de prévention n’atteignent pas les migrants. On doit renforcer nos actions car il faut amener ces outils vers ces personnes, notamment pour les femmes, et les HSH nés hors de France.»

14 euros

C’est une bonne nouvelle, même s’il faut la tempérer. Selon des chiffres publiés par le ministère de la Santé, le reste à charge (RAC) des patients français – ce qui leur reste à payer après avoir été remboursés par la Sécu et par les mutuelles – est le plus bas du monde. Il s’élève à 214 euros sur 3 037 euros de dépenses annuelles par habitant.
Le RAC est ainsi tombé à son plus bas niveau historique en 2018. Il représentait 7% de la dépense totale engagée, contre 7,5% en 2017 et 7,7% en 2016. Effective depuis quelques années, cette baisse s’est même accélérée l’an dernier à la suite de la généralisation de la complémentaire santé dans les entreprises, initiée en 2016. Tous les salariés du privé, et par rebond leurs familles, bénéficient désormais d’une couverture. Pour autant, ce serait surtout l’augmentation de la part de la Sécurité sociale dans les remboursements qui expliquerait cette baisse du RAC. «Le vieillissement de la population entraîne la multiplication des maladies chroniques, et des patients bénéficiant du statut affections longue durée (cancers, diabète, insuffisance rénale chronique, etc.)avec un remboursement à 100%», note le ministère. Au final, sur les 214 euros que paie chaque assuré de sa poche, les soins de ville sont le poste le plus lourd (86 euros), suivis par celui des médicaments (61 euros), loin devant l’hôpital (27 euros).
Reste que cette bonne nouvelle peut parfois ressembler à un leurre. Ainsi, le prix des mutuelles augmente, lui, chaque année, de 2 à 4% pour les contrats individuels, et de 3 à 5% pour les contrats collectifs. Or, cette hausse n’est pas prise en compte dans le RAC. Surtout, certains experts font un parallèle entre une baisse du RAC et une baisse de la qualité des soins proposés. On payerait moins certes, mais ce serait pour une offre de moins bonne qualité… Jamais contents, en somme ?

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