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mercredi 23 juin 2021

Au procès des harceleurs de Mila, « peut-être faut-il que cette jeunesse entende certaines choses »

Par   Publié le 23 juin 2021

De trois mois à six mois de prison avec sursis ont été requis contre les prévenus, au tribunal correctionnel de Paris, mardi. Jugement le 7 juillet.

Mila quitte le tribunal de Paris, le 21 juin, après l’audience du procès des personnes l’ayant harcelée et menacée en ligne.

Les prévenus se sont livrés à « un lynchage 2.0 » qui a imposé à Mila « une sorte de confinement avant l’heure et à durée indéterminée », une vie d’enfermement passée sous protection policière. Le représentant du parquet de Paris a requis, mardi 22 juin« une peine d’avertissement qui permettra de prévenir la récidive » contre les auteurs de messages haineux adressés à la jeune femme de 18 ans sur les réseaux sociaux depuis janvier 2020, lorsqu’elle y a critiqué l’islam avec virulence : trois mois avec sursis contre les trois qui étaient poursuivis pour« harcèlement », six mois avec sursis contre les neuf qui l’étaient en outre pour « menaces de mort ». La relaxe a été demandée pour un treizième prévenu, dont le message litigieux prêtait à confusion.

« Seule votre réponse permettra la compréhension des limites et une prise de conscience citoyenne, a lancé le procureur aux juges de la 10e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Les déclarer coupables, ce sera leur dire que ce sont des citoyens responsables, et non de grands enfants, comme ils ont essayé de se dépeindre. Ce sera dire qu’il n’y a pas de prime à l’hypocrisie, et que les réseaux sociaux ne sont pas un Far West sans règle. »

La veille, le président du tribunal avait dit vouloir « poser les règles de l’acceptable et de l’inacceptable » en la matière.

« Lapidation numérique »

« Ce que je vous demande, c’est de poser les jalons d’un monde un peu moins sauvage », a, quant à lui, plaidé l’avocat Richard Malka, enjoignant le tribunal de répondre à la « lapidation numérique »subie par sa cliente, « de retenir le bras avant qu’il ne lance la pierre, de retenir la main avant qu’elle n’appuie sur le bouton “envoyer”. Je vous demande de vous munir, vous aussi, d’une pierre, mais pour construire un rempart à toutes les victimes de cyberharcèlement. Nous serons peut-être les premiers à poser une pierre pour bâtir la régulation des réseaux sociaux ».

Pour la deuxième fois en six mois, l’avocat de Mila, qui était aussi celui de Charlie Hebdo lors du procès, fin 2020, des attentats de janvier 2015, plaidait, bien au-delà des faits, en défense de la liberté d’expression. Son propos était cette fois spécifiquement adressé à« une partie de la jeunesse à laquelle nous allons remettre les clés. Il y a un débat de société, peut-être faut-il que cette jeunesse entende certaines choses ». « Peut-être que le mal de cette génération, c’est de se croire offensée professionnelle », a-t-il suggéré, se tournant fréquemment vers les bancs des prévenus, de jeunes gens âgés de 18 à 29 ans, dont les débats ont souligné que la liberté d’expression était pour eux un concept encore imparfaitement défini, et qu’ils faisaient, selon MMalka, « la confusion totale entre blasphème et racisme ».

Alors Me Malka a cité « Dante qui éventre Mahomet dans le 8e cercle de La Divine Comédie » et « Libération qui dessine le Christ en croix portant un préservatif » : « Vous pouvez dire que c’est blessant, que c’est horrible, mais c’est notre droit. Si je me sens blessé, je n’ai pas le droit de menacer de mort, j’ai le droit de porter plainte. »

Face à ceux qui « demandent d’instaurer la sauvagerie comme art de vivre », ceux qui « renvoient dos à dos quelqu’un qui critique le ciel et quelqu’un qui critique un être humain », ceux « qui prennent le parti de Dieu plutôt que le parti des hommes », il a appelé le tribunal à la fermeté : « On vous demande de baisser les bras, on vous demande d’accepter ce monde-là. Vous ne le ferez pas. »

La crainte d’une forme de démission

De l’autre côté de la barre, les treize avocats de la défense ont unanimement souligné la bizarrerie de cette audience, aboutissement de la première procédure dirigée par le nouveau pôle du parquet de Paris spécialisé contre la haine en ligne. Pourquoi seulement treize prévenus, alors que Mila a reçu des dizaines de milliers de messages haineux ? Comment ces jeunes cobayes, tous bien insérés socialement et sans casier judiciaire, ont-ils été choisis ?

Redoutant « un procès pour l’exemple », ils ont appelé le tribunal à « séparer le bon grain de l’ivraie » – chacun se réclamant du bon grain, puisque chacun a plaidé la relaxe.

« L’enquête se poursuit, il y aura d’autres interpellations et d’autres procès comme celui-ci », avait précisé le procureur auparavant. En attendant d’autres « procès Mila », Richard Malka a, lui, formulé la crainte qu’il y ait « d’autres Mila si on ne prend pas conscience de la gravité de la situation ». Il a cité la philosophe Elisabeth Badinter – « Nous paierons cher cette lâcheté » – qui déplorait par ces mots une forme de démission, selon elle, du politique et du judiciaire dans l’affaire Mila. « On la paiera peut-être un peu moins cher grâce à ce tribunal », a conclu MMalka. Le jugement sera rendu le 7 juillet.


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