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mercredi 23 juin 2021

Le Conseil de l’Europe dénonce les conditions de garde à vue en France

Par   Publié le 24 juin 2021

Un rapport publié jeudi 24 juin par le Comité européen de prévention de la torture évoque des mauvais traitements dans certains commissariats et la difficulté à les faire constater par un médecin.

La France est une nouvelle fois pointée du doigt par le Conseil de l’Europe au sujet des conditions d’enfermement des personnes en garde à vue dans les commissariats ou les gendarmeries, dans les prisons et dans les hôpitaux psychiatriques. Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), qui organise des visites périodiques dans chacun des 47 pays du Conseil de Strasbourg, a publié, jeudi 24 juin, le rapport portant sur la France après s’être rendu, en décembre 2019, dans dix-sept établissements.

En matière de garde à vue, le tableau n’est guère reluisant, même si le rapport souligne que la grande majorité des personnes rencontrées par la délégation européenne n’ont pas fait la moindre allégation de mauvais traitements physiques. Pour autant, il relate que plusieurs personnes se sont plaintes de coups de la part de policiers et d’insultes, dont certaines à caractère raciste ou homophobe. Lors de sa visite du commissariat de Lille, la délégation a, par exemple, rencontré une personne à mobilité réduite qui a dit « avoir été poussée de son fauteuil roulant, menottée dans le dos, traînée sur le sol jusqu’à une cellule et frappée par des policiers (coups de poing) ». Il se trouve que les vidéos consultées par la délégation « corroboraient ces allégations », note le rapport.

Selon le gouvernement, qui a disposé de six mois pour répondre point par point au rapport du CPT, il n’existe « aucun élément corroborant les déclarations de la personne sur les mauvais traitements qu’elle allègue ». Aucune plainte n’ayant été déposée, les vidéos n’ont pas été exploitées par la justice.

« Des matelas sales et déchirés »

L’accès à un médecin pendant la garde à vue, qui est un droit, ne semble pas toujours aisé. Certaines situations semblent plus inquiétantes, comme à l’hôtel de police de Roubaix (Nord), où « le médecin rencontré par la délégation a indiqué qu’il n’estimait pas devoir se soucier des mauvais traitements ou d’en faire état dans un certificat allant même jusqu’à en justifier leur éventuelle existence. La confidentialité des observations médicales n’était pas assurée. De plus, il ne faisait montre d’aucune indépendance par rapport à la police. » A Paris, à l’unité médico-judiciaire de l’Hôtel-Dieu, le médecin ne fait des constatations de lésions traumatiques que si un officier de police judiciaire le lui demande. Et dans ce cas, le patient n’a même pas la copie du certificat ni d’un quelconque document relatif à l’examen.

Quant aux conditions de détention dans ces locaux, elles sont exécrables. Ce n’est pas vraiment une découverte, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a ainsi observé tout au long de l’année 2020 « des lieux dégradés et dégradants, tant pour les policiers que pour les gardés à vue », lit-on dans son rapport annuel publié le 9 juin. La délégation européenne a, de son côté, constaté qu’à l’hôtel de police de Bordeaux, « chaque personne avait une couverture de survie, mais les matelas étaient sales et déchirés ; plusieurs portaient des traces de sang et d’excréments ou de vomissures ». Le nombre de personnes retenues dans une même cellule, l’absence de banquette pour s’allonger même si la garde à vue dure toute la nuit, l’absence de point d’eau, la difficulté d’accéder aux toilettes sont relevés dans de nombreux lieux.

Les autorités françaises disent dans leur réponse être « conscientes que certains locaux sont dans un état vétuste ou inadaptés. Depuis plusieurs années, malgré les contraintes budgétaires, d’importants efforts sont consentis pour améliorer la situation matérielle des locaux dont la vétusté pèse sur les conditions de rétention des personnes mais également sur les conditions de travail des policiers et des gendarmes. (…) Les besoins immobiliers sont cependant nombreux et, malgré les efforts budgétaires, tout ne peut être accompli de façon immédiate. » Autrement dit, la probabilité que le constat du CPT évolue significativement sur ce point d’ici sa prochaine visite, dans quatre ou cinq ans, est faible.

Le problème des soins psychiatriques

Le rapport de 96 pages du CPT, mis en ligne sur le site du Conseil de l’Europe, consacre également de larges développements aux prisons. Outre le problème chronique de la surpopulation carcérale, la délégation affirme avoir « rencontré, dans chaque établissement, des personnes détenues dont la place n’était pas dans un établissement pénitentiaire, mais dans une structure hospitalière de santé mentale. Il arrivait que la santé mentale de certaines personnes s’étant trop détériorée, elles étaient placées à l’isolement pour des périodes prolongées. »

Si la création des unités hospitalières spécialement aménagées permet des placements de détenus en hôpital pour des soins psychiatriques adaptés, le manque de places est criant et les délais d’attente pour y accéder sont parfois de six semaines. Le CPT juge la situation de la prise en charge de la maladie mentale en prison « inacceptable pour ces personnes malades et potentiellement dangereuses pour les personnes elles-mêmes, les autres personnes détenues comme pour le personnel, encore plus lorsqu’elles sont placées à l’isolement ».


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