En 2018, l'historien et écrivain Ivan Jablonka a publié ses souvenirs d'étés et de voyages en famille dans "En camping-car". Rassemblant des images d'amateur des années 1980, il élargit son propos et brosse le portrait de toute une époque, et surtout de toute une génération qui, portée par le mouvement hippie et imprégnée de culture américaine, part en famille à la découverte de nouveaux espaces et des confins de l'Europe.
Lorsqu’elle est devenue enceinte, l’essayiste Judith Aquien s’est trouvée «très en colère». En colère parce qu’elle s’est aperçue que personne ne se préoccupe des trois premiers mois d’une grossesse. Elle a compris que tant que son ventre ne serait pas visible, ce qu’elle vivait ne compterait pas. Ni pour le corps médical ni pour le corps social. Elle s’est aperçue que les symptômes du premier trimestre, parfois lourds, sont vus comme de menus désagréments, les fameux «petits maux de la grossesse». Elle qui avait auparavant subi une fausse couche le savait bien : ces choses-là sont minorées. Elle s’est demandé pourquoi les femmes ne disposent pas, comme c’est désormais le cas en Nouvelle-Zélande, d’un congé pour se remettre d’une fausse couche si elles en ont besoin, et pourquoi ces dernières sont généralement traitées «dans l’indifférence absolue», alors que ces événements représentent 15 % des grossesses, comme le note le gynécologue René Frydman dans son Histoire de la naissance (Grasset, 2021). Enceinte et révoltée, c’est pour «ne pas décolérer» qu’elle a écrit Trois Mois sous silence: le tabou de la condition des femmes en début de grossesse (Payot, 2021).