C’est l’histoire d’un mal mystérieux qui, jusqu’à la fin des années 70 dit-on, frappait les filles des campagnes de l’Italie méridionale, et d’un rituel magico-religieux - une danse et une musique - né pour l’exorciser. C’est l’histoire d’une araignée venimeuse galopant sur les terres cramées du Mezzogiorno et des victimes qu’elle aurait piquées, puis possédées. C’est l’histoire de tripotées d’inquisiteurs, de médecins, d’ethnologues ou de neurologues se disputant successivement, sur des siècles, l’explication de cette transe locale pratiquée jusqu’à épuisement par de malheureuses «tarentulées». Et c’est aussi l’histoire d’une métaphore à charge sexuelle, celle de la «piqûre d’araignée» (un nom masculin en italien, il ragno), l’histoire d’une éloquente catharsis, donc, inventée sur une des terres les plus pauvres du catholicisme. Aujourd’hui, on dirait presque un pitch de série Netflix, ou le résumé du prochain essai de Mona Chollet (l’autrice de Sorcières), tant les récits autour du «tarentisme» (nom de ce «mal mystérieux») et de la «tarentelle» (la pratique choréo-musicale) résonnent avec nos obsessions contemporaines, qu’elles touchent au féminisme, au post-colonialisme, à la redécouverte de spiritualités et de pratiques thérapeutiques passées sous les radars occidentaux.