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jeudi 7 janvier 2021

Pensions alimentaires : que change le nouveau système pour les impayés ?

Par Marlène Thomas — 5 janvier 2021

La CAF peut désormais jouer le rôle d’intermédiaire dans la gestion des pensions alimentaires (photo d'illustration).

La CAF peut désormais jouer le rôle d’intermédiaire dans la gestion des pensions alimentaires (photo d'illustration).

Photo Philippe Huguen. AFP

Les caisses d’allocations familiales et la Mutualité sociale agricole pourront servir d’intermédiaires dans leur versement, dès la séparation des couples, et recouvrir les sommes impayées.

«En finir avec cet enfer des impayés de pensions alimentaires». C’était l’objectif affiché dans les pages de Libération en août 2019 par l’ancienne secrétaire d’Etat Christelle Dubos, qui a conduit la réforme du recouvrement de ces sommes non versées. Entre 30% et 40% de ces contributions financières - versées au parent chez lequel l’enfant réside après une séparation - seraient impayées ou de manière partielle seulement. Entrée en vigueur le 1er janvier 2021 au lieu du 1er juin 2020 initialement prévu, cette réforme est l’objet du premier déplacement d’Emmanuel Macron ce mardi depuis sa contamination au Covid-19. «Elle permet à toute personne qui le souhaite de demander à la CAF d’intermédier le versement de sa pension alimentaire», indique un communiqué de l’Elysée. Cette «sécurisation» va aussi«protéger les familles monoparentales et simplifier leur quotidien en levant l’insécurité créée par la menace ou l’absence de paiement des pensions»,affirme l’Elysée.

Le président rencontrera des bénéficiaires à partir de 14 heures à la Caisse d’allocations familiales de Tours (Indre-et-Loire). 10 000 personnes ont déjà expérimenté ces mesures depuis octobre. Un engagement pris par le président à l’issue du Grand débat national, ouvert après la mobilisation des gilets jaunes. Sur les ronds points et dans les rues, les familles monoparentales, dans 85% des cas portées par la mère, étaient nombreuses à avoir revêtu le jaune fluo et fait entendre leurs difficultés souvent occultées.

Comment ce système fonctionne-t-il ?

Le premier volet de cette réforme, de prévention, prévoit que la CAF ou la Mutualité sociale agricole (MSA) dans le cas des agriculteurs jouent le rôle d’intermédiaires sans qu’il n’y ait forcément eu d’impayés. Ces organismes récupèrent le montant de la pension alimentaire due chaque mois auprès du parent débiteur, avant de la reverser à son ex-conjoint·e bénéficiaire. La demande peut être faite par l’un des parents dès la séparation officielle, sans avoir besoin de l’accord de l’ex-conjoint·e, directement auprès du juge aux affaires familiales ou auprès de la CAF et de la MSA. Une seule demande est nécessaire jusqu’à la majorité de l’enfant.

Le deuxième volet tend, lui, à recouvrir les sommes impayés. «Dès le premier impayé, le parent qui doit recevoir la pension alimentaire pourra saisir la CAF afin que l’intermédiation soit mise en place et que le montant de la pension soit directement prélevé sur les ressources de l’autre parent, ce qui pourra se faire de manière automatique et définitive jusqu’à la majorité de l’enfant», nous expliquait Christelle Dubos. Après une phase amiable auprès du parent débiteur, la CAF et la MSA sont habilitées à récupérer directement le montant de la pension à venir ou les arriérés sur les 24 derniers mois auprès de son employeur, de sa banque ou encore de Pôle emploi. Cette intermédiation se fait également sur demande auprès des deux organismes après un premier impayé ou si le paiement n’est que partiel. En attendant le recouvrement, une demande d’allocation de soutien familiale (environ 116 euros par mois et par enfant) peut toujours être effectuée. Cette dernière sera déduite lors du recouvrement des impayés.

Qui est concerné ?

Tous les couples séparés ou en instance de séparation ayant au moins un enfant peuvent bénéficier de ces nouvelles aides depuis le 1er janvier. En France, environ 900 000 parents, en grande majorité les mères, perçoivent une pension alimentaire, dont le montant moyen s’élève à 170 euros par mois. Le nombre de familles monoparentales a doublé depuis 1990 et concernait plus d’un foyer sur cinq en 2018, selon le recensement Insee publié en janvier 2020. Parmi ces familles, un tiers vivait sous le seuil de pauvreté.

Quels étaient les recours existants ?

Au-delà du délit d’abandon de famille prévu par la loi (puni d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende), une nouvelle aide avait été mise en place en 2014 avec la création de l’allocation de soutien familiale. En 2017, l’Agence de recouvrement des impayés de pension alimentaire (Aripa) a aussi été créée. Elle est chargée de récupérer les impayés jusqu’à deux ans d’arriérés. Un rapport du groupe de réflexion progressiste Terra Nova, publié en 2019, démontrait l’impact limité de l’Aripa : seules 37 000 familles y auraient eu recours. Ce système nécessitait notamment que la famille créancière entame des démarches à chaque impayé.

Le dispositif fait-il l’unanimité ?

Le gouvernement entend s’inspirer du modèle québécois où l’agence publique chargée de la perception des impôts prélève et verse toutes les pensions alimentaires dès la séparation des parents. Un succès dans la province canadienne, qui enregistre seulement 4% d’impayés. Le nouveau système d’intermédiation français ne va toutefois pas aussi loin, regrettent certaines associations, comme le collectif Abandon de famille - Tolérance zéro !. Stéphanie Lamy, cofondatrice du collectif, réclame sur Twitter, suivant également les recommandations faites par Terra Nova, que «le dispositif de gestion des pensions alimentaires soit adossé au Trésor Public»«qui a la capacité de poursuivre le débiteur en justice lorsque le refus est manifeste». Il ne faut «pas oublier que refuser de payer est un délit, une forme de violence conjugale», insiste Stéphanie Lamy. Une éventualité étudiée mais rejetée par le gouvernement car plus chronophage, précisait Christelle Dubos. Le collectif craint même une augmentation des impayés due«au fait que tout le dispositif est maintenu au sein de la CAF. La logique des débiteurs : "Je ne paie pas les pensions alimentaires puisqu’il y a la CAF"». Ces mesures ne règlent pas non plus le problème des mauvais payeurs installés à l’étranger.


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